L'autoformation ou auto-apprentissage est le fait pour une personne de se former elle-mĂȘme, dans un cadre qui lui est propre, dâune façon plus ou moins Ă©loignĂ©e des structures et institutions enseignantes et formatives. L'autoformation apparaĂźt ainsi comme un mode d'auto-dĂ©veloppement des connaissances et des compĂ©tences par le sujet social lui-mĂȘme, selon son rythme, avec l'aide de ressources Ă©ducatives et de mĂ©diation sociale les plus choisies possibles.
Si l'autodidacte est habituellement prĂ©sentĂ© comme une personne poursuivant une dĂ©marche solitaire, il est de plus en plus facile de trouver des ressources d'autoformation collective : groupe d'Ă©change de savoirs, rĂ©seaux sociaux d'apprentissage... Les courants de l'Ă©ducation populaire, l'universitĂ© populaire, les rĂ©seaux d'Ă©change rĂ©ciproque de savoir et les phĂ©nomĂšnes collaboratifs comme le wiki, illustrent ce phĂ©nomĂšne important de la sociĂ©tĂ© du XXIe siĂšcle.[rĂ©f. nĂ©cessaire] Ă l'inverse, l'autoformation est souvent conduite au savoir grĂące Ă la pratique. C'est en rĂ©alisant les choses, donc en « mettant la main Ă la pĂąte » que l'autodidacte acquiert des connaissances, d'oĂč l'importance de l'apprentissage par la pratique.
Lectures théoriques
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Pour Joffre Dumazedier, le concept d'autoformation est un concept ambigu. S'il permet d'appréhender les pratiques du sujet de ce qu'il a nommé « la société des loisirs », il a ses limites et n'est pas sans danger en ce qu'il peut alimenter le mythe d'un auto-engendrement. En fait d'auto-engendrement, « on apprend seul mais jamais sans les autres ». L'autodidacte serait en fait un sociodidacte envisageant l'autre simultanément en tant que ressource et que destinataire des informations qui s'élaborent dans un contexte social[1].
Jean-Jacques Rousseau, qui se revendique d'autodidaxie, avait dĂ©jĂ entrevu cet Ă©cueil. Sa thĂ©orie des trois maĂźtres (nature-hommes-choses) se rapproche de la thĂ©orisation de Gaston Pineau, qui propose un triangle de l'autoformation reposant sur trois pĂŽles (Ă©co- le monde ; hĂ©tĂ©ro- les autres ; auto- soi-mĂȘme). Enfin, pour le pĂ©dagogue Philippe Meirieu, « il n'y a d'apprentissage vĂ©ritable qu'en autoformation ». Ces diffĂ©rents auteurs s'attachent ainsi Ă affirmer la formation comme l'acte d'un sujet dĂ©sirant qui peut se former avec, contre ou sans les institutions Ă©ducatives[2].
Georges Le Meur indique que dans la modernitĂ© « la lutte contre l'obsolescence des savoirs professionnels provoque l'apparition d'un autodidacte nouveau » et il dĂ©veloppe le concept de nĂ©o-autodidaxie. Celle-ci « dĂ©signe un phĂ©nomĂšne Ă©ducatif majeur de la sociĂ©tĂ© post-industrielle [âŠ] qui appelle des apprentissages ininterrompus de savoirs rĂ©cents dans tous les domaines ». Ainsi aujourdâhui la nĂ©o-autodidaxie recouvre la dĂ©marche pĂ©dagogique qui consiste Ă assurer soi-mĂȘme l'acquisition de connaissances choisies en principe hors des systĂšmes Ă©ducatifs, donc sans enseignant ».
Au XXIe siÚcle, de nouvelles potentialités et les souhaits d'autonomie autorisent des cursus de formation dans l'agir quotidien. Ainsi, le nouvel autodidacte peut recevoir le savoir à domicile par des médias multiples, garantissant ses acquisitions hors des organismes qu'il prend parfois en compte. De nos jours[Quand ?] « L'autodidaxie se révÚle un mode d'apprentissage existentiel ou cognitif dans lequel le sujet social apprenant conserve toutes les responsabilités sur son action formative ». Le nouvel autodidacte exerce toujours un pouvoir total sur ses activités éducatives.
