Bolet indigotier
Gyroporus cyanescens, le Bolet indigotier[1], anciennement Boletus cyanescens, est une espèce de champignons basidiomycètes de la famille des Gyroporaceae. Il doit son nom à la particularité qu'a sa chair de virer à l'indigo au moindre contact. Bien qu'il ne soit pas le seul bolet à présenter ce phénomène, le contraste qu'il offre avec les couleurs pâles et ternes du champignon intact permet de le distinguer aisément. C'est une espèce peu commune, mais assez largement répandue.
Taxinomie
Le nom correct complet (avec auteur) de ce taxon est Gyroporus cyanescens (Bull.) Quél[2].
L'espèce a été initialement classée dans le genre Boletus sous le basionyme Boletus cyanescens Bull. 1788[2].
Synonymes
Gyroporus cyanescens a pour synonymes[2]:
- Boletus cyanescens Bull., Herb. Fr. (Paris) 8: pl. 369 (1788)
- Suillus cyanescens (Bull.) P. Karst., Bidr. Känn. Finl. Nat. Folk 37: 1 (1882)
- Leucoconius cyanescens (Bull.) Beck, Z. Pilzk. 2(7): 142 (1923)
- Boletus constrictus Pers., Syn. meth. fung. (Göttingen) 2: 508 (1801)
- Leccinum constrictum (Pers.) Gray, Nat. Arr. Brit. Pl. (London) 1: 647 (1821)
Phylogénie
L'espèce est décrite pour la première fois en 1788 par le botaniste français Pierre Bulliard sous le nom de Boletus cyanescens. Au cours du XIXe siècle, les mycologues la transfèrent dans les genres Leccinum, puis Suillus. C'est finalement Lucien Quélet qui crée en 1886 le genre Gyroporus, avec Gyroporus cyanescens comme espèce type[3].
Étymologie
L'épithéte spécifique cyanescens fait réfèrence à la chair fortement bleuissante de cette espèce.
Noms vulgaires et vernaculaires
Ce taxon porte en français les nom vernaculaires ou normalisés suivant : Bolet indigotier.
On rencontre plus rarement le nom de "Bolet bleuissant", cependant ce nom peut grandement porter à confusion car il sous-entendrait que G. cyanescens serait l'unique espèce de bolet à bleuir, alors qu'il est en réalité extrêmement loin d'être le seul à présenter cette caractéristique.
Description du sporophore
Les bolets sont des champignons dont l’hyménium, constitué de tubes et terminés par des pores, se sépare facilement de la chair du chapeau. Ce chapeau d'abord rond, recouvert d'une cuticule, devient convexe à mesure qu’il vieillit. Ils ont un pied (stipe) central assez épais et une chair compacte. Les caractéristiques morphologiques de Gyroporus cyanescens, le Bolet indogotier, sont les suivantes :
Son chapeau mesure 3,5 à 12 cm, il est sec, feutré voire méchuleux, de couleur blanchâtre à crème ochracé ou jaune à brun-jaune[4].
L'hyménophore présente des tubes blancs puis ochracés. Les pores sont blancs puis jaunâtres, bleuissant très intensément au toucher[4].
Son stipe mesure 4 à 10 cm x 1,5 à 3 cm, il est concolore au chapeau jusqu'à une sorte de zone annulaire. Il est typiquement creux et percé de "cavernes"[4].
La chair est blanche et cassante[5], bleuissant généralement très intensément à la coupe[4]. Sa saveur est douce et son odeur est faible[4]. La sporée est jaune pâle[6]. Ce champignon se reconnaît immédiatement à sa teinte terne contrastant avec le fort bleuissement qui se produit lorsque l'on touche n'importe laquelle de ses parties. Ce phénomène est particulièrement intense sur la face poroïde, qui est naturellement maculée de bleu par contact avec des feuilles mortes, des petites branches ou des insectes. De même la chair blanchâtre tourne immédiatement à l'indigo une fois exposée à l'air[6]. Néanmoins, l'intensité de ce bleuissement peut être atténué si le spécimen est trop vieux ou alors si l'environnement est trop sec.
Caractéristiques microscopiques
Ses spores mesurent 7,5 à 10 μm x 4 à 6 μm. Elles sont ovoïdes ou elliptiques[4].
Galerie
Variétés et formes
Le Bolet indigotier a plusieurs formes et variétés[5] :
- Gyroporus cyanescens f. immutabilis, dont la chair ne bleuit pas du tout ;
- Gyroporus cyanescens var. vinosovirescens, dont toutes les parties virent au brun vineux.
Écologie et distribution
C'est une espèce ectomycorhizienne qui n'a pas d'hôte spécifique[7]. Elle apparait sous les conifères et sous les feuillus[5], souvent dans les hêtraies ou les forêts mêlées de bouleaux et de peupliers[6]. Elle n'aime pas les sols calcaires[5] et pousse de préférence dans les endroits bien drainés et sablonneux, comme les bords de sentiers[6]. Le champignon est plutôt occasionnel, voire rare. Il fructifie entre août et septembre en Amérique du Nord[8], de septembre à novembre en Europe[5].
