Dans l'enseignement supérieur aux États-Unis, une Black Student Union (BSU) est une organisation (ou syndicat) d'étudiants et d'étudiantes noirs, généralement axée sur la contestation[1]. Historiquement l'organisation s'inspire du modèle de l'organisation en grande partie blanche Students for a Democratic Society des années 1960[1]. Les Black Student Unions plaident pour des changements sur les campus universitaires pendant le mouvement Black Power de la fin des années 1960. Selon l'historien Ibram X. Kendi, l'existence du champ académique des African-American studies est le résultat direct du plaidoyer des Black Student Unions[2].
Contexte
[modifier | modifier le code]Dans les années 1960, l'adoption du Civil Rights Act de 1964 exige un recensement de tous les établissements d'enseignement post-secondaire aux États-Unis. Le recensement identifie les étudiants par race ou origine ethnique et révèle le faible nombre d'étudiants noirs fréquentant des établissements d'enseignement supérieur et universités à prédominance blanche. En conséquence, il est prévu que le financement fédéral ne soit pas versé aux établissements d'enseignement répondant pas aux exigences d'égalité des chances de la loi. La loi sur l'enseignement supérieur de 1965 qui est votée ensuite élargit la disponibilité de l'aide financière aux étudiants souhaitant faire des études supérieures, ce qui profite aux étudiants noirs plus qu'à tout autre groupe. Les programmes de discrimination positive au niveau du campus augmentent également les inscriptions de Noirs dans de nombreux établissements d'enseignement supérieur. Les inscriptions dans ces établissements afro-américains doublent entre 1964 et 1970, la plus grande proportion de l'augmentation se produisant dans les établissements d'enseignement supérieur et universités à prédominance blanche[3].
L'admission d'un plus grand nombre d'étudiants noirs dans des établissements d'enseignement supérieur et universités à prédominance blanche ne signifie pas acceptation sociale de ces étudiants noirs. L'hostilité raciale envers ces derniers est courante sur les campus universitaires, les étudiants et professeurs blancs contestant les capacités intellectuelles des Noirs et leur droit d'aller à l'université. En réponse, de nombreux étudiants noirs organisent des manifestations pour protester contre les politiques discriminatoires dans leurs écoles et travaillent à la mise en place de systèmes de soutien scolaire et social pour eux-mêmes et d'autres étudiants noirs dans des établissements d'enseignement supérieur et universités à prédominance blanche[3].
Cet environnement aliénant, combiné à la montée du mouvement Black Power, incite à la création de Black Student Unions sur les campus des établissements d'enseignement supérieur et universités à prédominance blanche.[4]
Histoire
[modifier | modifier le code]La première Black Student Union voit le jour à l'université d’État de San Francisco en mars 1966, trois mois avant que le militant Stokely Carmichael ne popularise le slogan « Black Power » et sept mois avant la fondation du Black Panther Party[2]. Initialement fondé en 1963 sous le nom de Negro Student Association, le groupe se transforme après l'arrivée d'un ancien Freedom rider nommé James Garrett[5], et le SF State Black Student Union inspire la création de plus de 1 000 autres syndicats d'étudiants noirs (sous différents noms) à travers les États-Unis[2]. Au cours de l'hiver 1968-1969, l'organisation mène une grève étudiante au cours de laquelle plus de la moitié des 18 000 étudiants de l'université sèchent les cours pour tenir des manifestations quotidiennes[6]. Au cours de l'année suivante, une permanence de la Black Student Union est implantée sur chaque campus de l'Université d'État de Californie[7].
Le concept se propage au nord jusqu'à l'Université de Washington, où une Black Student Union (BSU) est créée en 1967. Une campagne de protestation de la BSU aboutit avec succès à des réformes raciales au sein de l'université. L'organisation prend de l'ampleur et conduit à la formation d'une autre BSU à l'université d’État de Washington. Angela Davis est l'une des fondatrices en 1967[8] du BSU du campus de l'Université de San Diego[9].
Un syndicat d'étudiants noirs est officiellement constitué au Mills College à Oakland (Californie) en mai 1968, prétendant être « le premier syndicat d'étudiants noirs dans un établissement d'enseignement supérieur pour jeunes filles de l'Ouest » et annonçant son intention de « perturber les activités du collège » à moins que l'établissement n'embauche deux professeurs Afro-Américains et un conseiller[10].
