Date | 1999- |
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Lieu | Ituri en République démocratique du Congo |
Issue | En cours |
Le conflit d'Ituri ou guerre d'Ituri fait suite à la deuxième guerre du Congo (1998 - 2002), il oppose essentiellement des milices lendu (la Force de résistance patriotique de l'Ituri) et hema dans le district de l'Ituri situé dans la province Orientale au nord-est de la république démocratique du Congo. Il est lié à des intérêts criminels et à la géopolitique des Grands Lacs.
Causes et préludes
En 1911, la guerre éclate après l’assassinat du grand chef hema, Bomera, par les Indru (appelés aussi Walendu-Bindi, Lendu-Bindi ou Lendu-Sud). Les hostilités s’étendront l’année suivante dans le territoire de Djugu[1].
Lors de la deuxième guerre du Congo, en 1999, les troupes ougandaises se servirent de ce contentieux pour former des milices armées ethniques pour mieux contrôler la population mais aussi pour l'extraction et le commerce (illégal) d'or[2]. Après le départ des forces armées ougandaises, les cartels criminels impliqués dans ce trafic restèrent sur place et continuèrent à s'appuyer sur les milices rurales et autres groupes d’autodéfense ; différents témoignages s’accordent pour affirmer que depuis l’époque coloniale, on n'a jamais déploré un quelconque conflit de terre entre les peuples hema et ce en dépit de l’enchevêtrement de leurs villages particulièrement dans le territoire de Djugu[3]. L'ethnicité est instrumentalisée dans des buts économiques, politiques locaux, nationaux et internationaux[4]. Plusieurs opérations de nettoyages ethniques, avec comme point culminant le massacre d'un millier de Biras et de Hemas à l'hôpital de Nyankunde[5],[6].
2002-2003 : apogée et fin
Le , l’accord global et inclusif de Pretoria met officiellement fin à la deuxième guerre du Congo. Conformément à ce traité de paix, l'armée ougandaise qui occupait le district de l'Ituri se retire de son chef-lieu Bunia le . Aussitôt, des milices lendu lancent un raid sur la ville et massacrent plusieurs dizaines de Hemas sans que l'on puisse avoir un bilan exact du nombre de victimes[2]. La même semaine, les Hemas organisent à leur tour des attaques meurtrières en représailles.
Des dizaines de milices, bandes armées et seigneurs de la guerre, utilisant parfois des enfants-soldats, font régner la terreur dans la région, la situation est chaotique et la population est prise en otage[7]. Certaines milices sont encore contrôlées par l'armée ougandaise, avec parfois des concurrences entre les généraux ougandais eux-mêmes car liés à des réseaux criminels et des trafics. Le Rwanda et le gouvernement de Kinshasa appuient eux aussi certaines milices[8].
Les forces de la Mission de l'Organisation des Nations unies en république démocratique du Congo (Monuc) déployées dans la région sont dépassées mais en , l'ONU autorise l'Union européenne à déployer l'opération Artémis, 2 000 soldats essentiellement français. Bunia est sécurisée, certaines milices neutralisées, des mandats d’arrêts internationaux sont lancés contre les seigneurs de la guerre les plus notables, et plusieurs d'entre eux sont effectivement emprisonnés à La Haye pour être jugés devant la Cour pénale internationale : les Hemas Thomas Lubanga et Bosco Ntaganda, et les Lendus Mathieu Ngudjolo Chui et Germain Katanga, accusés d'être responsables du massacre de Bogoro. Les fonctionnaires et militaires de la Monuc à Bunia sont eux aussi accusés de crimes, en particulier d'organiser et de profiter de réseaux de prostitution avec parfois des mineures et même des enfants[9].
Massacre de Bogoro
Le , une attaque menée par Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, chefs de milice congolais issus la FPRI et du FNI, a lieu contre le camp militaire et le village de Bogoro, principalement peuplé de Hemas. Au cours de cette attaque 200 civils sont tués et de nombreux autres subissent des exactions.
Cela conduit la Cour pénale internationale à délivrer des mandats d'arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité et en particulier pour « meurtres, viols, esclavage sexuel, utilisation d’enfants-soldats, attaques contre des civils, pillage, destruction de biens »[10].
