Quatre jours après le début de l'invasion russe de l'Ukraine, le , la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'interdiction de diffusion des médias d'État russes Sputnik et RT (Russia Today), ce qui est rendu effectif le .
Annonce de la Commission Européenne
Le , Ursula von der Leyen, annonce sur Twitter l’interdiction des médias d’État russes Sputnik et RT : ces médias « ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine », explique alors la présidente de la Commission[1],[2]. Les réactions à cette interdiction sont peu nombreuses dans les médias[2]. Pour d'autres « Depuis l'invasion de l'Ukraine, les boucles Telegram jusqu'ici obsédées par le pass vaccinal ont un nouveau dada : reprendre les éléments de langage prorusses pour expliquer le conflit »[3],[4]. Le 1er mars, Thierry Breton, commissaire européen en charge de l’audiovisuel, confirme cette volonté de sanction en déclarant « Il n’y a pas de place pour la propagande de guerre russe dans notre espace informationnel » prônant ainsi une exclusion totale et inédite sur l'ensemble des supports (télévision, le satellite, le streaming, les applications, l’IPTV et les fournisseurs d’accès à Internet)[5]. Le 4 mars, la Commission européenne adresse un courrier pour une demande de déréférencement de « rt.com » et « sputniknews.com » aux principaux moteurs et aux réseaux sociaux (Google, Bing, Yahoo ou Qwant)[6]. La restriction est justifiée par les menaces à l’ordre et à la sécurité publics de l’Union. Néanmoins, l'imprécision d'identification des sites dans le texte officiel transfert la responsabilité des FAI à définir le périmètre de blocage en l'absence d'un acte législatif. Cette absence de liste officielle des noms de domaine à bloquer pouvant créer une insécurité juridictionnelle suscite des requêtes auprès des régulateurs dont l'ARCEP et du BEREC du fait que cette sanction est en contradiction avec le règlement Internet Ouvert[7]qui prévoit « qu'un opérateur ne peut procéder à un blocage de contenu que si ce dernier a été précisément désigné par un acte législatif, ou une décision de justice, ou une décision d'une autorité administrative indépendante respectant les droits fondamentaux de l'Union »[8].
Cour de justice européenne
La Cour de justice européenne est saisie en référé par RT France le [9]. Cependant, dans une ordonnance rendue le 30 mars 2022, la Cour de justice de l'Union européenne écarte la demande de RT France de lever l’interdiction de diffusion de ses contenus[10]. Les recours de la chaîne de télévision ne sont pas épuisés et c’est seulement la demande d’urgence qui est écartée[10]. Il y aura donc une décision au fond à venir[10].
Pour Xenia Fedorova, présidente de la chaîne RT France, cette interdiction est un « grand danger pour la liberté d'expression »[9]. Selon elle, la décision de bannir cette chaîne, dans laquelle travaille 176 salariés, dont plus de 100 journalistes accrédités, est une violation de l'État de droit et va à l’encontre des principes mêmes de la liberté d'expression[11].
Arrêt de la Cour
Le la justice européenne a rejeté la demande de la chaîne d'information RT d'annuler la suspension de sa diffusion intervenue le . Pour la cour européenne de justice, l'interdiction temporaire ne remet pas en cause la liberté d'expression en tant que telle comme l'affirme RT. La cour estime aussi que « les limitations à la liberté d’expression de RT France […] sont proportionnées, en ce qu’elles sont appropriées et nécessaires, aux buts recherchés », à savoir empêcher la « propagande » en faveur de « l’agression militaire de l’Ukraine par la Fédération de Russie » lors « d’émissions diffusées à la télévision et sur Internet par un média entièrement financé par l’État russe ». Par la voix du porte parole du Kremlin Dmitri Peskov, le gouvernement russe a réagi à cette décision en annonçant des prochaines contre mesures[12].
Plateforme Odysee
La plateforme américaine Odysee a continué jusqu'en octobre 2022 à diffuser les programmes de RT France en direct et en français[13]. Alerté par la presse et en particulier par un article diffusé sur le site de Radio France[13], le ministère de la Transition numérique français demande et obtient l'éviction des chaines RT France et Sputnik de la plateforme américaine de streaming[14].
Références
- ↑ Carla Monaco, « CheckNews - Sur quoi se base l’Union européenne pour interdire RT et Sputnik? », sur Libération,
- Sarah Heinderyckx, « Pourquoi les médias belges ont peu parlé de l’interdiction de Russia Today et Sputnik ? », sur RTBF,
- ↑ Alexandra Saviana, « "L'interdiction de RT France les a fait basculer" », sur L'Express,
- ↑ Philéas Authier, « l'Europe censure les médias pro-russes, une décision controversée », Radio télévision suisse,
- ↑ Julien Lausson, « Le bannissement numérique de RT et Sputnik fait craindre une surveillance généralisée », sur Numerama, (consulté le )
- ↑ Marc Rees, « Le courrier de la Commission européenne exigeant le bannissement numérique de RT et Sputnik », sur www.nextinpact.com, (consulté le )
- ↑ Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE), (lire en ligne)
- ↑ Marc Rees, « Blocage de RT et Sputnik : les opérateurs français en attente de consignes claires », sur www.nextinpact.com, (consulté le )
- Rédaction Marianne, « Guerre en Ukraine : RT France conteste son interdiction dans l'UE devant la justice européenne », sur Marianne,
- Julien Lausson, « RT reste bannie en France (pour l'instant) », sur Numerama,
- ↑ Catherine Boullay, « Xenia Fedorova: «L’interdiction de RT France est un précédent dangereux pour la liberté d’expression» », sur L'Opinion,
- ↑ R.V., Agence France-Presse, « La justice européenne confirme la suspension de Russia Today en France et de Sputnik », sur RTBF,
- Noémie Lair, « Malgré l'interdiction, RT France diffuse ses programmes en direct et en français via la plateforme Odysee », sur France Inter, (consulté le )
- ↑ Margaux Vulliet, « RT France et Sputnik évincés de la plateforme américaine Odysee », sur BFM TV, (consulté le )