Militantisme aujourd'hui
[modifier | modifier le code]Les actions des syndicats ont permis de faire évoluer la composition des enseignants d'université, encouragé les Noirs à s'inscrire et les universités à ajouter les études afro-américaines à leur cours[11],[12]. Un temps, les actions sociales ont succédé aux actions militantes. Mais la mort violente de plusieurs noirs dans les années 2010 et suivantes rapproche certains adhérents des BSU des objectifs de leur création. Jazmyn White, présidente du Black Student Union de l’université du Maryland constate en 2015 « Maintenant, les étudiants ont un profil beaucoup plus militant que ce à quoi je suis habituée... Les gens se rendent compte qu’on n’en est pas au point où on peut se relâcher. Ça a été un véritable signal d’alerte. »[13].
Héritage
[modifier | modifier le code]Selon Ibram X. Kendi, l'existence du champ académique des African-American studies dans l'enseignement supérieur aux États-Unis est le résultat direct du plaidoyer des Black Student Unions[2].
La Johnson House est la nouvelle maison dédiée aux membres des Black Student Union (BSU)[14]. Plusieurs BSU sont actives en 2023 sur les campus, comme la Black Student Union Legacy Scholarship du Pace University’s New York City campus qui perpétue les objectifs des BSU : promouvoir le leadership et l'unité de ses membres, améliorer leurs compétences[15] ; la BSU de l'université du Minnesota[16] ; l'UBC Black Student Union de Colombie Britannique[17].
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en-US) Ibram Rogers, « The Marginalization of the Black Campus Movement », Journal of Social History, JSTOR, vol. 42, no 1, , p. 175-182 (lire en ligne).
- (en-US) Marc Arsell Robinson, « The Black Campus Movement in the Evergreen State : The Black Student Union at the University of Washington and Washington State University, 1967-1969 », The Pacific Northwest Quarterly, JSTOR, vol. 103, no 2, 2012b, p. 55-66 (lire en ligne).
- (en-US) Marc Arsell Robinson, The Black Power Movement and the Black Student Union (BSU) in Washington State, 1967-1970 (Thèse de doctorat), Washington State University - Program of American Studies, , 265 p. (lire en ligne).
- (en-US) Lauren Araiza, « Black Power and the Mills Girl: Gender and the Black Campus Movement at Mills College, 1967–69 », Journal of Civil and Human Rights, JSTOR, vol. 5, no 2, , p. 1-33 (DOI 10.5406/jcivihumarigh.5.2.0001, lire en ligne)[18].
- (en-US) Joy Ann Williamson, « In Defense of Themselves : The Black Student Struggle for Success and Recognition at Predominantly White Colleges and Universities », The Journal of Negro Education, JSTOR, vol. 68, no 1, , p. 92-105 (DOI 10.2307/2668212).
Lire aussi
[modifier | modifier le code]- Ibram X. Kendi, The Black Campus Movement: Black Students and the Racial Reconstitution of Higher Education, 1965–1972, New York, First, (ISBN 978-1-137-01650-8, OCLC 795517755, lire en ligne)
- L'histoire des Black Student Union, Best College, Ciera Graham, 2 février 2023
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- Robinson 2012b, p. 55.
- Rogers 2008, p. 176.
- Williamson 1999, p. 94.
- Williamson 1999, p. 95.
- Robinson 2012b, p. 56.
- Rogers 2008, p. 176–177.
- (en-US) Whiting, « The Black Student Union at SFSU started it all », SFGATE, (consulté le )
- (en-US) « UCSD Center For Student Involvement - Student Organization Registration », sur studentorg.ucsd.edu (consulté le )
- (en-US) « "Activist, Academic, Author, and Icon: The History of Angela Davis in San Diego" - Anica Quizon », sur Studies of Black History at the University of San Diego, (consulté le )
- Araiza 2019, p. 13.
- (en-US) Marc Robinson, « The Early History of the UW Black Student Union - Seattle Civil Rights and Labor History Project », sur depts.washington.edu (consulté le )
- (en-GB) The Conversation, « Black students in Washington state played key role in the Civil Rights Movement, new book states », sur Anacortes Now, (consulté le )
- « Aux USA, les étudiants noirs ont toujours l’âme militante », sur share.america.gov, (consulté le )
- (en-US) Jaylen Bell, Mezue Eneh, Eric Beato, « Black Student Union's Impact, Meaning, and Future. Babson Magazine », sur Babson Thought & Action, (consulté le )
- (en-US) « The Black Student Union », sur The Black Student Union, (consulté le )
- (en-US) « Black Student Union - University of Minnesota », sur bsumn (consulté le )
- (en) « UBC Black Student Union calls for dedicated space as Black students face feelings of isolation », sur CNC News, (consulté le )
- (en-US) « Research Conducted on Black Women Student Activism of the 1960s | Black Studies », sur denison.edu, (consulté le )