En 2016, parait Apprendre par soi-mĂȘme aujourd'hui. Les nouvelles modalitĂ©s de l'autoformation dans la sociĂ©tĂ© digitale sous la direction de Marc Nagels et Philippe CarrĂ©[3][source insuffisante]. Cet ouvrage vient consolider et actualiser les connaissances sur l'autoformation Ă la lumiĂšre de l'usage des ressources numĂ©riques. L'autoformation se voit analysĂ©e sous trois angles spĂ©cifiques : l'environnement, avec l'influence du milieu familial et professionnel ; les ressources et le rapport aux ressources numĂ©riques ou sociales mobilisĂ©es par l'autoformation ; l'approche cognitive qui met l'accent sur l'organisation cognitive de l'activitĂ© d'autoformation et les ressources individuelles d'auto-efficacitĂ©. Les rĂ©sultats, aprĂšs Ă©tude de 80 entretiens renforcent la perspective de l'apprenant devenu particuliĂšrement capable de diriger ses apprentissages, opportuniste dans la gestion des ressources et combinant au service de ses buts les apports des dispositifs formels et informels dans leurs formes les plus rĂ©centes. Ceci amĂšne Ă penser que cette notion d'autoformation relĂšve de l'un des processus d'apprentissage chez l'adulte.
Notion d'agentivité
[modifier | modifier le code]Dans le cadre de lâauto-formation, la notion dâagentivitĂ© est, selon Philippe CarrĂ© (professeur Ă l'universitĂ© Paris-Nanterre en Sciences de l'Ă©ducation) et Annie JĂ©zĂ©gou (professeur Ă l'universitĂ© de Lille en Sciences de l'Ă©ducation et de la formation), un Ă©lĂ©ment important Ă mettre en lumiĂšre. Annie JĂ©zĂ©gou utilise la dĂ©finition de Bandura sur lâagentivitĂ© qui est « le contrĂŽle exercĂ© par les sujets sur leur propre fonctionnement, leurs conduites et lâenvironnement »[4]. Philippe CarrĂ© apporte un Ă©claircissement sur cette notion en lâidentifiant comme le « dĂ©nominateur commun aux diffĂ©rentes conceptions sous-jacentes de lâautoformation »[5] . En effet, dans le cadre de lâauto-formation, lâapprenant est valorisĂ© dans son autonomie mais aussi responsabilisĂ© dans son rapport Ă son apprentissage. LâagentivitĂ© se rĂ©fĂšre donc au pouvoir dâaction de lâindividu « de façon intentionnelle, par anticipation, planification de lâaction et lâautorĂ©gulation de ses conduites » [6].
Elle se manifeste de trois maniÚres différentes[7] :
- Directement : le but est atteint Ă la suite de l'intervention directe de l'individu
 - Par procuration : l'individu attend l'action de l'autre pour atteindre son but
 - Collective : c'est la coordination de l'effort du groupe qui permet d'atteindre le but
 
Ces manifestations se passent Ă l'intĂ©rieur d'un modĂšle, d'un systĂšme oĂč se trouve l'individu « qui nĂ©gocie systĂ©matiquement ses comportements, ses motivations et ses affects avec son environnement physique ou social ».
Cette notion est une « variable clĂ© », terme utilisĂ© par la thĂ©orie sociale-cognitive, de lâauto-efficacitĂ© car selon Bandura « les croyances dâefficacitĂ© forment le fondement de lâagentivitĂ© humaine »[8].
Histoire
[modifier | modifier le code]Avant 1960
[modifier | modifier le code]L'autodidaxie en GrĂšce antique : Socrate et Platon valorisaient cet effort quâils percevaient comme une forme de sagesse. Toujours en usage, c'est le terme « autodidacte », du grec ancien αáœÏοΎίΎαÎșÏÎżÏ / autodidaktos signifiant « qui s'est instruit lui-mĂȘme », qui a le premier servi Ă traduire cette rĂ©alitĂ©. Apparition du terme self-directed learning : Dans son ouvrage The Meaning of Adult Education qui paraĂźt en 1926, l'AmĂ©ricain Eduard C. Lindeman utilise le terme self-directed learning (« apprentissage autodirigĂ© ») avançant que « les adultes ont un besoin profond de s'autodiriger ». Ce terme est adoptĂ© plus tard par le courant amĂ©ricain pour dĂ©signer ce que les francophones appelleront lâautoformation.
