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entre 1452 et 1466 |
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La Légende de la Vraie Croix (en italien Leggenda della Vera Croce) est un cycle de fresques situé dans le chœur de la chapelle Bacci de la basilique San Francesco d'Arezzo. L'œuvre est commencée en 1447 par Bicci di Lorenzo. À la mort de Bicci en 1452, la réalisation des fresques est confiée à Piero della Francesca. Il les exécute entre 1452 et 1466.
Historique des fresques
Une petite communauté de franciscains est fondée à Arezzo au début du XIIIe siècle après la visite de saint François d'Assise. Deux siècles après, la congrégation avait une imposante église, dont l'abside, reconstruit après un incendie, avait besoin d'une décoration. Les chapelles au nord et au sud avait été peintes, mais la Cappella Maggiore, louée à la famille Bacci, était restée sans décoration. À la suite des pressions des moines dans les années 1440, la famille vend des vignobles pour financer une campagne de peintures affresco. Le thème choisi était La Légende de la Vraie Croix, extraite de La Légende dorée de Jacques de Voragine.
La narration était prévue sur les murs nord et sud de la chapelle et sur le mur Est percé par une large fenêtre, avec des peintures sur l'arc triomphal et la voûte. L'ensemble composant un schéma de rédemption.
Initialement commencée en 1447 par Bicci di Lorenzo de Florence avec son atelier commence par la partie supérieure (les peintures affresco étaient toujours réalisées de haut en bas à cause des écoulements). Ils complètent le Jour du jugement figurant sur l'arc triomphal et les Quatre Évangiles de la voûte quand, en 1452, Bicci di Lorenzo meurt.
Les membres de son atelier continuent le travail avec la décoration des arcs de la voûte et les deux Pères de l’Église en dessous de celle-ci, puis ils quittent Arezzo. C'est seulement à ce moment que Piero della Francesca est appelé pour mener le projet à son terme. Il n'existe plus de documents qui précisent la date exacte de la commission, les sujets précis de la commande et la date d'achèvement des fresques. En 1466, on faisait référence aux fresques comme étant terminées[2]), mais on ne sait pas depuis combien de temps.
Piero a dévié du récit de la Légende dorée de deux façons : il a introduit le rencontre entre la reine de Saba et le roi Salomon et une Annonciation. En outre, il a donné beaucoup d'importance aux deux scènes de bataille où Constantin et Heraclius sont victorieux sur les infidèles. On peut interpréter ces scènes comme une allégorie portant sur les événements contemporains qui conduisent le pape Pie II, à partir de 1453, à planifier une croisade contre les Turcs.
À la fin du XXe siècle, les fresques avaient besoin d'une restauration. Après quinze années de recherches et d’études, ces restaurations, qui ont duré dix ans, ont été terminées en 2000. Elles ont été organisées par la surintendance d’Arezzo et financées par la Banca Etruria e del Lazio. Début 2016, une nouvelle intervention a été nécessaire ( - )[3].
Le récit dans La Légende dorée
L'inspiration des fresques est le récit[4] de l'invention de la Vraie Croix racontée dans La Légende dorée de Jacques de Voragine :
La Croix du rédempteur fut taillée dans le bois de l'arbre ayant poussé sur la tombe d'Adam. Or, cet arbre n'est autre que celui qui a poussé à partir d'une graine de l'Arbre de la Vie, semée dans la bouche d'Adam après sa mort par son fils Seth. C'est l'archange Michel qui l'a apportée à Seth depuis le paradis terrestre afin de permettre le rachat, par Jésus et sa crucifixion, du péché originel introduit dans le monde par le premier homme. L'arbre ayant poussé sur le tombeau d'Adam est alors abattu sur ordre du roi Salomon pour servir de bois d'œuvre. Il est affecté à un pont, celui de Siloé (Silwan). La reine de Saba, rendant visite à Salomon, s'agenouille devant cette poutre de bois, avec la prémonition qu'elle servira à fabriquer la croix de la passion de Jésus.
La reine aurait dit à Salomon que sur ce bois serait un jour attaché l'homme dont la mort mettrait fin au royaume des Juifs. Touché par cette prémonition, Salomon ordonne alors aux ouvriers de retirer le bois sacré du pont sur le Siloé et de l'enfouir profondément sous terre.
Les Romains trouvent la poutre flottant dans la piscine probatique et l'utilisent pour fabriquer les trois croix sur lesquelles Jésus et les deux larrons seront crucifiés. Après la mort du Christ les trois croix auraient été jetées dans un fossé, près des remparts de Jérusalem à quelques mètres du Golgotha.
