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(à 82 ans) Neuilly sur Seine |
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Collectionneur d'œuvres d'art, socialite, diariste, banquier |
Père |
Oskar Adolf von Rosenberg (d) |
Alexis von Rosenberg, 3e baron de Redé ( — ), né sujet austro-hongrois, est un amateur d'art, esthète réputé et grand collectionneur de mobilier français du XVIIIe siècle.
Établi à Paris après la Seconde Guerre mondiale, il a appartenu aux plus hauts cercles de la société mondaine européenne et américaine pendant près de soixante ans. Peu soucieux de célébrité médiatique et, de son vivant, quasi inconnu du grand public, il est réputé pour son goût pour l'art et les réceptions durant les années 1950.
Biographie
Enfance et éducation
Alexis Dieter Rudolf de Redé est né le à Zurich (Suisse), dans un milieu éminemment privilégié.
Son père, Oskar Adolf Rosenberg, (1878 - 1939), 1er baron de Redé, est un banquier austro-hongrois juif, anobli en 1916 par l'empereur François-Joseph d'Autriche. Cependant, le titre de baron de Redé n'est pas mentionné dans l'Almanach de Gotha et de ce fait sa validité a été mise en doute : ainsi « Dans Les Juifs, écrit Roger Peyrefitte[1], j'ai fait allusion à son origine ; il m'a fait écrire par son avocat que le titre de baron de Rédé était reconnu dans la principauté de Liechtenstein ! C'est vraiment une référence inattaquable. » Mais si l'on considère l'année 1916 où le titre a été créé, en pleine première Guerre mondiale, peu avant l'effondrement des principautés allemandes et des empires centraux, il faut admettre que la mise à jour d'un almanach ait pu ne pas y être traitée en urgence : l'anoblissement d'Oskar Adolf Rosenberg fut effectivement confirmé[2].
Ce financier avisé est le fondé de pouvoir du roi Nicolas de Monténégro[3] et il possède la plus jolie station balnéaire d'Allemagne, Heiligendamm, le « Deauville de la Baltique ». Oskar Adolf fait l'acquisition de Heiligendamm en 1924, deux ans après la naissance d'Alexis.
Au début des années 2000, la Jewish Claims Conference (Conférence de restitution des biens spoliés aux Juifs) a ouvert un dossier d'examen sur la prise de contrôle de la station d'Heiligendamm, à l'époque nazie, par la Dresdner Bank, puis sa confiscation par le Troisième Reich. Elle a conséquemment ouvert un dossier d'éventuelle indemnisation des héritiers d'Oskar Rosenberg. Selon un historien local, Wolf Karge, le baron Alexis de Redé, contacté, aurait décliné tout appel et toute demande, « ne voulant rien avoir à faire avec le passé ». Toujours selon Karge, le jeune Alexis aurait vécu à Heiligendamm pendant l'été 1932[4].
La mère d'Alexis, Édith von Kaullas, appartient à une riche famille de banquiers juifs allemands eux-mêmes anoblis et associés au roi de Wurtemberg dans la propriété de la banque de Wurtemberg.
À l'instar des riches familles d'Europe centrale de l'époque, les Rosenberg mènent une existence cosmopolite et voyageuse. Après s'être installé au Liechtenstein dont il prend la nationalité, Oskar Adolf Rosenberg loue une suite de seize pièces[5] dans un grand hôtel de Zurich où il installe sa femme, son fils aîné, Hubert, et sa fille, atteinte de déficience mentale. C'est là que naît Alexis. Une armada de gouvernantes et de précepteurs veille sur les trois enfants qui sont élevés dans la religion protestante, bien que les familles de leurs deux parents soient de confession juive ; pour sa part, le père vit principalement à Vienne, d'où il mène ses affaires.
C'est en 1931 que s'annonce le déclin. Apprenant qu'elle est atteinte de leucémie, la mère d'Alexis se rend à Vienne auprès de son mari ; elle y apprend qu'il entretient une maîtresse à Paris. Que ce soit sous le choc de cette révélation ou épuisée par la maladie, elle meurt trois semaines plus tard. Alexis qui a neuf ans, est aussitôt envoyé par son père à l'Institut Le Rosey, célèbre pension suisse où se côtoient les enfants de millionnaires et de familles royales. Il y sera le condisciple du futur Rainier III de Monaco et du futur shah d'Iran, le jeune Mohammad Reza Pahlavi, qui se souviendra de lui comme d'un garçon d'une « gracieuse langueur »[réf. souhaitée]. Alors qu'enfle l'ombre du nazisme, il y rencontre aussi l'antisémitisme dont il ne soupçonnait pas l'existence ; un jour, un camarade allemand s'excuse nonchalamment auprès de lui de ne plus pouvoir lui adresser la parole.
Ruiné, son père se suicide. Confié à un tuteur, Alexis décide, en , de partir pour New-York, où réside une partie de sa famille et y reste jusqu'en 1946.