Années 1960 et 1970
[modifier | modifier le code]En 1967, le Canadien Allen Tough publie sa thĂšse Learning Without a Teacher dans laquelle il prĂ©sente les dimensions de la « formation par soi-mĂȘme » et utilise le terme « autoformation ». Dans son ouvrage phare The Adult's Learning Projects, paru en 1971, Tough se penche sur les apprentissages des adultes en dehors des cadres institutionnels et met en lumiĂšre lâimportance de la notion de projet dans leur apprentissage quâil dĂ©finit comme un effort majeur et intentionnel de gagner des connaissances ou un savoir-faire.
Ă la fin des annĂ©es 1960 Ă©merge lâidĂ©e que lâadulte est un apprenant distinct qui donnera naissance au concept d'« andragogie » (voir L'adulte : un apprenant distinct). Malcolm Knowles, l'un des fondateurs de l'andragogie, publie en 1975 Self-Directed Learning : A Guide For Learners and Teachers, un guide dâapprentissage de l'autodirection par la mĂ©thode du contrat entre lâĂ©tudiant, dit « apprenant » et lâenseignant, dĂ©sormais « facilitateur ». Knowles dĂ©finit lâapprentissage autodirigĂ© comme « une dĂ©marche dans laquelle un individu prend lâinitiative, avec ou sans l'aide des autres, d'Ă©tablir ses besoins dâapprentissage, de formuler ses objectifs dâapprentissage, dâidentifier les ressources (humaines et matĂ©rielles) nĂ©cessaires Ă l'apprentissage, de choisir et de mettre en Ćuvre des stratĂ©gies dâapprentissage appropriĂ©es et dâĂ©valuer les rĂ©sultats de l'apprentissage ». Apprendre par soi-mĂȘme Ă l'intĂ©rieur de dispositifs pĂ©dagogiques ouverts devient une voie de choix en andragogie.
Aux Ătats-Unis, le terme self-directed learning (« apprentissage autodirigĂ© ») commence Ă dĂ©signer ce mouvement d'Ă©tudes et de pratiques qui met l'emphase sur la responsabilitĂ© de l'individu (le self ; « soi ») dans son apprentissage. InfluencĂ© notamment par les valeurs amĂ©ricaines et l'individualisme, le courant qui se base sur l'idĂ©e que l'individu occupe une « place centrale, nĂ©cessaire et suffisante » Ă son apprentissage. Le concept d'« autodirection », qui se trouve au cĆur de l'apprentissage autodirigĂ©, peut se rĂ©sumer Ă la capacitĂ© ou la volontĂ© de lâapprenant dâassumer la responsabilitĂ© de ses apprentissages. Dans l'AmĂ©rique du Nord de la fin des annĂ©es 1960, le concept dâapprentissage autodirigĂ© est reconnu Ă la fois par la science et la pĂ©dagogie.
En France, paraĂźt en 1973 Vers l'autoformation assistĂ©e de Bertrand Schwartz faisant de ce dernier le fondateur du courant Ă©ducatif (ou pĂ©dagogique) de l'autoformation. Le concept dâĂ©ducation tout au long de la vie se fait connaĂźtre en Occident grĂące Ă lâouvrage de Paul Lengrand L'Homme du devenir : Vers une Ă©ducation permanente (1975) qui sera traduit en 18 langues. En plus d'ĂȘtre le pionnier français de la sociologie du loisir, Joffre Dumazedier sera pour sa part un grand prĂ©curseur de lâautoformation en France ; lui qui voyait lâĂ©ducation comme une fonction sociale globale deviendra plus prĂ©cisĂ©ment l'instigateur de l'autoformation dite « sociale ». En 1978, il fait une contribution marquĂ©e au premier numĂ©ro collectif de la revue Ăducation permanente. Une vision française de l'autoformation se dessine progressivement. Cette mouvance examinera le concept tant du point de vue de la sociologie que de la psychologie et de la mĂ©thodologie du travail.
Années 1980
[modifier | modifier le code]En 1983, Gaston Pineau publie Produire sa vie : autoformation et autobiographie, une thĂšse qui laisse son empreinte Ă la fois en France et au QuĂ©bec. Comme il l'expose dans cet ouvrage phare, pour lui : « lâautoformation nâest pas un loisir, câest un travail, une lutte pour se conquĂ©rir, se libĂ©rer, prendre sa vie en main, exister Ă part entiĂšre, donner un sens Ă ce qui est polyvalent et ambivalent ». Pineau est Ă lâorigine du courant dit « existentiel » de l'autoformation, oĂč cette approche est vue comme un outil de construction de soi, voire un outil ayant un potentiel psychothĂ©rapeutique.
