Artiste |
« Nemo » |
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Date | |
Type |
Chronomètre |
Dimensions (H × L) |
600 × 1200 cm |
Propriétaire |
« Nemo » |
Localisation |
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Le Génitron est une œuvre d'art contemporain consistant en un instrument de mesure du temps, destiné à afficher le compte à rebours des secondes restant avant le passage à l'an . Conçu par Nemo (François Scali et Alain Domingo), il est inauguré à Paris devant le centre Pompidou, le , par le président de la République, François Mitterrand. Déplacé sur la place de la Bastille après , il est laissé à l'abandon après sa date de fin de fonctionnement.
Description
Le Génitron est présenté comme le « premier monument commémoratif d'un événement futur »[1],[α]. Il prend la forme d'un compte à rebours numérique, à l'affichage lumineux, décomptant les secondes jusqu'au . Il capte un code horaire émis par l'émetteur radio de France Inter, lié au calcul du temps universel par l'horloge atomique de l'observatoire de Paris[β]. Haut de six mètres et large de douze[2], pour un total de 27 tonnes[3], il est muni de neuf afficheurs à sept segments.
Il permet notamment d'imprimer un reçu intitulé « certificat espace-temps », carte permettant de coucher sur le papier l'état exact du compte à rebours au moment de l'impression, coûtant 10 francs l'année de son inauguration. Les sommes récoltées doivent permettre la maintenance de l'instrument, principalement des afficheurs et imprimantes — le système en lui-même étant capable de reprendre son cours en cas de coupure de courant[1].
Histoire
Précurseurs
D'autres chronomètres de même nature avaient déjà été mis en place dans les années [1] :
- à Barcelone, en vue des Jeux olympiques d'été de 1992 () ;
- à Gênes, pour le 500e anniversaire du premier départ de Christophe Colomb pour le Nouveau Monde () ;
- à Nîmes, pour la date butoir de la création du marché unique ().
Création
Le Génitron est conçu par François Scali et Alain Domingo, deux architectes et designers rassemblés sous le pseudonyme de « Nemo »[4],[γ]. L'instrument est ainsi baptisé en hommage au Génitron, hebdomadaire fictif imaginé par Louis-Ferdinand Céline dans Mort à crédit () : « périodique favori (vingt-cinq pages) des petits inventeurs-artisans de la région parisienne »[1]. Il est financé en totalité par le mécénat de la Fondation Rémy Cointreau[5] pour l'art contemporain, qui s'en désengage après la mise en application de la loi Évin en (Cointreau étant un producteur de cognac, une eau-de-vie), laissant sa gestion à « Nemo »[β].
Inauguration
Le Génitron est d'abord installé sur la place Georges-Pompidou, devant le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou. Il y est mis en fonction le [a],[δ] par le président de la République, François Mitterrand. Ses cadrans affichent alors environ 400 millions de secondes[b] avant le . La cérémonie a lieu en présence du ministre des Finances, Édouard Balladur, et du précédent ministre de la Culture, Jack Lang[8], et célèbre en même temps les 10 ans du centre Pompidou, dirigé par Jean Maheu. Pour l'occasion, Mitterrand se fait accompagner d'un enfant tiré au sort parmi ceux du personnel du Centre qui auront 20 ans en l'an [γ],[6].
Démontage prématuré
Neuf ans après sa mise en service, le dispositif est démonté le [7] pour cause de rénovation du centre Pompidou, mais n'est pas réinstallé une fois les travaux finis en . Ce déplacement / démontage imprévu est l'occasion d'échanges vifs, par presse interposée, entre « Nemo » et Jean-Jacques Aillagon, nouveau président du Centre[β], le Génitron ne devant pas retrouver son emplacement précédent, « gelé pour des questions de sécurité » selon Aillagon. Il est alors remisé dans un hangar du côté du quartier de la Villette, et sa réinstallation est annoncée tout d'abord près de la cité des sciences et de l'industrie[α], puis devant le chantier de l'ambassade de France à Berlin, sur la Pariser Platz[ε].