Au IVe siècle, lors de la guerre intestine entre les prétendants pour le titre d’empereur, la veille de la bataille contre son rival Maxence, Constantin a une vision : s'il mène bataille sous la protection de la croix des chrétiens, il sera victorieux et par la suite devient chrétien.
Après sa victoire, sa mère, Hélène, fait le voyage à Jérusalem pour récupérer le bois miraculeux de la Vraie Croix. Elle assemble les sages de Jérusalem pour s'informer du lieu où elle est enfouie. Ces derniers désignent un juif nommé Judas, seul dépositaire du secret. Interrogé, Judas fait l'ignorant, si bien qu'Hélène le fait jeter dans une citerne sèche. Au bout de six jours de jeûne, il demande grâce et révèle l'emplacement : sous un temple dédié à Venus. Hélène ordonne que le temple soit rasé ; les trois croix sont trouvées et la Vraie Croix est identifiée parce qu'elle provoque la résurrection miraculeuse d'une jeune morte.
À la suite de cette découverte, Judas se serait converti au christianisme, aurait pris comme nom de baptême Quiriace (Cyriaque de Jérusalem ou Judas Cyriaque), serait devenu évêque de Jérusalem et serait mort martyr sous l'empereur Julien.
La Vraie Croix, devenue une source de miracles à Jérusalem, est volée au VIIe siècle par le roi perse, Chosroès II qui convoitait son pouvoir. L'empereur byzantin Héraclius la récupère lors d'une bataille sanglante et la restaure à sa place à Jérusalem.
L'ordonnance des fresques
La Légende de la Vraie Croix est une histoire longue, mais elle suit une chronologie simple. On aurait pu penser que les illustrations de la légende seraient comme les pages d'un livre, c'est-à-dire qu'on commencerait en haut, à gauche, et qu'on se déplacerait ensuite de gauche à droite et de haut en bas, niveau par niveau. Piero a choisi de relater la légende autrement.
Il a placé les scènes de la Genèse en haut à droite, et la peinture doit être lue dans l'ensemble de la droite vers la gauche. Les épisodes suivants sont placés au niveau médian et doivent être regardés de la gauche vers le droite. Ensuite le récit saute au niveau médiane du mur en face, puis progresse au premier niveau.
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Disposition des fresques sur les murs de la chapelle
- Mort d'Adam ; son fils Seth rencontre l'archange Michael.
- L'adoration du Bois sacré : la reine de Saba à genou devant l'arbre qui sera la Croix et sa rencontre avec le roi Salomon.
- L'enfouissement du Saint Bois.
- Le songe de Constantin.
- La victoire de Constantin sur Maxence à la Bataille du pont Milvius.
- La torture de Judas le juif.
- La découverte de la Croix par sainte Hélène, mère de Constantin, et la preuve formelle de la Vraie Croix.
- La bataille entre Héraclius et Chosroès.
- L'exaltation de la Croix.
- L'Annonciation à Marie.
- Le prophète Ézéchiel.
- Le prophète Isaïe ou Jérémie.
Par contre, la distribution des scènes sur les murs de la chapelle est parfaitement symétrique :
Sur les murs sud et nord :
- La partie supérieure : (1) La mort d'Adam et (9) L'Exaltation de la Croix. Les deux lunettes marquent le début et la fin de l'histoire.
- La section médiane, deux scènes de la vie royale : (2) La rencontre avec la reine de Saba et le roi Salomon et en face (7) Sainte Hélène et la preuve de la Vraie Croix. Ils expriment le pouvoir des femmes royales qui ont reçu une inspiration divine de reconnaître le Saint Bois.
- Dans la section inférieure, deux batailles : (5) La victoire de Constantin sur Maxence et (8) La victoire de Heraclius sur Chosrès. La première est une victoire sans effusion de sang contre des Romains sous la signe de la Croix et la deuxième une bataille victorieuse mais sanglante contre les infidèles pour récupérer la Vraie Croix.
Sur le mur est, de chaque côté de la fenêtre :
- (10) L'Annonciation et (4) Le songe de Constantin. L'Annonciation, qui ne fait pas partie de la légende de la vraie croix, est rajoutée par Piero pour faire pendant au rêve de Constantin. La première illustre la naissance du christianisme et la deuxième la naissance de la conquête de christianisme.
- (3) L'enfouissement du Sacré Bois et (6) La torture de Judas. Ils sont tous les deux une scène de genre. Ces fresques étaient peintes à partir des dessins de Piero par son assistant Giovanni da Piamonte.
- (11) Le prophète Ézéchiel et (12) Le prophète Isaïe ou Jérémie. Ces prophètes de l'Ancien Testament ont prédit la naissance de Jésus et le Messie.