Témoignages
« Un jour Arturo Lopez[-Willshaw] entre dans une banque new-yorkaise et aperçoit un ravissant et mince employé blond. Il l'invite à dîner, lui demande son nom : Alexis Rosenberg. Que le Tout-Paris connaît maintenant sous le nom de baron de Rédé. Il a été un grand ami de Denise Bourdet [...]. C'est un homme très distingué, et qui a une sorte de génie des affaires. Il a réussi, non seulement à restaurer la fortune d'Arturo Lopez, mais encore à devenir plus riche que lui. Le Tout-Paris connaissait cette amitié, mais personne n'en parlait. Arturo était marié, Redé faisait la cour aux baronnes de Rothschild ou aux jeunes filles du monde. On annonçait de temps en temps ses fiançailles, et on faisait semblant d'y croire. Il fut éconduit d'une manière humiliante, lorsqu'il sollicita la main d'une fille du comte de Paris. » Roger Peyrefitte[6]
Alexis de Redé situe leur rencontre au printemps 1941, à New-York[7].
« Il existe à Paris une poignée d'hommes qui, depuis des décennies, semblent ne pas avoir vieilli, ou presque. [Ainsi de] l'élégant baron de Redé, souvent drapé dans une cape et chaussé d'escarpins d'une finesse extrême. Ses cheveux acajou sont tantôt plaqués, tantôt légèrement bouffants. De loin, sa silhouette est celle d'un homme de quarante ans. » Pierre Le-Tan[8]
Décorateur « grand genre » et collectionneur d'art
Redé collectionnait différents types d'objets d'art et livres précieux dans le goût fastueux dit « Europe centrale ».
« Arturo Lopez-Willshaw allait transformer sa vie tout entière. Ils vinrent vivre à Paris (en 1946) où Alexis occupa l'étage noble du fameux hôtel Lambert [...]. Collectionneur avisé, il savait s'entourer d'objets d'art, de coupes de vermeil d'Augsbourg et de Dresde, d'émaux de Limoges et de Venise, qui ne pouvaient venir que de chez Nicolas Landau et de chez Kugel. Cet amateur aurait pu en remontrer à bien des professionnels (...) il était d'une insatiable curiosité. Il y a vingt ans (1975), lorsque l'hôtel Lambert fut à vendre, ses amis Guy et Marie-Hélène de Rothschild s'en rendirent les maîtres et le partagèrent avec lui. C'est là, dans ce lieu d'un autre âge, qu'il termina ses jours. » Pierre Bergé[9].
Le milliardaire chilien Arturo Lopez-Willshaw loua le premier étage de cet hôtel prestigieux de l'île Saint-Louis, que son jeune compagnon restaura pendant deux ans (1947-1949 ?) et meubla magnifiquement. À sa mort en 1962, il hérita de la moitié de sa fortune et d'une partie de l'importante collection d'art réunie dans son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine.
Sa propre collection fut dispersée lors de deux grandes ventes aux enchères publiques, menées par Sotheby's : la première à Monaco les 25 et [10], organisée après la mort de son ami, aurait été causée par une situation financière altérée par de mauvais investissements.
La seconde vente, à Paris les 16 et [11] fut faite dans le cadre de sa succession hormis certains livres anciens de grande valeur, selon sa compagne Charlotte Aillaud (sœur de Juliette Gréco), qui partagea les dix dernières années de sa vie.
Par ses choix esthétiques, Redé a influencé le goût de son temps.
Bals et fêtes
Alexis de Redé est connu notamment pour ses fêtes fastueuses comme le Bal des Têtes, le , ou encore le Bal oriental en 1969, tous deux donnés à l'hôtel Lambert.
Le Bal des têtes
Le Bal des Têtes a pour particularité le port, par chaque invité, d'un faciès si possible fantasque. Un jury de personnalités avait la mission de choisir la coiffe la plus réussie pour lui décerner un prix. Yves Saint Laurent, alors jeune assistant de Christian Dior, contribue à l'organisation de cette soirée.
Le Bal oriental
Le , Redé donne à l'hôtel Lambert un Bal oriental qui est pour lui une sorte « d’apothéose mondaine » et lui aurait coûté un million de dollars.
Il en eut l'idée à la suite de l'achat d'un mouchoir indien, et les invitations étaient la copie de ce mouchoir[12]. Le décorateur Jean-François Daigre intervient dans la conception et la réalisation des décors. Alexandre Serebriakoff réalise notamment les plans de table, et une série de dessins à l'aquarelle.
Quatre cents invités y participent, parmi lesquels les personnalités les plus connues du Tout-Paris et de la café society internationale :
Le maître de maison était costumé en prince mongol. Deux éléphants blancs en papier mâché, grandeur nature, accueillaient les invités dans la cour de l’hôtel. Des « esclaves noirs » torse nu portaient les torches dans le grand escalier menant à la salle de bal, tandis que des automates jouaient de différents instruments, disposés dans la majestueuse galerie d'Hercule. Cette fête a fait l'objet de nombreux reportages, dans Vogue et Paris Match entre autres, et elle reste l'une des plus célèbres de l'après-guerre.