Arrêtés par les autorités congolaises, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui sont transférés à la CPI à La Haye le premier le et le second le . À la suite du procès, Germain Katanga est reconnu coupable d'une partie des chefs d'accusation mais blanchi des accusations de viol et esclavage sexuel. Il est condamné à 12 ans de réclusion sachant qu'il en a déjà effectué sept depuis son arrestation[11]. L'absence d'appel de l'accusation entraîne un désaccord entre les différentes parties liées à l'accusation. De son côté, Mathieu Ngudjolo Chui est acquitté le des charges de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Ce verdict est ensuite confirmé par la Chambre d'appel.
Reprise depuis 2008
Même si la Deuxième guerre du Congo s'achève officiellement en 2003, un conflit de basse intensité se poursuit durant plusieurs années en Ituri, avec des dizaines de milliers de morts supplémentaires. Cette résurgence du conflit a pour cause à la fois l'absence de réelle autorité dans la région, devenue un patchwork de zones revendiquées par des milices armées, et la compétition entre les divers groupes armés pour le contrôle des ressources naturelles de la région. Le groupe rebelle le plus important est le Force de résistance patriotique de l'Ituri (FRPI), basé à Walendu Bindi et formé en 2002.
La moitié des membres de cette milice sont des enfants-soldats âgés de moins de 18 ans, certains ayant à peine huit ans[12].
Attaques du FRPI (2008–2012)
Malgré le cessez-le-feu accepté en 2006, un groupe dissident de militants du FRPI lance des attaques sporadiques sur les forces gouvernementales et la population civile à partir de 2008. Ces attaques comportent de nombreuses atrocités, viols, incendies, rapts[13],[14],[15],[16].
En , Kakado Barnaba Yunga, le chef spirituel du FPRI passe en procès à Bunia. Yunga est accusé de rébellion, rapt, viol et cannibalisme, parmi d'autres crimes[17],[18].
Durant les années suivantes, des dizaines de milliers de civils sont déplacés par les militants du FRPI, qui continuent à les attaquer et perpétrer de nombreux crimes[19],[20],[21],[22],[23].
Contre-attaques des FARDC et offre de reddition (2012–2014)
En raison de la montée des attaques du FRPI, les FARDC (armée congolaise) entament des opérations à grande échelle contre lui. Du bétail et d'autres biens volés sont récupérés et restitués à la population locale[24],[25]. Peu à peu, les militants FRPI se désunissent, et nombreux sont incorporés au sein des FARDC[26],[27].
En , la MONUSCO ouvre un bureau dans le village d'Avebo dans le but de fournir aux militants un endroit pour se rendre, avec un succès mitigé[28],[29],[30]. Le chef Cobra Matata, par exemple, se rend aux autorités congolaises le [31],[32], mais le FRPI n'abandonne pas pour autant.
Nouvelles combats (depuis 2014)
En dépit des efforts du gouvernement, le FRPI parvient à lancer des attaques contre des civils jusqu'à aujourd'hui[Quand ?], créant une résurgence après 2014. Davantage de biens sont volés et de crimes sont commis[33],[34],[35],[36]. Il est possible que les militants utilisent des bases en Ouganda comme soutien pour leurs opérations[37].
Bien que le commandant des FRPI Mbadu Adirodu ait promis la reddition de 300 militants en , en juin les négociations de paix sont rompues et le combat continue[38],[39],[40].
En juin 2023, au moins 46 personnes sont tuées par la CODECO, une milice lendu, dans un camp de personnes déplacées, dans le district de Bahema Badjere[41].
En juillet 2024, des miliciens de la CODECO attaquent la ville de Pluto, contrôlée par la milice Zaïre, provoquant le déplacement de la population. Après quatre heures de combats, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) interviennent. Treize soldats de Zaïre, sept soldats de la CODECO et six soldats des FARDC sont tués[42].