La description des fresques
Épisode I : La mort d'Adam
Piero peint les quatre étapes de l'histoire avec un même paysage, qui est le paysage toscan autour d'Arezzo. La peinture doit être lue de la droite vers la gauche.
- Sur la droite, Adam, moribond, assis à même le sol, nu et sec comme un vieillard de 939 ans qu'il est selon la Genèse, est entouré par sa femme Ève et ses enfants. Il envoie Seth, son troisième fils, aux portes du Paradis pour obtenir de l’archange Michel l’huile de la miséricorde qui ramène à la vie.
- À l'arrière-plan, en petit, la rencontre entre Seth et l'archange Michel ne se passe pas comme prévu. Ce dernier refuse l’huile mais remet un rameau ou un grain de l’Arbre de Vie, avec ordre de le mettre dans la bouche d'Adam après sa mort pour racheter le péché originel.
- Toute la partie gauche est réservée à l'enterrement d'Adam en présence de sa famille.
- La dépouille d'Adam est peinte en raccourci.
- Derrière lui, agenouillé, on devine (dans un manque non encore restauré) Seth plantant le rameau de l’Arbre de Vie.
- Derrière eux, Ève, bouche, yeux et bras grand ouverts, est enlaidie par son désespoir.
- Après l'enterrement d'Adam, au centre de la fresque, l'arbre rejaillit de sa bouche et son âme est sauvée.
Avec le temps, l'arbre est oublié, jusqu'au moment où le roi Salomon construit le Grand Temple de Jérusalem. L'arbre serait utilisé pour construire un pont sur la rivière Siloé.
Épisode II : La reine de Saba et le roi Salomon
La reine de Saba, lors de son voyage pour voir le roi Salomon et pour entendre ses paroles de sagesse, va traverser le pont, quand par un miracle elle apprend que le Sauveur sera crucifié sur ce bois. Elle se met à genoux dans une adoration dévote. Quand Salomon découvre le message divin reçu par la reine de Saba, il commande que le pont soit enlevé et que le bois, qui causera la fin du royaume des Juifs, soit enterré.
Cette peinture doit être lue de la gauche vers la droite. Les deux épisodes sont représentés sur la même fresque, séparés par la colonne du palais royal. Cet élément architectural est le centre de la composition et le point de fuite pour l'ensemble de la fresque. Il est possible qu'elle ait aussi un sens symbolique, comme dans les scènes de l'Annonciation, où la colonne qui sépare l'ange annonciateur et Marie représente le Christ : Columna est Christus. Ici c'est la reine qui fait une annonce concernant le Christ à Salomon.
L'épisode sur la gauche, l'Adoration du Bois sacré, est tirée de la Légende dorée, alors que celui de droite, la rencontre entre Salomon et la reine de Saba, est un élément iconographique ajouté par Piero.
- Adoration du Bois Sacré : Derrière la reine de Saba, à genoux, se trouve sa suite des dames de cour, avec des coiffures hautes, les fronts dégagés et de longues capes de velours, selon la mode du XVe siècle. La régularité de la composition est soulignée par les deux arbres à l'arrière-plan, dont les feuilles abritent et protègent le groupe des femmes et les serviteurs qui tiennent les chevaux.
- Dans sa composition, Piero porte une attention constante à la régularité des proportions et aux détails de la perspective.
- Rencontre entre Salomon et la reine : la scène a lieu dans un contexte architectural très ordonné. Même les trois dames, debout derrière la reine, sont placées de manière à former comme une abside ouverte. Le sens de profondeur des personnages qui sont témoins de la rencontre est obtenu en les plaçant sur des plans différents et avec une attention accrue de l'utilisation de la perspective et de la couleur.
Épisode III : Enfouissement du Saint Bois
Cette fresque a été peinte par Giovanni da Piamonte, assistant de Piero[2], qui suivait les dessins et la conception de Piero, mais sa technique picturale est nettement inférieure à celle de son maître.
Suivant les ordres du roi Salomon, trois ouvriers poussent le Bois Sacré, qui a la forme d'une grosse planche, dans un plan d'eau. L'enfouissement de ce morceau de bois est essentiel pour la continuité de la légende de la Vraie Croix, car il établit le lien entre l'Ancien et Nouveau Testament. Ils tentent de cacher le bois pour toujours, mais sans succès. Car, des siècles plus tard, le bois remontera à la surface de ce plan d'eau, connu comme la piscine probatique où, parfois, des malades étaient miraculeusement guéris et ce bois sera utilisé pour fabriquer les croix de Jésus et des deux larrons.