Années 1990
[modifier | modifier le code]Le Français Philippe Carré met de l'ordre dans les théories proposées jusqu'alors pour expliquer l'autoformation en cernant ses 5 grands courants dans une proposition qu'il nomme la « galaxie de l'autoformation ». Les courants qu'il distingue sont :
- L'autoformation intĂ©grale est synonyme d'autodidaxie. Il s'agit pour l'apprenant dâapprendre en dehors de tout systĂšme institutionnel de formation. Une des formes de lâautoformation intĂ©grale, câest la formation basĂ©e sur sa propre expĂ©rience (l'apprentissage expĂ©rientiel : va construire son savoir personnel Ă partir de son expĂ©rience).
 - L'autoformation existentielle : apprendre Ă ĂȘtre. Elle fait rĂ©fĂ©rence Ă lâhistoire de vie, lâautobiographie.
 - L'autoformation sociale : apprendre dans et par le groupe social. L'autoformation est réalisée grùce au caractÚre collectif des échanges et des interactions sociales.
 - L'autoformation Ă©ducative : apprendre dans des dispositifs ouverts de formation â incluant la formation en ligne â dans le cadre d'institutions Ă©ducatives
 - L'autoformation cognitive : « apprendre Ă apprendre ». L'intĂ©rĂȘt est portĂ© sur la maniĂšre dont la personne rĂ©alise son propre apprentissage.
 
En rĂ©examinant des travaux effectuĂ©s sur des notions clĂ©s de l'autoformation â projet, proactivitĂ©, contrĂŽle, mĂ©tacognition (« apprendre Ă apprendre ») â, CarrĂ© tente de comprendre les enjeux liĂ©s Ă la motivation en autoformation. Il conclut en l'an 2000 que l'autodirection en formation exige plus que la seule intentionnalitĂ© : « Dâun point de vue psychologique, l'apprentissage autodirigĂ© demande, par-delĂ lâintention dâapprendre, lâexercice dâun contrĂŽle proactif et mĂ©tacognitif du processus dâapprentissage. La seule prĂ©sence d'une intention est une condition nĂ©cessaire de l'apprentissage autodirigĂ©, mais elle est loin dâĂȘtre suffisante ».
Années 2000
[modifier | modifier le code]Ăre du numĂ©rique : socioditactie
[modifier | modifier le code]« On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. » Cette citation de Philippe CarrĂ© convient bien Ă la conception actualisĂ©e de l'autodidacte que certains ont nommĂ© « le sociodidacte ». Bien que lâidĂ©e que lâon nâapprend jamais sans les autres soit intemporelle, elle devient sans doute plus Ă©vidente en cette Ăšre du numĂ©rique et des rĂ©seaux sociaux. Tel que le dĂ©crit Denis Cristol dans son Dictionnaire de la formation : apprendre Ă lâĂšre du numĂ©rique (2018), cet autodidacte contemporain aborde sa relation avec l'autre en le considĂ©rant Ă la fois comme ressource et destinataire des informations qui s'Ă©laborent, par ailleurs, dans un contexte social.
AprÚs avoir revisité les différentes théories proposées au fil des ans sur l'autoformation, Nicole Anne Tremblay en arrive à distinguer les 8 courants suivants : courant extrascolaire, courant socioculturel, courant développemental, courant psychométrique, courant épistémologique, courant organisationnel, courant didactique, et courant cognitif.
Tough est Ă l'origine du courant extrascolaire. Il montre, Ă l'aide d'une mĂ©thodologie efficace et pertinente, que les projets dâapprentissage auto-planifiĂ©s Ă©taient trĂšs importants Ă l'Ăąge adulte, et d'autres personnes apprenaient diverses choses en se joignant Ă un groupe, en suivant des leçons avec un instructeur ou encore en se rĂ©fĂ©rant Ă un guide mĂ©thodologique, toutes formes d'apprentissage autres que scolaires. L'importance et la diversitĂ© des ressources consultables dĂšs que l'apprentissage s'exerce en dehors de lâĂ©cole. AprĂšs ces travaux, il devient impossible de nier la part primordiale de l'apprentissage informel dans lâapprentissage de l'adulte et la place importante que cela tenait dans nos sociĂ©tĂ©s. Il contribue Ă prouver l'existence d'une autre Ă©cole, une Ă©cole souterraine, celle de la vie, Ă en prĂ©ciser les contours et Ă affirmer la place primordiale de l'individu.
