L'haptonomie est définie comme la science de la vie affective qui étudie et met en œuvre les phénomènes propres aux contacts affectifs dans les relations humaines[1],[2]. Elle peut s'appliquer à toutes les pratiques de soin et d'éducation auxquelles elle apporte une grille de lecture résolument nouvelle.
Le concept a été créé par le psychothérapeute Frans Veldman (1921-2010), qui a élaboré progressivement, à partir de la fin de ses études de médecine, de la guerre et sur la base de ses propres expériences, une théorie de l’humain inspirée par l'empirisme et la phénoménologie, théorie qu’il a nommée « haptonomie ». Il s’agit essentiellement de porter l’accent sur les bienfaits de l'accompagnement thérapeutique par une attention particulière accordée à la relation, dans laquelle le contact affectif, notamment, prend une place particulière. Si son champ d’application le plus connu est l’accompagnement pré- et postnatal, il faut compter aussi avec l'haptopsychothérapie, avec le traitement des troubles physiques (haptosynésie), et avec l’art de mobiliser une personne dans l'acte de soin (kinésionomie clinique).
L’haptonomie s’applique dans des domaines aussi variés que la puériculture, l’obstétrique, la pédagogie ou encore les soins palliatifs.
Étymologie et histoire de l’haptonomie
Le mot haptonomie est créé à partir des racines grecques ἅπτω / háptô qui signifie « toucher », y compris dans le sens affectif d'unir ou de créer une relation pour guérir[3] et νομός / nomós qui désigne les lois, mais aussi la mesure.
Cette discipline est créée par Frans Veldman (1921-2010), chercheur néerlandais en sciences de la vie, et présentée dans son livre Haptonomie. Science de l'affectivité.
Selon Catherine Dolto, Frans Veldman « découvrit et développa l’haptonomie à la suite d’expériences vécues lors de sa déportation »[3]. Selon Monvoisin et Pinsault, il n'existe pas de preuves pour étayer cette origine de découverte ; il semble que Veldman n'a pas été médecin, et très peu probable qu'il ait été déporté[4]. Dominique Décant-Paoli, auteure d'un Que sais-je ? intitulé L'Haptonomie, le présente comme ayant été étudiant en médecine et ne mentionne pas la déportation[5].
Principes
Selon Catherine Dolto, il s'agit d'une « science humaine, phénoménologique et empirique qui permet dans la réalité de l’ici et maintenant de la rencontre d’aborder l’humain dans le réel de sa globalité corps, psyché, affectivité sans aucune dissociation ni hiérarchie entre ces trois entités dynamiques et interdépendantes [...] un corpus de phénomènes observables, identifiables et reproductibles, caractéristiques de la vie affective humaine. L’haptonomie, parce qu’elle est étayée par un corpus théorique pluridisciplinaire, anatomoclinique, neurophysiologique, et psychologique, peut prendre en compte la manière dont s’opère et se rejoue sans cesse, le nouage entre la chair et l’esprit »[3].
Un des principes de bases de l'haptonomie repose sur un mode de présence à l'autre particulier, un "être-présent" par un sentiment attentif et sensitif ou « happerception ». L'happerception est une faculté de perception consciente qui s'étend au-delà de soi, englobant l'espace alentour[6].
Domaines d'application
Le principal domaine d'application est l'accompagnement pré- et postnatal des parents et de leur(s) enfant(s).
À cela s'ajoute plus l'hapto-obstétrique (destinée aux obstétriciens et sage-femmes), l'haptopédagogie (destinée aux professionnels de l'enfance et de l'adolescent - accessible aux enseignants depuis peu), l'haptopsychothérapie (destinée aux psychologues, psychothérapeutes, psychiatres, pédopsychiatres, médecins généralistes, psychomotriciens), l'haptosynésie (destinée aux intervenants de la santé qui pratiquent soins et accompagnements auprès de personnes souffrant de maladie physiques ou de handicaps, et à ceux qui s'occupent des personnes âgées et des soins palliatifs)[5].
Haptonomie pré- et postnatale
Selon Catherine Dolto, la peau est le premier organe sensoriel à la disposition de l’enfant in utero[note 1] et revêt ainsi une importance particulière[3]. « L’haptonomie postule que très tôt, dès sa conception, le sujet, source autonome de désir, cherche sa sécurité et pour cela discrimine très précocement ce qui est pour lui bon ou mauvais »[3].
En accompagnement prénatal, les couples sont reçus en séance individuelle, soit dès le début de la grossesse, soit plus souvent au quatrième ou au cinquième mois, supposant l’implication et le désir des deux parents[7]. La mère a un contact privilégié avec l’enfant qu'elle porte[note 2], son corps change avec la perception qu'elle a de son enfant, elle peut interagir avec lui, le bercer par exemple ou même le faire se déplacer à l’intérieur du ventre, ce qui peut également aider les mères dépressives ou ambivalentes à l'égard de leur grossesse[8]. Les pères peuvent aider, principalement par le rapport qu'ils ont avec la mère, mais également au travers de leur contact avec le ventre ou par leur voix[8]. Selon Catherine Dolto, dès le cinquième mois de grossesse, un langage corporel des enfants se met en place. Ils viennent se positionner sous la main, accompagnent la respiration de la mère, ont des balancements spécifiques, voire jouent, donnant par là des signes d'échanges qui renseignent les parents sur leur état[9].