La fresque :
- le ciel couvre la moitié de la surface de la fresque. Les nuages blancs semblent comme incrustés dans l'étendue de bleu ;
- les trois hommes sont assez lourdement dessinés, leurs vêtements ont des plis un peu rigides et leurs cheveux sont peints sommairement ;
- le premier homme tient la poutre entre les mains et la porte sur l'épaule. Dans l'effort de porter ce fardeau, ses vêtements se sont dérangés au point qu'il expose une partie de ses organes génitaux.
- Sur la planche, au-dessus de la tête, on voit un nœud dont la veine du bois dessine une auréole elliptique, qui apparaît comme une préfiguration du Christ sur le chemin du Calvaire ;
- le deuxième homme, se mordant la lèvre avec l'effort, pousse la poutre avec un bâton. Est-ce que ce bâton est une prémonition de la lance du soldat romain qui percera la poitrine de Jésus ?
- le troisième homme pousse la poutre avec ses mains. Sa particularité est qu'il porte à la tête une couronne faite de feuilles et de lianes. Peut-être encore une préfiguration de la couronne d'épines portait par Jésus lors de sa crucifixion ?
La conception de la fresque conçue par Piero encapsule tous ces évènements futurs dans une scène de genre de trois ouvriers qui ne savent rien des implications de leur mission.
Épisode IV : Le Songe de Constantin
Trois siècles après la Crucifixion, au cours d'une guerre intestine entre sept rivaux pour le titre d’empereur de Rome, dans la nuit du 27 au a lieu la bataille du pont Milvius entre Constantin et Maxence.
Selon Eusèbe de Césarée dans sa Vie de Constantin (1:27-32), la veille de la bataille, Constantin voit dans un rêve un chrisme dans le ciel, et entend une voix disant In hoc signo vinces, c'est-à-dire « Par ce signe, tu vaincras ».
Constantin mène bataille en brandissant une croix et il est victorieux. Dorénavant, il se convertit au christianisme et substitue le chrisme à l'emblème de l'aigle romaine sur les étendards des légions.
Cet évènement est regardé comme le moment crucial pour l’établissement de la religion chrétienne dans l'empire romain.
La fresque :
- Sous sa grande tente, le futur Empereur Constantin est endormi.
- Assis sur un banc baigné de lumière, un soldat veille sur lui, le regard rêveur tourné vers le spectateur, comme s'il nous tenait une conversation silencieuse. Avec une audace inouïe, qui semble presque à anticiper sur la modernité du Caravage dans l'utilisation de la lumière, les deux sentinelles à l'avant-plan se détachent de l'obscurité, éclairées seulement par la lumière projetée de l'ange au-dessus.
- Cette fresque a été peinte dans la deuxième partie des travaux, après que Piero fut entré en contact avec la culture flamande et avec Rome, avec comme résultat que le peintre a développé un sens de la lumière encore plus forte. Le Songe de Constantin est l'une des scènes de nuit les plus convaincantes jamais peintes dans l'art européen et restée presque inégalée en termes d'effets dramatiques, jusqu'à l'époque du Caravage.
Épisode V : Victoire de Constantin sur Maxence à la bataille du pont Milvius
Dans cette composition, Piero a réussi à reproduire, grâce à une utilisation très raffinée de couleurs vives, tous les aspects visuels de la réalité, même les plus fugaces et immatériels. Ainsi, la réflexion de la lumière sur les armures, l'ombre des sabots des chevaux sur le sol, et surtout la grande ouverture sur le ciel avec ses nuages ballottés par le vent, le tout avec un respect total des règles de la perspective linéaire. Au-delà du sens symbolique de la bataille, sans effusion de sang, entre Constantin et Maxence, la scène ressemble plutôt à une parade militaire, les personnages se déplaçant tous de gauche à droite. Mais les chevaux qui cabrent, les soldats qui crient sont figés dans leur action ; c'est comme si Piero avait fait une photographie instantanée de la bataille.
Constantin et son armée : la cavalerie, arrivant de la gauche, est surmontée par son drapeau portant l'aigle impérial. À sa tête, se place Constantin, sur un cheval blanc dont le corps a disparu. Il brandit devant lui une petite croix, à l'origine en or, le talisman de la foi, le pouvoir et la victoire. La tête, vue de profil, porte un chapeau byzantin contemporain. C'est un portrait de Jean VIII Paléologue qui, à l'époque de la peinture, mène une croisade contre les Turcs pour récupérer Constantinople.