Le courant socioculturel a dĂ©jĂ Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© dans le modĂšle de CarrĂ© (1997) sous le terme d'« autoformation sociale » et par Galvani (1991) dans le courant sociopĂ©dagogique. Tous deux attribuent ce courant Ă Joffre Dumazedier qui englobe, dans sa dĂ©finition, autant les milieux scolaires quâextrascolaires, contrairement au courant prĂ©cĂ©dent et, surtout, situe clairement lâautoformation comme une tendance lourde de notre Ă©poque.
Le courant dĂ©veloppemental est un courant dĂ©jĂ bien identifiĂ© dans la typologie de Galvani qui est nommĂ© « courant bio-Ă©pistĂ©mologique » pour bien mettre en Ă©vidence que lâautoformation se situe au cĆur de la vie mĂȘme du sujet qui apprend. Le terme « dĂ©veloppemental », empruntĂ© Ă la psychologie, sâagissait dâun courant axĂ© sur le dĂ©veloppement dâune personne dans la perspective de lui faire bĂ©nĂ©ficier dâun plus grand pouvoir sur sa vie ou sur lâenvironnement dans lequel elle se trouve.
Comme son nom l'indique, le courant psychomĂ©trique s'intĂ©resse Ă la mesure de lâautonomie des individus en regard de lâapprentissage. Ce courant de recherches a Ă©tĂ© aussi important que celui entrepris par Tough Ă la fin des annĂ©es 1960 puisquâil a donnĂ© cours Ă un trĂšs grand nombre de recherches axĂ©es sur la mesure de lâautodirection, en AmĂ©rique du Nord.
Le courant Ă©pistĂ©mologique regroupe les recherches qui se sont intĂ©ressĂ©es Ă la nature du phĂ©nomĂšne en analysant sa logique et en tentant dâen saisir la valeur et la portĂ©e. Essentiellement, les Ă©tudes de ce courant proposent des explications sur la nature de l'autoformation au-delĂ des diverses formes quâelle peut prendre.
Le courant organisationnel se développe en fonction des besoins du monde du travail en regard des transformations profondes qui y ont eu cours récemment[Quand ?] et qui ont une influence sur la formation.
Le courant didactique est ainsi nommĂ© parce quâil rĂ©fĂšre surtout Ă lâenseignement. Il regroupe lâensemble des pratiques et des Ă©tudes qui gravitent autour de la mise en pratique dâune mĂ©thode ou dâune technique dâenseignement ou dâapprentissage. Il connait de nombreux dĂ©veloppements au cours des derniĂšres annĂ©es. Initialement identifiĂ© au milieu scolaire (enseignement individualisĂ©, programmes par objectifs, contrat dâapprentissage, approche par problĂšmes, etc.) il connait un rĂ©cent essor dans les domaines de la formation professionnelle continue et de la formation en entreprise. Le courant didactique en autoformation contient Ă©galement dâautres approches mĂ©thodologiques axĂ©es sur l'acquisition dâune plus grande autonomie de lâĂ©lĂšve ou de lâĂ©tudiant ou encore sur des dispositifs ouverts dâenseignement ou dâapprentissage. Ce courant est habituellement identifiĂ© au monde scolaire quel quâen soit le niveau.
Le courant cognitif regroupe les travaux des chercheurs qui se sont intĂ©ressĂ©s aux caractĂ©ristiques du processus dâapprentissage en situation d'auto direction ou encore qui ont Ă©tudiĂ© les stratĂ©gies nĂ©cessaires Ă lâexercice de l'apprentissage autodirigĂ©. On peut remarquer trois sous-courants principaux qui se regroupent autour de la mĂ©tacognition et de quelques travaux sur la motivation : l'« apprendre Ă apprendre », la mĂ©tacognition, l'Ă©tude de la motivation.
Organisations apprenante et autoformatrice
[modifier | modifier le code]Câest dans sa thĂšse de doctorat quâAndrĂ© Moisan (1994) Ă©labore un modĂšle dâorganisation apprenante autoformatrice. Comme il le signale par le sous-titre de sa thĂšse, il procĂšde Ă une analyse en termes de construits de nature plus sociale que psychologique. Dans cette analyse, on assiste[style Ă revoir] Ă un rĂ©el effort de rompre avec les approches jusqu'ici fondĂ©es sur l'individu pour se tourner vers lâorganisation oĂč « lâensemble est plus grand que la somme de ses parties ».