D'après Dolto, « les bébés bien accompagnés prénatalement affrontent mieux les épreuves de la vie, même si celles-ci se présentent dès leur arrivée au monde. Ils ont un excellent tonus de posture, sont à la fois très éveillés, très paisibles, sécurisés et plutôt souriants. Leur développement et leur manière d’être nous obligent à repenser complètement la sémiologie pédiatrique »[9].
Efficacité et formation
L'haptonomie ne faisant pas l'objet d'une définition officiellement validée, le qualificatif d' « haptonome » ne donne pas de garantie sur la compétence du praticien. Plusieurs écoles privées proposent des formations, dont les diplômes n'ont pas de reconnaissance officielle. L'efficacité thérapeutique de l'haptonomie ne semble pas avoir fait jusqu'ici l'objet d'études systématiques validées, mais elle est utilisée par des professionnels médicaux ou paramédicaux dans certains cas, notamment l'accompagnement des parents avant et après la naissance d'un enfant.
D'après la Haute autorité de santé française en 2005, dans le cadre de la préparation à la naissance, l'haptonomie n'est pas suffisamment évaluée[10]. Une étude préliminaire publiée en 2000 portant sur un échantillon assez faible suggère que l’haptonomie pratiquée en maternité et pour les nouveau-nés pourrait avoir des effets bénéfiques[11].
Psychothérapie haptonomique
L’haptonomie fait partie des pratiques référencées par la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P) en tant qu'outil complémentaire[12].
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Frans Veldman, Haptonomie. Science de l'affectivité, Paris, Presses universitaires de France, coll. Redécouvrir l'humain, [1989] (9e éd. 2007), 590 p. (OCLC 299417114) (ISBN 978-2130558491)
- Nina Canault, Comment le désir de naître vient au fœtus, Éditions Desclée de Brouwer, 2001.
- [Dolto 2004a] Catherine Dolto, « Accompagnement haptonomique de la grossesse dans son aspect préventif en cas de dépression maternelle », Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, Elsevier BV, vol. 52, no 5, , p. 311-319 (ISSN 0222-9617, DOI 10.1016/j.neurenf.2004.05.004, lire en ligne)
- [Dolto 2004b] Catherine Dolto-Tolitch, « L'haptonomie prénatale : une pensée du devenir de l'enfant », dans Michel Dugnat (dir.), Prévention précoce, parentalité et périnatalité, Toulouse, Erès, (ISBN 9782749201900, lire en ligne), p. 135-149
- Jean-Louis Revardel, Comprendre l'haptonomie, Paris, Presses universitaires de France, , 248 p. (ISBN 978-2-13-056439-3, OCLC 186975331)
- Dominique Décant-Paoli, L'haptonomie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 5e éd. (1re éd. 2002), 127 p. (ISBN 978-2-13-063081-4)
- Fiona Campbell, « Bonding the French way : mother and freelance journalist Fiona Campbell recounts her extraordinary experience of haptonomy, the science of touch », in Midwives (en), 2008
- Catherine Dolto, L'haptonomie périnatale, conférence-spectacle au théâtre Mouffetard éditée en DVD par NRF-Gallimard et le CNRS. 55 min.
Notes et références
Notes
- les récepteurs cutanés sont fonctionnels dès la 7e semaine de gestation[3]
- par le biais des « voies sous corticales et le système limbique dans son ensemble ce qui a des effets immédiats sur les secrétions hormonales (endorphine, cortisol) et sur le tonus musculaire dans les muscles striés par le biais de la régulation des fuseaux neuromusculaires et dans les muscles lisses »[8]
Références
- Éditions Larousse, « Définitions : haptonomie - Dictionnaire de français Larousse », sur www.larousse.fr (consulté le )
- Frans Veldman, André Soler, Le dictionnaire de l'haptonomie, France, André Soler, , 2ème éd., 124 p. (ISBN 978-2953590616)
- Dolto 2004, p. 312.
- Richard Monvoisin, Nicolas Pinsault Tout ce que vous n'avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, Presses universitaires de Grenoble, 2014, 308 pages. (ISBN 978-2-7061-1858-6) (OCLC 880268020)
- Décant-Paoli 2014
- Le défi de la vie - Frans Veldman - considérations haptonomiques concernant le sens, le contenu et la signification de la vie
- Dolto 2004, p. 313.
- Dolto 2004, p. 314.
- Dolto 2004, p. 315.
- Haute autorité de santé, [PDF] « Préparation à la naissance et à la parentalité (PNP) », novembre 2005, page 37
- (de) Mehdi Djalali, « Analyse von 130 haptonomisch begleiteten Geburten », The International journal of prenatal and perinatal psychology and medicine, Mattes, vol. 12, no 2, , p. 355-363 (ISSN 0943-5417, lire en ligne)
- Fédération Française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P), « Techniques de psychothérapie », (consulté le ).