La déroute de Maxence : la partie droite de la fresque a beaucoup souffert avec le temps. L'armée de Maxence a été placée dans un paysage toscan, près de la source du Tibre. On voit des grandes maisons, des reflets dans l'eau, même des canards qui flottent sur la surface. Donc la bataille a été relocalisée près d'Arezzo au lieu de Rome. Les forces de Maxence sont en fuite. De Maxence lui-même, il ne reste que le sommet de son chapeau, qui est de la même forme que celui de Constantin, mais de couleur noire. En tant que perdant, il est identifié par son drapeau, qui porte un basilic, symbole maléfique.
Épisode VI : La torture de Judas le juif
Après la victoire de Constantin et sa conversion, sa mère, Hélène, se convertit aussi. Elle fait le voyage à Jérusalem pour récupérer le Saint Bois qui a donné la victoire de son fils.
Le récit de la Légende Dorée : Arrivée à Jérusalem, Hélène fit mander devant elle tous les savants juifs de la région. Et ceux-ci, effrayés, se disaient l’un à l’autre : « Pour quel motif la reine peut-elle bien nous avoir convoqués ? »
Alors l’un d’eux, nommé Judas, dit : « Je sais qu’elle veut apprendre de nous où se trouve le bois de la croix sur laquelle a été crucifié Jésus. Or mon aïeul Zachée a dit à mon père Simon, qui me l’a répété en mourant : "Mon fils, quand on t’interrogera sur la croix de Jésus, ne manque pas à révéler où elle se trouve, faute de quoi on te fera subir mille tourments ; et cependant ce jour-là sera la fin du règne des Juifs, et ceux-là régneront désormais qui adoreront la croix, car l’homme qu’on a crucifié était le Fils de Dieu !" Et j’ai dit à mon père : "Mon père, si nos aïeux ont su que Jésus était le fils de Dieu, pourquoi l’ont-ils crucifié ?" Et mon père m’a répondu : "Le Seigneur sait que mon père Zachée s’est toujours refusé à approuver leur conduite. Ce sont les Pharisiens qui ont fait crucifier Jésus, parce qu’il dénonçait leurs vices. Et Jésus est ressuscité le troisième jour, et est monté au ciel en présence de ses disciples. Et mon oncle Étienne a cru en lui ; ce pourquoi les Juifs, dans leur folie, l’ont lapidé. Vois donc, mon fils, à ne jamais blasphémer Jésus ni ses disciples. »
Ainsi parla Judas ; et les Juifs lui dirent : « Jamais nous n’avons entendu rien de pareil. » Mais lorsqu’ils se trouvèrent devant la reine, et que celle-ci leur demanda en quel lieu Jésus avait été crucifié, tous refusèrent de la renseigner si bien qu’elle ordonna qu’ils fussent jetés au feu. Alors les Juifs, épouvantés, lui désignèrent Judas, en disant : « Princesse, cet homme-ci, fils d’un prophète, sait toutes choses mieux que nous, et te révélera ce que tu veux connaître ! »
Alors la reine les congédia tous à l’exception de Judas, à qui elle dit : « Choisis entre la vie et la mort ! Si tu veux vivre, indique-moi le lieu qu’on appelle Golgotha, et dis-moi où je pourrai découvrir la croix du Christ ! » Judas lui répondit : « Comment le saurais-je puisque deux cents ans se sont écoulés depuis lors, et qu’à ce moment, je n’étais pas né ? » Et la reine : « Je te ferai mourir de faim, si tu ne veux pas me dire la vérité ! » Sur quoi, elle fit jeter Judas dans un puits à sec, et défendit qu’on lui donnât aucune nourriture.
Le septième jour, Judas, épuisé par la faim, demanda à sortir du puits, promettant de révéler où était la croix.
Épisode VII : Découverte de la Vraie Croix
Quand Judas arrivait à l’endroit où la Croix était cachée, il sentit dans l’air un merveilleux parfum d’aromates, de telle sorte qu'il s’écria : « En vérité, Jésus, tu es le sauveur du monde ! »
Or, il y avait en ce lieu un temple de Vénus qu’avait fait construire l’empereur Hadrien, de façon que quiconque y viendrait adorer le Christ parût en même temps adorer Vénus. Et, pour ce motif, les chrétiens avaient cessé de fréquenter ce lieu. Mais Hélène fit raser le temple ; après quoi, Judas commença lui-même à fouiller le sol et découvrit, à vingt pas sous terre, trois croix qu’il fit aussitôt porter à la reine.
Il restait seulement à connaître celle de ces croix où avait été attaché le Christ. On les posa toutes trois sur une grande place, et Judas, voyant passer le cadavre d’un jeune homme qu’on allait enterrer, arrêta le cortège, et mit sur le cadavre l’une des croix, puis une autre. Le cadavre restait toujours immobile. Alors Judas mit sur lui la troisième croix ; et aussitôt le mort revint à la vie.