De lâ« organisation apprenante » Ă lâ« organisation autoformatrice », il nây a quâun pas. Toute organisation qui se veut innovante, qui connaĂźt la valeur de son capital humain et qui souhaite le bonifier aurait intĂ©rĂȘt Ă explorer les nouvelles approches en matiĂšre de formation de la main-dâĆuvre dont lâautoformation fait partie. Dans sa thĂšse Vers un modĂšle dâorganisation autoformatrice, JĂ©rĂŽme Eneau conclut : « Lâautoformation rĂ©pond ainsi Ă de nouvelles pratiques managĂ©riales nĂ©cessitant plus dâautonomie des acteurs, une plus forte dĂ©centralisation du pouvoir et des responsabilitĂ©s, des qualitĂ©s dâadaptabilitĂ©, de flexibilitĂ© ou encore de tolĂ©rance Ă lâincertitude. Les organisations sembleraient donc avoir tout intĂ©rĂȘt Ă formaliser le recours Ă lâautoformation [...] ».
Déclinaison pratique
[modifier | modifier le code]L'Ă©tude de l'APEC sur l'acquisition de compĂ©tences en entreprise, en juin 2008[9], considĂšre que l'autoformation est une forme d'auto-apprentissage qui peut rĂ©sulter de l'acquisition de connaissances formelles comme l'observation puis la reproduction mimĂ©tique de savoir-faire et savoir-ĂȘtre sur le terrain ; dans ce cas il s'agit d'apprentissage informel[10].
Parmi les caractĂ©ristiques qui ressortent d'un Ă©chantillon d'apprenants qui ont Ă©tĂ© enquĂȘtĂ©s, il ressort que l'autoformation est : un apprentissage qui se fait « naturellement », liĂ©e Ă la personnalitĂ© de l'apprenant, Ă son Ă©tat d'esprit, et dĂ©pendant d'une dĂ©marche active souvent informelle et peu structurĂ©e. Tiers, relations professionnelles comme extraprofessionnelles, tout contact peut servir Ă l'« autoapprenant ».
Sociologie
[modifier | modifier le code]L'autodidaxie est souvent prĂ©sentĂ©e ou imaginĂ©e comme une alternative, voire un acte de rĂ©bellion contre un systĂšme Ă©ducatif dominant, ou encore comme une nĂ©cessitĂ© dans des situations de handicap physique, gĂ©ographique, financiers, etc. Dans ces trois cas, la maniĂšre autre d'apprendre et d'ĂȘtre accompagnĂ© dans cet apprentissage Ă©chappe aux catĂ©gories habituelles de l'entendement. D'oĂč l'attribution du processus et du mĂ©rite d'apprendre au seul apprenant. Il est parfois considĂ©rĂ© comme Ă part ne faisant pas partie d'un rĂ©seau, du fait de l'absence de « lĂ©gitimitĂ© » de sa formation. Cela dit, avec des systĂšmes comme celui de la Validation des Acquis de l'ExpĂ©rience (VAE), les autodidactes ont aujourdâhui la possibilitĂ© de donner une valeur Ă ce qu'ils ont appris par eux-mĂȘmes en le valorisant par un diplĂŽme, sous certaines conditions.
Il apparaĂźt par exemple chez Jean-Jacques Rousseau ou encore dans Dom Juan ou le Festin de pierre de MoliĂšre, acte 3 scĂšne 1, lorsque Sganarelle discourt avec Don Juan. Il apparaĂźt Ă©galement dans les textes de vulgarisation scientifique (essais, vade-mecum) qui font l'objet d'une rĂ©appropriation sociale de la part des classes moyennes en quĂȘte dâascension sociale, Pierre Bourdieu appelant ce phĂ©nomĂšne l'« autodidaxie lĂ©gitime »[11].