D'autres compteurs sont installés, dont celui de la Tour Eiffel, inauguré par le maire de Paris, Jean Tiberi[9], qui ravit la vedette au Génitron à la date fatidique[2]. Selon « Nemo », le fait qu'Aillagon préside la mission pour la célébration de l'an depuis [10], et soit donc impliqué dans la mise en place du compteur de la Tour Eiffel, démontre que le démontage du Génitron n'était pas absolument fortuit[ε].
Réinstallation
Scali et Domingo finissent par saisir le tribunal de grande instance de Paris en , pour obtenir la réinstallation du dispositif devant le centre Georges-Pompidou[11]. Le , le tribunal se déclare incompétent pour trancher la question[10]. Finalement, le Génitron est déplacé en [3],[12] aux abords de la place de la Bastille, sur demande de la mairie de Paris, malgré l'opposition du maire du 11e arrondissement, Georges Sarre[2]. Il est alors érigé à l'entrée du terre-plein du boulevard Richard-Lenoir[2].
Après l'an
Une fois le décompte effectué, le Génitron reste en place, mais ne fonctionne plus, ayant rempli son office. Appartenant toujours à son créateur François Scali, et la mairie de Paris ne souhaitant pas s'en porter acquéreur, le Génitron est d'abord proposé aux enchères à Monaco, mais ne trouve aucun repreneur[2].
Notes et références
Notes
- Toutes les sources parlent du , y compris le reportage en direct hébergé sur le site de l'INA[6]. Seules les archives du Monde parlent du [1].
- Le nombre exact varie en fonction des sources : 407 567 789 selon ses concepteurs[γ], 407 655 400 selon Sonia Feertchak[7], 437 568 200 selon les archives du Monde[1], et environ 407 563 065 tel que visible sur le reportage en direct hébergé sur le site de l'INA[6].
Références
- « Heure : La dernière seconde du siècle », Le Monde, (consulté le ).
- Laure Pelé, « Qui veut du mur de la Paix et du Génitron ? », Le Parisien, .
- « Le Génitron remonté à la Bastille », Libération, .
- Feertchak 1999, p. 25.
- Bernard Stiegler, La Technique et le Temps, vol. 1 : La Faute d'Épiméthée, Paris, Galilée et Cité des sciences et de l'industrie, coll. « La philosophie en effet », , 278 p. (ISBN 2-7186-0440-9), p. 231–232, repris dans La Technique et le Temps : 1. La Faute d'Épiméthée. 2. La Désorientation. 3. Le Temps du cinéma et la Question du mal-être, Paris, Fayard, , 969 p. (ISBN 978-2-213-70087-8 et 978-2-213-70420-3, lire en ligne).
- Claude Sérillon, « Direct Beaubourg », Journal de 20 heures d'Antenne 2, sur ina.fr, Institut national de l'audiovisuel, .
- Feertchak 1999, p. 26.
- « Le Génitron, un compte à rebours », L'Est républicain, .
- Feertchak 1999, p. 29.
- Geneviève Jurgensen, « L'histoire », La Croix, (consulté le ).
- Emmanuel de Roux, « Les horlogers de Beaubourg devant les tribunaux », Le Monde, (consulté le ).
- Valérie Houart, « En dierct extérieur de la bastille : Genitron », 12/13 de France 3 Paris Île-de-France, notice PAC9712183683, sur catalogue.ina.fr, Inathèque, .
Série d'articles de Bayon dans Libération, – et :
- Bayon, « Le mystère de l'horloge de Beaubourg : 2e épisode: Les oubliettes du Génitron », Libération, .
- Bayon, « Le mystère de l'horloge de Beaubourg : 3e épisode: Émission. Réception? », Libération, .
- Bayon, « Le mystère de l'horloge de Beaubourg : Premier épisode: À la recherche de l'an », Libération, .
- Bayon, « Génitron pressé », Libération, .
- Bayon, « Le mystère de l'horloge de Beaubourg, dernier épisode : La machination de la Tour Eiffel », Libération, .
Voir aussi
Bibliographie
- Sonia Feertchak, L'an , autopsie d'un rêve, Paris, JC Lattès, , 157 p. (ISBN 2-7096-1999-7 et 979-10-376-0047-9), p. 25–30 [lire en ligne].
Liens externes
- « Le Génitron », sur scali.com.fr.