Par ordre d'Hélène et de Constantin, l'église du Saint-Sépulcre fut bâtie sur le lieu de la découverte. L'église, conservant une portion de la Croix[6], fut consacrée neuf ans plus tard.
Il s'agit de l'une des plus complexes et monumentales compositions de Piero. Deux scènes sont représentées sur la fresque :
- à gauche, la découverte des trois croix dans un champ labouré, à l'extérieur des remparts de la ville de Jérusalem ;
- à droite, dans les rues de la ville, l'épisode qui donne la preuve qu'il s'agit bien de la Vraie Croix.
Piero parvient à représenter aussi bien le simple monde de la campagne, la sophistication de la cour et la structure urbaine de villes comme Florence ou Arezzo. Les paysages sont clairement ceux de la Toscane, Arezzo figurant Jérusalem, collines, végétation...
La scène sur la gauche est composée comme une scène de travail dans les champs. Les gestes solennels, immobilisés dans le rituel du labeur des hommes au travail, sont portés à la dimension de l'héroïsme épique.
- À l'extrême gauche, on voit Hélène, accompagnée par son nain. Judas lui indique les croix qu'il vient de trouver.
- À l'arrière plan, au-dessus des collines, censées représenter le Mont des Oliviers, et baignées dans une douce lumière d'après-midi, Piero a représenté la ville de Jérusalem. C'est en fait l'une des vues les plus inoubliables d'Arezzo, reconnaissable à ses murs, à la variété de ses bâtiments, à la couleur de la pierre grise et des briques rouges.
À droite, au-dessous du temple de Minerve, avec une façade en marbre de différentes couleurs, se tient l'impératrice Hélène et son cortège. Touché par le bois sacré, un homme est ressuscité. La Croix inclinée, le buste du ressuscité de profil, le demi-cercle créé par les dames du cortège d'Hélène et même les ombres sur le sol, chaque élément est soigneusement étudié afin de construire une profondeur de l'espace.
En l'année 615, les Perses dirigés par Chosroès attaquent Jérusalem, volent le bois de la Vraie Croix et l'établissent comme objet de culte. Les soldats de l'empereur d'Orient font la guerre au roi Chosroès, battent les Persans et reviennent vers Jérusalem avec la sainte croix. En réalité, il y eut une série de batailles et Chosroès ne fut définitivement vaincu qu'en 628 par l'empereur d'Orient Héraclius.
La bataille est représentée comme une spectaculaire mêlée humaine avec du sang qui coule, des flèches qui volent, des hommes transpercés par épée ou par lance et des têtes tranchées. Dans la partie haute de la fresque, les oriflammes et étendards des troupes chrétiennes victorieuses font face à ceux de l’ennemi avec des décorations mauresques ou croissant de lune, en lambeaux.
Les guerriers des deux côtés portent des armures de toutes les époques : des cuirasses romaines, des tuniques simples, jusqu'à des cottes de maille et acier poli de la Renaissance, qui réfléchissent la vraie lumière en provenance de la fenêtre dans le mur est de la chapelle.
À droite de la fresque, Héraclius égorge le fils de Chosroès, qui semble cracher la croix dans son dernier soupir.
Plus à droite, la Vraie Croix fait partie du blasphématoire tabernacle trinitaire que Chosroès avait érigé. Il se prenait pour Dieu, assis sur une trône central ; la Croix à sa droite représentait le Fils et le coq, sur une colonne à sa gauche, représentait l'Esprit-Saint.
Après sa défaite, Chosroès refuse le baptême et il est à genou en attendant la glaive de son bourreau qui va le décapiter. Autour de lui, ses juges ont les traits des membres de la famille Bacci, commanditaires des fresques.
En montrant Chosroès avec le visage de Dieu le Père, qui se trouve sur la fresque adjacent de l'Annonciation, Piero a peut-être voulu souligner son comportement blasphématoire.
La fresque rassemble deux moments successifs du récit : défaite puis décapitation de Chosroès. Son intérêt réside surtout dans le sentiment humaniste qui s'y fait jour. Le mouvement des lances, agité par le Trecento et analysé par Uccello, est ici « fixé » dans sa violence. La confusion ne s'éclaircit relativement que dans la forme des casques : l'homme qui met à mort Chosroès porte le même casque que celui qui tue souverainement l'extrême soldat de la frise, le même que le cavalier à la lance pointée du centre, le même que le soldat victorieux à pied, et le même enfin que l'homme de trois quarts sur la partie gauche. Un parcours victorieux se glisse subrepticement dans l'œuvre, mais l'anecdote ou la réalité ponctuelle s'efface devant la dimension éternelle de l'histoire humaine : la succession dramatique des faits s'annule devant une universalité figurée sans doute par ce « tumulte objectif », instaurant un espace immuable[7].