Dans Les Nouveaux autodidactes, Georges Le Meur signale que dans la vie quotidienne, « l'autodidacte représente souvent la réussite socio-professionnelle d'une personne qui ne devait « normalement » pas s'élever dans la hiérarchie sociale ». Toutefois, si les souhaits d'ascension sociale constituent un moteur important pour se former, il montre aussi que l'on peut apprendre de maniÚre indépendante et sans souci de promotion. Il met en évidence des démarches de formation existentielles et/ou cognitives que le sujet pilote intégralement pour le plaisir. Il rappelle qu'autrefois le métier de base s'apprenait avec un maßtre et qu'à la manufacture l'autodidacte n'avait pas sa place. Les autodidactes « emblématiques » qui appartenaient à la classe dominée étudiaient dans les domaines généraux, non professionnels, et manifestaient un respect fort à l'égard de l'institution éducative. Ils s'appropriaient par des voies non scolaires le capital culturel qui leur faisait défaut.
Mais, avec la massification de la formation initiale et le développement de la formation continue tout au long de la vie, la démarche d'autonomie de l'apprenant, l'autoformation et l'autodidaxie sont devenues des exigences de l'économie. Cette dépendance de l'autoformation aux exigences de l'économie a été interprétée par quelques sociologues critiques comme une conduite de soumission aux rapports sociaux dominants et non pas comme une démarche d'affranchissement ou encore d'émancipation individuelle. Dans cette perspective, Jacques Guigou montre comment cette « autonomisation des apprentissages » constitue une composante majeure de ce qu'il nomme « la société capitalisée » et prive l'auto-formation des dimensions libératrices que veulent y voir ses promoteurs.
Classification des méthodes
[modifier | modifier le code]En Ă©ducation des adultes, il est souvent nĂ©cessaire de distinguer entre diffĂ©rentes formes dâĂ©ducation puisque le champ recouvre autant la formation institutionnelle scolaire que la formation en entreprise ou les activitĂ©s Ă©ducatives des milieux associatifs ou communautaires. Il est possible de distinguer trois formes dâĂ©ducation : formelle, non formelle et informelle (Tremblay et coll., 1994, p. 5-6) :
| Contexte | Définition | 
|---|---|
| Formel | 
  | 
| Non-formel | 
  | 
| Informel | 
  | 
Les recherches sur lâautoformation se sont dĂ©veloppĂ©es autour de trois idĂ©es : autoformation, hĂ©tĂ©ro-formation et Ă©co-formation. Le terme gĂ©nĂ©rique dâ« autoformation », dont le prĂ©fixe « auto » ramĂšne Ă soi-mĂȘme, fait rĂ©fĂ©rence Ă lâacte dâauto-apprentissage. Lâautonomie qui en rĂ©sulte peut ĂȘtre partielle ou totale. Au contraire de lâhĂ©tĂ©ro-formation, au cours de laquelle lâapprentissage est dĂ©livrĂ© de façon transmissive, et dĂ©pend donc de lâenseignant. LâĂ©co-formation quant Ă elle, de façon plus anecdotique, fait rĂ©fĂ©rence Ă une Ă©ducation par la nature (les humains sâadaptent et apprennent de leur environnement les savoirs nĂ©cessaires Ă leur survie).
Le tableau ci-dessous présente les points communs entre les contextes: formel, informel et non formel et les types : hétéro-formation, autoformation et éco-formation.
| Contexte | Formel | Non-formel | Informel | 
|---|---|---|---|
| Hétéro-formation | 
  | 
  | 
|
| Ăco-formation | 
  | 
  | |
| Autoformation | 
  | 
  | 
  | 
Autodidactes célÚbres
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- â Denis Cristol, Dictionnaire de la formation Ă l'Ăšre du numĂ©rique, Paris, ESF, , 240 p., p. 179
 - â Pascal Galvani, quĂȘte de sens et formation, l'Harmattan, 1998
 - â Nagels Marc et CarrĂ© Philippe, Apprendre aujourdâhui. Les nouvelles modalitĂ©s de l'autoformation dans la sociĂ©tĂ© digitale, Paris, Ăditions des Archives contemporaines, , 166 p. (ISBN 978-2-8130-0221-1, prĂ©sentation en ligne)
 - â P 270 LâagentivitĂ© humaine : un moteur essentiel pour lâĂ©laboration dâun environnement personnel de travail Annie JĂ©zĂ©gou
 - â P64 Pourquoi et comment les adultes apprennent Philippe CarrĂ©
 - â P110 Pourquoi et comment les adultes apprennent Philippe CarrĂ©
 - â Nagels Marc, Abel Marie-HĂ©lĂšne, Tali Fatiha, Le focus sur l'agentivitĂ© des apprenants pour innover en pĂ©dagogie,
 - â TraitĂ© des sciences et des techniques de la formation chapitre co-Ă©crit par Philippe CarrĂ© et Alain Rieunier
 - â « L'acquisition des compĂ©tences en entreprise », sur cadres.apec.fr, (consultĂ© le )
 - â Denis Cristol, Anne Muller, « Les apprentissages informels dans la formation pour adultes », Savoirs,â , p. 11-59 (lire en ligne)
 - â Pierre Bourdieu, La Distinction : critique sociale du jugement, Minuit, , p. 23-24
 
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Georges Le Meur et al, Université ouverte, formation virtuelle et apprentissage, communications francophones du cinquiÚme colloque européen sur l'autoformation, Barcelone, décembre 1999, (ISBN 2-7475-2958-4)
 - Georges Le Meur, Les nouveaux autodidactes. Néoautodidaxie et formation, 1998.