Redé et la comtesse de Romanones figurent dans une des quatre photographies d'André Ostier prises à cette occasion (tirages argentiques en couleurs n° 69 à 72 du catalogue de la vente par la maison de ventes Pierre Bergé et associés de « Photographies modernes et contemporaines » le 20/12/2006 à la salle des Beaux-Arts de Bruxelles) ; sous le numéro 73 du catalogue figure un portrait photographique par Ostier de Rédé « en Louis II de Bavière » (Paris, 1954).
Une suite de douze chaises articulées (pliantes ? avec piètement dit « en X ») « en trompe-l'œil de bois de rose » des décorateurs Georges Geoffroy (1905-1971) ou Paul Rodocanachi (1871-1952) selon un modèle conçu à cette époque pour l'hôtel Lambert et le yacht La Gaviota IV figura à la vente aux enchères publiques du mobilier d'un appartement parisien, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le (reproduction couleur dans La Gazette Drouot n°11 du 22/03/2019, p.160).
Redé, qui ne cachait pas son homosexualité, fut longtemps le compagnon d'Arturo Lopez-Willshaw qui avait épousé sa cousine[13].
Il meurt à Neuilly-sur-Seine ; sa messe de funérailles est dite en l'église Saint-Louis-en-l'Île le , selon le rite tridentin de l'Église catholique par le père Konrad zu Loewenstein, fils d'un de ses amis, le prince Rupert zu Loewenstein. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise, dans la même tombe que son ami Arturo Lopez-Willshaw (88ème Division)[14].
Pour approfondir
Bibliographie
- (en) Alexis: The Memoirs of the Baron de Redé, Hugo Vickers (éd.) (The Dovecote Press, 2005) ; mémoires posthumes.
- Baron de Redé, Souvenirs et portraits, propos recueillis par Hugo Vickers, traduction, préface et notes de David Gaillardon (édition française de l'ouvrage précédent), 2017, Paris, Lacurne, 303 p. (ISBN 978 2 35603 020 7).
- Roger Peyrefitte, Propos Secrets, t. 1 (Albin-Michel, 1977).
- Pierre Le-Tan, Rencontres d'une vie : 1945-1984 (Aubier, 1986).
- Pierre Bergé, « Alexis de Redé, un heureux du monde s'en est allé » Point de vue, n° 2921, 13-, pp. 64–66[15].
- Axelle Corty, Chez le baron de Rédé à l'hôtel Lambert (Connaissance des Arts n°6, pp 55 à 59) ; relatif à la vente mobilière de 2005 ; reproduit un portrait photographique de Rédé dans une pièce de l'hôtel Lambert par Cecil Beaton (1953), et une aquarelle d'Alexandre Sérébriakoff (1969) représentant la cour d'honneur de l'hôtel le soir du Bal oriental.
Notes et références
- Propos Secrets, t. 1, Albin Michel, 1977, p. 42.
- Confirmation d'anoblissement d'Oskar Adolf Rosenberg, reliure aux armes (catalogue Sotheby's, vente des 16 et 17 mars 2005).
- Cité par André Kostolany, dans Si la bourse m'était contée, René Julliard, Paris 1961.
- (de) Die Welt, 7 juin 2003.
- (en) Daily Telegraph, 10 juillet 2004.
- Op. cit., pp. 42-43.
- Baron de Redé, Souvenirs et portraits, Paris, Lacurne, , 303 p. (978 2 35603 020 7), p. 46-49.
- Rencontres d'une vie : 1945-1984, Aubier, 1986, pp. 100-101, avec un portrait en buste dessiné par l'auteur, p. 101.
- Op. cit.
- Meubles et objets d'art provenant de l'hôtel Lambert et du château de Ferrières, appartenant au baron de Redé et au baron Guy de Rothschild, Monaco, Sotheby's-Parke-Bernet, 25 et 26 mai 1975.
- Collection du baron de Rédé provenant de l'hôtel Lambert, 2 vol., Paris, Sotheby's, 15 et 17 mars 2005.
- Jean-Claude Daufresne, Fêtes à Paris au XXe siècle : Architectures éphémères de 1919 à 1989, Mauad Editora Ltda, 2001.
- Dominique Paulvé, « Beauté intérieurs », Vanity Fair n°53, décembre 2017, pages 148-153.
- Valérie Duponchelle, « Retour en l'Hôtel Lambert avec le baron de Redé », sur Le Figaro, (consulté le ).
- Article reproduisant une photographie par Cecil Beaton de Redé costumé en prince oriental lors du fameux « bal des masques et dominos » de Carlos de Besteigui dans son palais vénitien, le 3 septembre 1951.