Épisode IX - Exaltation de la Sainte-Croix
L'exaltation de la Sainte-Croix est le dernier épisode du cycle, face à La mort d'Adam.
On voit l'empereur d'Orient Héraclius qui a récupéré la Sainte-Croix, plein de retenue. La puissance divine commande à Héraclius de ne pas faire une entrée triomphale à Jérusalem.
Ainsi Héraclius, renonçant à la splendeur et à la magnificence, entre dans la ville en portant la croix suivant l'exemple de Jésus Christ.
Les nobles orientaux, qui l'attendent, portent de splendides chapeaux grecs.
L'intérêt que porte Piero à ces immenses chapeaux cylindriques ou de forme pyramidale, répond aux mêmes motivations qui avaient conduit Paolo Uccello à se concentrer sur la complexité des armures des guerriers : l'étude de formes et de la perspective. Dans son livre De prospectiva pingendi, Piero donne des exercices pour représenter les tores et cylindres évasés qui constituent ces chapeaux.
Les couleurs des vêtements sont très animées. Dans le milieu de la lumière et sous le ciel bleu, ils varient d'un bleu pâle au violet, de vert-bouteille de blanc perle. Cette scène est une confirmation que Piero souhaite représenter une humanité idéale, saine et solide, avec une expression pacifique, caractérisée par le calme, des gestes mesurés.
Épisode X : L'Annonciation
Piero a ajouté cette Annonciation au cycle de la Légende dorée, peut-être pour équilibrer la symbolique avec le songe de Constantin ; l'Annonciation marquerait le début du christianisme et le songe de Constantin le début de la conquête du christianisme.
L'iconographie de l'Annonciation est bien établie. Elle doit montrer :
- Les protagonistes : archange Gabriel et Marie, de part et d'autre ; soit Dieu le père (comme ici), soit l'Esprit-Saint, (représenté par une colombe dans le ciel) assistant à la scène.
- Marie porte un livre, symbolisant l'Incarnation du Verbe.
- La virginité éternelle de Marie doit être symbolisée.
- L'annonce se passe dans un jardin clos ou devant une porte fermée (l'hortus conclusus), à la suite de la prophétie d’Ézéchiel (44:2).
- Une colonne doit être interposée entre l'ange et Marie, symbolisant la présence du Christ (Christus est columna).
Piero a créé une composition en quatre parties.
- Dieu le Père, sur des nuages en haut, à gauche, émet une gloire de ses mains (l'or pour la gloire était ajouté à la fresque quand le plâtre était sec ; aujourd'hui il ne reste que des traces).
- Au même moment, l'ange Gabriel arrive devant la maison de Marie. Il est devant une porte, décorée avec des sculptures complexes, qui est fermée.
- Il tend à Marie, non pas une fleur de lys, mais un fronde de palmier, qui n'annonce pas seulement l'incarnation du Christ, mais aussi la compassion de Marie, car le palmier symbolise la clef du Paradis, perdue quand Ève a commis le péché originel et retrouvée à la mort de Marie. C'est également une palme que l'ange présente à Marie dans l'Annonciation faite par Spinello Aretino dans la même église.
- L'architecture classique de la maison de Marie est présente avec l'élégante colonne au centre. Le point de fuite n'est pourtant pas situé derrière la colonne, mais placé à droite, derrière la Vierge.
- Piero a peint Marie, qui tient à la main un livre, comme un personnage très grand, presque aussi grand que la colonne, et est un symbole de l’Église. Son expression et grâce sont pleines d'humanité.
- La maison, la Casa Santa, est de style classique, avec des murs incrustés de marbre. Derrière Marie, à travers une porte ouverte, on aperçoit son thalamus ou lit nuptial, qui fait référence au mariage du Christ et l'Ecclésia, qui a lieu avec cette Annonciation.
- Dans le quart supérieur de la fresque, qui est très pauvre en images par rapport aux trois autres, figure la dernière référence iconographique qui manque. On voit une tringle à rideau avec une corde attachée et suspendue à la corde un anneau. Un peu plus bas, on peut apercevoir l'ombre de la tringle projetée sur le mur et cette ombre semble pénétrer l'anneau. C'est un symbole pour évoquer la virginité perpétuelle de Marie et sa fécondation par le Saint-Esprit. Piero utilise aussi ce type d'imagerie métaphorique dans le fronton du Polyptyque de Sant'Antonio.
