En mathématiques et plus précisément, dans la théorie des systèmes dynamiques, l'entropie métrique, ou entropie de Kolmogorov (appelée également en anglais measure-theoretic entropy) est un outil développé par Kolmogorov vers le milieu des années 1950, issu du concept probabiliste d'entropie de la théorie de l'information de Shannon. Kolmogorov montra comment l'entropie métrique peut être utilisée pour montrer que deux systèmes dynamiques ne sont pas conjugués. C'est un invariant fondamental des systèmes dynamiques mesurés. En outre, l'entropie métrique permet une définition qualitative du chaos : une transformation chaotique peut être vue comme une transformation d'entropie non nulle.
Présentons tout d'abord le cadre mathématique dans lequel on se
place. est un espace de probabilité, et est une application mesurable, qui représente la loi
d'évolution d'un système dynamique à temps discrets sur l'espace des
phases X. On impose à f de préserver la mesure, c'est-à-dire que
. Partant d'un
état initial x, on peut définir la suite de ses itérés par f :
L'ensemble
des états par lesquels passe le système s'appelle l'orbite de x.
Si l'on se donne une partition finie α de X constituée
d'ensembles mesurables et un état
initial x, les états () par lesquels le système
passe tombent chacun dans une des parties de la partition α.
La suite de ces parties fournit de l'information sur l'état initial
x. L'entropie correspond à la quantité moyenne d'information
apportée par une itération. La construction de l'entropie métrique
est un processus qui se déroule en trois étapes, que nous allons expliciter ci-dessous. Dans un premier
temps, on définit l'entropie d'une partition
α (information moyenne issue de la connaissance de la partie
de α dans laquelle se situe un point de x). Puis, on
définit l'entropie de la transformation f
relativement à la partition α (information moyenne apportée
par une itération). Enfin, l'entropie métrique h(f) est la borne
supérieure des entropies de f relativement aux partitions de X.
Soit α une partition finie de X en ensembles mesurables. Un point
est d'autant mieux localisé qu'il se situe dans une partie
de faible mesure . Ceci justifie
l'introduction de la fonction information définie par :
c'est-à-dire si .
L'entropie de la partition α est la moyenne de :
On prend égal à 0. Si α et β sont deux
partitions mesurables de X, on définit le joint de α et
β, la plus grande partition plus fine que
α et β : . On dit que β
est plus fine que α, et on note si tout
élément de A de α s'écrit comme union d'éléments de β.
L'entropie d'une partition vérifie les propriétés intuitives
suivantes :
- Si α et β sont deux partitions mesurables, alors .
- Notons . On a : .
La première propriété signifie que l'information apportée par la
connaissance simultanée des positions des états du système
relativement à deux partitions est supérieure à la somme des
informations apportées relativement à chacune des partitions. La
deuxième propriété provient du fait que f préserve la mesure.
α est une partition mesurable. On définit l'entropie
de la transformation f relativement à α par :
On peut voir la transformation f comme le passage d'un jour au suivant lors d'une
expérience. Au temps zéro, on ne parvient pas à distinguer tous les
états, on regroupe les états non distinguables par paquets, on forme
de cette manière une partition α. représente ainsi tous les résultats possibles au
bout de n jours. est donc l'information moyenne
quotidienne que l'on obtient en réalisant l'expérience.
La limite définie existe bien. Si on note , alors la suite est sous-additive car :
On a utilisé respectivement les deux propriétés de la section précédente.
admet donc une limite.
L'entropie métrique de f, notée h(f) est la borne supérieure des
entropies de f relativement aux partitions finies mesurables de
X
h(f) est éventuellement infinie.
Le calcul de l'entropie métrique est facilité lorsque la borne
supérieure est atteinte, i.e lorsqu'il existe une partition
α telle que l'entropie métrique et l'entropie relativement à
α soient confondues. À titre d'exemple, traitons le cas de
l'application identité de X. Alors,
L'identité a une entropie nulle, ce qui est prévisible en raison de son caractère peu chaotique.
Dans beaucoup de cas moins triviaux, le théorème suivant, d'Andreï Kolmogorov et Iakov Sinaï, est l'un des outils les plus pratiques pour calculer une entropie, car il évite de prendre la borne supérieure sur toutes les partitions mesurables de X.
Si α est une partition mesurable de X telle que la suite engendre la tribu , ou bien si f est inversible (f-1 est mesurable et préserve la mesure) et la suite engendre la tribu alors on dit que α est génératrice.
Le théorème de Kolmogorov-Sinai affirme que si α est génératrice, alors .
est le cercle unité, muni de la mesure d'angle
dθ. Analysons l'effet d'une rotation
lorsque est rationnel. Soit α une
partition :
Dans le cas où a est irrationnel, on montre également que
l'entropie métrique de f est nulle.
Toujours sur le cercle unité, on prend cette fois l'application
qui double les angles. On considère la même
partition
On observe que :
Puis par récurrence, on déduit plus généralement que :
Comme les ensembles du type
engendrent la tribu , le théorème de Kolmogorov-Sinai
montre que et :
L'entropie métrique de f est donc log 2.
On dispose d'un alphabet fini . Soit
des nombres strictement positifs de somme
1. On assigne à chaque lettre i la probabilité d'apparition. est un espace de probabilité. On introduit l'espace des mots
infinis . On
définit l'application décalage σ par
pour . est un
système dynamique inversible. On partitionne en où est l'ensemble des mots
tels que . est la partition par les cylindres
. L'ensemble de ces
cylindres engendrent la tribu de et le théorème de
Kolmogorov-Sinai s'applique. On calcule alors facilement :
Donc .