Comestibilité
Pour de nombreux auteurs, le Bolet indigotier est un champignon comestible, jugé bon[9] à excellent[8]. Certains recommandent cependant de le rejeter, car il aurait occasionné des intoxications sans gravité en raison de son caractère laxatif[5]. Cependant, ces quelques incidents isolés peuvent se prêter au problème récurrent quant à la comestibilité des Gyroporus ; la difficulté à distinguer les symptômes d'altération et de pourrissement des spécimens ramassés, gardant une belle apparence même à des stades de décomposition avancés. Cela favorise la récolte de spécimens impropres à la consommation faute de pouvoir correctement évaluer leur réel état de conservation. Il vaut mieux donc porter une attention particulière à l'évaluation de l'état de conservation des spécimens de Bolets indigotiers prélevés, tout en respectant un temps de cuisson prolongé avant consommation[10].
La chair résiste bien à la cuisson, devient jaunâtre, et les taches bleues disparaissent presque complètement. Elle prend une saveur à la fois douce et salée, et un parfum qui rappelle celui des cèpes. Le champignon serait excellent sauté en accompagnement des viandes rouges grillées[6].
Confusions possibles
Le Bolet indigotier peut se confondre avec surtout d'autres espèces bleuissantes rares du genre Gyroporus possédant la même comestibilité et généralement les mêmes teintes, on pourra le confondre avec :
- Gyroporus pseudocyanescens, le Faux bolet indigotier, non séparable de Gyroporus cyanescens à l'œil nu par des critères morphologiques. Il pousse sur sol acide sous différentes espèces de chênes (Quercus)[11], de préfèrence Quercus robur et Quercus pyrenaica[12].
- Gyroporus lacteus, le Bolet couleur de lait, ressemblant à Gyroporus cyanescens mais beaucoup plus pâle, blanchâtre à blanc de lait, avec un chapeau crème à brun ochracé qui se fragmente en squames irrégulières. Son pied entièrement blanc ne montre pas de zone annulaire[4],[13]. Il pousse dans les bois méditerranéens sous Pinus pinea et Quercus ilex[11].
- Gyroporus pseudolacteus, le Faux bolet couleur de lait, ressemblant à Gyroporus lacteus mais plus élancé, à la longueur du pied supérieure au diamètre du chapeau. Son chapeau n'est pas squameux et il semble inféodé aux pins (Pinus pinaster) sur sol sableux[4].
- Le Bolet radicant (Caloboletus radicans) également bleuissant et aux teintes pâles. Cependant, ses pores sont clairement jaunes et son pied est orné d'un réseau, toxique et immangeable.
Voir aussi
Bibliographie
- Guillaume Eyssartier & Pierre Roux : Guide des champignons – France et Europe – 4ᵉ édition, Belin, 2017.
- Régis Courtecuisse & Bernard Duhem : Champignons de France et d'Europe, Delachaux, 2013.
- Thomas Læssøe & Jens H. Petersen : Les champignons d’Europe tempérée, volume 1 et 2, Biotope, 2020.
- Jean-Claude Gerber & Nicolas Schwab : Champignons, guide de terrain : 2ᵉ édition revue et augmentée, Rossolis, 2023.
Articles connexes
Liens externes
- (en) Référence BioLib : Gyroporus cyanescens (Bull.) Quél. (consulté le )
- (en) Référence Catalogue of Life : Gyroporus cyanescens (Bull.) Quél. (consulté le )
- (en) Référence Index Fungorum : Gyroporus cyanescens (Bull.) Quél. 1886 (consulté le )
- (en) Référence MycoBank : Gyroporus cyanescens (Bull.) Quél. (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Gyroporus cyanescens (Bull.) Quel., 1886 (taxons inclus) (consulté le )
Notes et références
- Société mycologique de France, « Les noms français des champignons », sur Mycofrance.fr (consulté le ).
- « Index Fungorum - Names Record », sur www.indexfungorum.org (consulté le )
- V. Robert, G. Stegehuis and J. Stalpers. 2005. The MycoBank engine and related databases. https://www.mycobank.org/, consulté le 5 avril 2020
- Guillaume Eyssartier & Pierre Roux : Guide des champignons – France et Europe – 4ᵉ édition, Belin, 2017
- Guillaume Eyssartier et Pierre Roux, L'indispensable guide du cueilleur de champignons, Belin, , 355 p., p. 324-325.
- Yves Lamoureux et Matthieu Sicard, Connaître, cueillir et cuisiner les champignons sauvages du Québec, Fides, , 365 p. (ISBN 2-7621-2617-7 et 978-2-7621-2617-4, OCLC 58053351, lire en ligne), p. 115-116.
- (en) Sally E. Smith et David J. Read, Mycorrhizal symbiosis, Academic Press, , 3e éd., 800 p. (ISBN 978-0-12-370526-6, 0-12-370526-6 et 978-0-08-055934-6, OCLC 272388575, lire en ligne), p. 198.
- Roland Labbé, « Gyroporus cyanescens / Bolet bleuissant », sur Mycoquébec.org, (consulté le ).
- Jean-Louis Lamaison et Jean-Marie Polèse, Encyclopédie visuelle des champignons, Artémis, , 383 p. (ISBN 2-84416-399-8 et 978-2-84416-399-8, OCLC 420280993, lire en ligne), p. 48.
- « GUIDA RAGIONATA ALLA COMMESTIBILITÀ DEI FUNGHI »
- P.W. Crous, M.J. Wingfield, T.I. Burgess et G.E.ST.J. Hardy, « Fungal Planet description sheets: 558–624 », Persoonia - Molecular Phylogeny and Evolution of Fungi, vol. 38, no 1, , p. 240–384 (DOI 10.3767/003158517X698941, lire en ligne, consulté le )
- (es) « Mico Aragon », sur Mico Aragon (consulté le )
- « MycoDB : Fiche de Gyroporus lacteus », sur www.mycodb.fr (consulté le )