Épisodes XI, XII : les deux prophètes
Malgré leur jeune âge et le fait d'être imberbe, les deux personnages représentent des prophètes de l'Ancien Testament qui ont prédit l’avènement du Christ. Cependant, leurs identités ne sont pas désignées explicitement.
« Et l'Éternel me dit : Cette porte sera fermée, elle ne s'ouvrira point, et personne n'y passera ; car l'Éternel, le Dieu d'Israël, est entré par là. Elle restera fermée. »
- Ses paroles étaient interprétées comme une description de l'arrivée du Messie et de la virginité éternelle de Marie, à qui était donnée l'épithète Porta Clausa. La localisation du personnage, au-dessus de la scène de l'Annonciation, et la porte fermée que l'on voit aident dans l’identification.
- Le prophète à droite : le jeune homme tient une banderole, qui a été laissée sans texte.
« Voilà pourquoi c’est le Seigneur lui-même qui vous donnera un signe : la vierge sera enceinte, elle mettra au monde un fils et l’appellera Emmanuel.. »
- Une autre suggestion est qu'il s'agit de Jérémie, car Jérémie prophétisait (Jérémie 23:5[10]) l’avènement du Messie :
« Voici, les jours viennent, dit l'Éternel, Où je susciterai à David un germe juste; Il régnera en roi et prospérera, Il pratiquera la justice et l'équité dans le pays. »
Fragments
-
Saint Louis
Aux murs de l'arc triomphal, se trouvent des fragments de fresques : un ange, un Cupidon, Saint Louis (actuellement au Musée Civico de Sansepolcro)...
Bibliographie
- Daniel Arasse, L'Homme en perspective - Les primitifs d'Italie, Paris, Hazan, , 336 p. (ISBN 978-2-7541-0272-8).
- (en) Roberto Longhi (trad. de l'italien par David Tabbat, préf. Keith Christiansen), Piero della Francesca, Stanley Moss - Sheep Meadow, , 3e éd. (1re éd. 1927), 386 p. (ISBN 978-1-878818-77-5).
- Lionello Venturi, Piero della Francesca, Skira, coll. « Le Goût de notre temps » (no 6), , 127 p..
- (en) Piero Bianconi, All the paintings of Piero della Francesca, Londres, Oldbourn, coll. « The Complete Library of World Art » (no 5), , 84 p..
- Flaminio Gualdoni, Piero della Francesca, La Légende de la Croix, Paris, Atlas, coll. « Passeport de l'art », .
- Carlo Bertelli, Anna Maria Maetzke et Marilyn Aronberg Lavin, Piero della Francesca : la Légende de la vraie croix à San Francesco d'Arezzo, Paris, Skira/Seuil, coll. « Grands livres Skira », , 269 p. (ISBN 978-88-8491-024-0).
Notes et références
- (en) M. Lavin, « Piero della Francesca On-line : Story of the True Cross », sur Museums and the Web 2009
- (en) Carl Brandon Strehlke, « The Piero Exhibitions. Urbino, Monterchi, Sansepolcro and Florence », Burlington Magazine, vol. 134, no 1077, , p. 821-824 (JSTOR 885368).
- (it) Redazione, « Arezzo. Restaurato il ciclo della "Leggenda della vera croce" di Piero della Francesca », sur artemagazine.it (consulté le ).
- Jacques de Voragine (trad. Théodore de Wyzewa), « L'Invention de la Sainte Croix », dans La Légende dorée, Perrin et Cie, (lire sur Wikisource)
- (en) « Piero della Francesca : La légende de la Vraie Croix », sur Travelling in Tuscany
- Un tiers des restes de la Croix demeura à Jérusalem, un autre tiers fut envoyé à Rome et déposé à la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem et un dernier tiers fut envoyé à Constantinople
- Arasse, p. 242-243.
- « Livre d’Ézéchiel », sur Info-Bible
- « Livre d'Isaïe », sur Top Bible
- « Livre de Jérémie », sur Bible Gateway
Voir aussi
Articles connexes
- Articles consacrés à certaines scènes de la fresque :
- Giorgio Vasari (originaire d'Arezzo) cite cette œuvre dans le détail de ses biographies des peintres de son temps Le Vite.
Liens externes
- La Légende dorée, « L’Invention de la Sainte Croix » sur Wikisource
- Pages du site officiel de la Soprintendenza per i Beni Architettonici, Paesaggistici, Storici, Artistici ed Etnoantropologici di Arezzo
- (it) Annamaria Maetzke, « Il restauro della leggenda della Vera Croce », sur repubblica.it (consulté le )