Références
- Dan Fahey, « This Land is my Land: Land Grabbing in Ituri »? in An Ansoms, Losing Your Land: Dispossession in the Great Lakes, Boydell & Brewer Ltd, 2014, p. 48
- David Reybrouck (trad. du néerlandais par Isabelle Rosselin), Congo : une histoire, Arles, Actes sud, (réimpr. 2018), 1re éd., 711 p. (ISBN 978-2-330-00930-4), p. 505
- Koen Vlassenroot et Tim Raeymaekers, « Le conflit en Ituri », dans L'Afrique des Grands Lacs, L’Harmattan, , p. 208
- Koen Vlassenroot et Tim Raeymaekers, « Le conflit en Ituri », dans L'Afrique des Grands Lacs, L’Harmattan, , p. 210-213
- « R.D.C. : l’armée ne doit pas nommer des criminels de guerre », Human Rights Watch,
- AFP, « RDCongo: un 2e chef milicien d'Ituri transféré à la Cour pénale internationale de La Haye »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?),
- Frédérique Letourneux, « Tueries dans l'Ituri », Jeune Afrique, (lire en ligne)
- Reybrouck 2012, p. 506
- Francis Kpatindé, « Scandale à la Monuc », Jeune Afrique, (lire en ligne)
- Marie-France Cros, « La guerre d’Ituri devant la CPI », La Libre Belgique, (lire en ligne)
- (en + fr) « Katanga Case » [« Affaire Katanga »], sur www.icc-cpi.int (consulté le )
- Paul R. Bartrop, Steven Leonard Jacobs, Modern Genocide : The Definitive Resource and Document Collection, , 2270 p. (ISBN 978-1-61069-363-9)
- « Bunia: le FRPI arrache deux localités aux FARDC », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri : les FARDC face à une nouvelle milice, FPJC, à Kagaba », Radio Okapi, (consulté le )
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- « Walendu Pindi : des combats opposent les miliciens du FJPC et les FARDC », Radio Okapi, (consulté le )
- « Bunia : début du procès Kakado, chef spirituel des miliciens de la FRPI », Radio Okapi, (consulté le )
- « Bunia : chef spirituel du FRPI, Kakado Barnaba désormais poursuivi pour crime de guerre », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: retour au calme après les affrontements entre miliciens du FRPI et FARDC », Radio Okapi, (consulté le )
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- « Ituri : une nouvelle attaque du FRPI fait 30 000 déplacés », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri : des centaines de personnes et leur bétail fuient les attaques du FRPI », Radio Okapi, (consulté le )
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- « RDC: les FARDC tuent une dizaine de miliciens de la FRPI en Ituri », Radio Okapi, (consulté le )
- « RDC: les miliciens de la FRPI multiplient leurs attaques à Bahema Mitego », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: la FRPI sollicite un couloir de sécurité pour se rendre aux FARDC à Getty », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: échec de la tentative de négociations pour la reddition de Cobra Matata », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: la Monusco aménage un site d’accueil pour les ex-FRPI à Aveba », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri : la FRPI accusée d’exactions dans plusieurs villages », Radio Okapi, (consulté le )
- « Bunia: 28 miliciens de la FRPI se sont rendus », Radio Okapi, (consulté le )
- Ituri : Cobra Matata s’est rendu aux FARDC à Bunia, Radio Okapi, 22 novembre 2014
- RDC : reddition du chef rebelle Cobra Matata, Jeune Afrique et l'AFP, 22 novembre 2014
- « Ituri: les exactions des miliciens de la FRPI continuent malgré la reddition de Cobra Matata », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri : 29 morts enregistrés dans les affrontements entre FARDC et FRPI », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: des hommes armés attaquent le camp de déplacés de Lagabo, 12 blessés », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: des humanitaires sous menaces de la FRPI à Walendu Bindi », Radio Okapi, (consulté le )
- « RDC: une attaque d’hommes armés dans une boîte de nuit fait 14 morts à Aru », Radio Okapi, (consulté le )
- « Reddition d’environ 300 miliciens de la FRPI en Ituri », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: les combats entre FARDC et FRPI ont fait 38 morts », Radio Okapi, (consulté le )
- « Ituri: retour au calme après les accrochages entre FARDC et FRPI à Aveba », Radio Okapi, (consulté le )
- (en) Erikas Mwisi Kambale, « Militias attack camp for displaced in Congo's Ituri, over 45 killed », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
- (en) « Ituri : au moins 26 morts dans l'attaque de la CODECO à Pluto », Radio Okapi, (lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
Article connexe
Lien externe
Le procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo chui, un projet de Open Society Justice Initiative
Bibliographie
Franck Leibovici et Julien Seroussi, Bogoro, Paris, Questions théoriques, coll. « Réalités non couvertes », , 351 p. (ISBN 978-2-917-13146-6)