 - Jacques Guigou, « L'autonomisation des apprentissages dans la société capitalisée" » in, Le Meur G. (dir.), Université ouverte, formation virtuelle et apprentissage. L'Harmattan, 2002, p. 23-31. (ISBN 2-7475-2958-4). Texte disponible en ligne http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article104
 - Georges Le Meur, Construire ma Recherche, Joffre Dumazedier chercheur-accompagnateur, 2004.
 - (en) Brown, Resa Steindel ; The Call to Brilliance: A True Story to Inspire Parents and Educators. (ISBN 0-9778369-0-8).
 - (en) Cameron, Brent et Meyer, Barbara ; SelfDesign: Nurturing Genius Through Natural Learning. (ISBN 1-59181-044-2).
 - (en) Hayes, Charles D. ; Self-University: The Price of Tuition Is the Desire to Learn. Your Degree Is a Better Life. (ISBN 0-9621979-0-4).
 - (en) Hayes, Charles ; The Rapture of Maturity: A Legacy of Lifelong Learning. (ISBN 0-9621979-4-7).
 - (en) Hailey, Kendall ; The Day I Became an Autodidact. (ISBN 0-385-29636-3).
 - (en) Llewellyn, Grace ; The Teenage Liberation Handbook: How to Quit School and Get a Real Life and Education. (ISBN 0-9629591-7-0).
 - (en) RanciĂšre, Jacques ; The Ignorant Schoolmaster: Five Lessons in Intellectual Emancipation. Stanford Univ. Press, 1991. (ISBN 0-8047-1969-1).
 - HĂ©lĂšne BĂ©zille, Lâautodidacte, entre pratiques et reprĂ©sentations sociales Paris, Lâharmattan, 2003
 - Jean-Paul Sartre, La Nausée : le personnage de l'Autodidacte.
 - (en) Solomon, Joan ; The Passion to Learn: An Inquiry into Autodidactism. (ISBN 0-415-30418-0).
 - L'autoformation. Psychopédagogie, ingénierie, sociologie, Philippe Carré, André Moisan, Daniel Poisson,
 - Autoformation et fonction de formateur, Pascal Galvani,
 - L'autoformation, Joffre Dumazedier,
 - Produire sa vie, autoformation et autobiographie, Gaston Pineau et Marie MichĂšle,
 - Le praticien réflexif, Donald A. Schön,
 - Entreprendre d'apprendre; d'une autobiographie raisonnée aux projets d'une recherche-action, Desroche Henri,
 - Développer de nouvelles formes de formation, Alain Mor et Jean Kuperholc.
 - Expérience interculturelle et autoformation existentielle, Pierre Willaume
 - Christian Verrier, Autodidaxie et autodidactes: L'infini des possibles, Anthropos, 1999
 - Christian Verrier, Regards actuels sur l'autodidaxie et les autodidactes, Pétra, 2023
 
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Formation en ligne
 - Formation Ă distance
 - Apprentissage par la pratique
 - Ăducation alternative
 - Pédagogie
 - Atelier de pédagogie personnalisée
 - Ingénierie pédagogique
 - MaĂźtrise d'usages professionnels
 - Standards : SCORM, AICC, LOM
 - Université numérique
 - Wikiversité, Wikipédia
 - Formation ouverte et Ă distance
 
Liens externes
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- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
 - Site de l'Association du groupe de recherche sur l'autoformation, a-graf.org
 - Sur YouTube, les autodidactes ont enfin leur websérie sur Telerama
 


