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Commanditaire | |
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Technique | |
Dimensions (H × L) |
248 × 321 cm |
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No d’inventaire |
4797 |
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La Chasse à l'hippopotame et au crocodile est un tableau de Pierre Paul Rubens réalisé vers 1615. Il représente deux chiens de chasse, deux hommes torse nu et des cavaliers habillés à l'orientale s'attaquant à un hippopotame et un crocodile.
La composition reprend celle de La Bataille d'Anghiari par Léonard de Vinci. Eugène Delacroix a commenté très favorablement ce tableau.
Contexte
Rubens dans les années 1615
Né à Siegen en 1577, Pierre Paul Rubens a eu une influence considérable dans l'art européen du XVIIe siècle, considéré comme l'instigateur avec Rembrandt du style baroque[1],[2]. En 1587, il entre en formation dans l'atelier anversois d'Adam van Noort[3]. De 1600 à 1608[3], Rubens part en Italie où il reçoit l'influence des peintres italiens de la Renaissance, notamment de Titien, Le Tintoret, Le Caravage et Michel-Ange[4], mais également de Giulio Romano[2].
Rubens retourne et travaille dans son propre atelier d'Anvers de la fin de l'année 1608[3] à 1621[2],[4]. Dans les années 1610 et 1620, époque correspondant à la mise en œuvre de La Chasse au tigre, l'art de Rubens est imprégné de thèmes dramatiques et passionnels[2]. Dès son retour d'Italie, deux séries de tableaux peuvent être distinguées : la première se caractérise par un échelonnement des personnages en profondeur, comme dans La Défaite de Sennacherib, alors que dans la seconde, la majorité des figures sont placées au premier plan, comme La Chasse au tigre[5]. Le style de Rubens, antérieurement plus influencé par Le Caravage et Michel-Ange, devient plus classique, avec une structure harmonieuse, des personnages plus sculpturaux et des couleurs saturées, marqués par des œuvres comme La Descente de Croix de la cathédrale Notre-Dame d'Anvers[4].
Le thème de la chasse
Le thème de la chasse est très populaire du milieu du XVIe siècle[6] jusqu'au XVIIIe siècle[7]. Il est très proche de celui des batailles, également fréquent à cette époque[8]. Ces deux thèmes sont très présents dans l’œuvre de Rubens[8],[9], qui est considéré comme l'un des artistes ayant renouvelé ce genre[10] sous-exploité depuis la Renaissance[11].
Entre 1616 et 1621, Rubens peint une succession de scènes de chasse extrêmement dynamiques, dont la technique et la composition s'améliorent de tableaux en tableaux. Cette première période créative commence par La Chasse au loup et au renard pour culminer par La Chasse au lion de l'Alte Pinakothek. Selon Arnout Balis, les œuvres ultérieures sont plus formelles et routinières[12], jusqu'à la seconde période créative qui s'étale de la fin des années 1620 à 1640[13].
Les tableaux de la première période montrent que Rubens a volontairement utilisé les codes des peintres de cour, en glorifiant la noblesse[11]. En effet, la chasse est un symbole de ce statut social, puisqu'il sous-entend la possession d'importants terrains[10]. C'est également une véritable passion pour de nombreux souverains d'Europe. Rubens est tout à fait conscient de l'intérêt suscité par ses peintures de chasse et a compris leur potentiel de vente auprès des classes dirigeantes. Toutefois, la créativité exprimée ne s'explique pas totalement par un but purement mercantile[12].
Historique
La commande
La Chasse à l'hippopotame et au crocodile fait partie d'un ensemble décoratif de quatre tableaux avec La Chasse au tigre, La Chasse au sanglier et La Chasse au lion commandés par le prince-électeur Maximilien Ier de Bavière[7],[6] entre 1615 et 1616[14].
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La Chasse au tigre
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La Chasse au sanglier
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La Chasse au lion - réplique
Un paiement de 1 400 florins de la cour de Munich en 1619 pour des peintures d'Anvers pourrait être relié aux toiles de la suite décorative de Maximilien de Bavière[15].
Les quatre chasses ont vraisemblablement été peintes peu de temps après La Chasse au loup et au renard. Maximilien de Bavière connait probablement ce tableau grâce à ses contacts à la cour de l'archiduché de Bruxelles. On ignore si les sujets de ces quatre tableaux ont été suggérés par le commanditaire ou par Rubens lui-même[12]. Arnout Balis suggère que Rubens a pu peindre de sa propre initiative certains tableaux de l'ensemble décoratif, puis recevoir des directives spécifiques des représentants de Maximilien de Bavière[15].
L'ensemble des quatre tableaux est exposé dans l’Altes Schloss du château de Schleissheim, dont la décoration est dominée par les thèmes agricoles et pastoraux[12]. En 1637, la série de quatre tableaux est bien inventoriée au château[16], partagé entre l'Abclaidtzimer (le vestiaire) et le Taflzimer (la salle à manger)[15]. Au cours du XVIIIe siècle, l'ensemble décoratif est transféré au Neues Schloss[15].
Dispersion de l'ensemble décoratif
Le 12 fructidor an VIII (), ces quatre tableaux sont envoyés par Étienne Neveu depuis Munich parmi 72 œuvres[14],[15]. Une lettre du 27 fructidor an VIII () signée par Napoléon Bonaparte signale qu'il s'agit de dons et que les quatre tableaux sont « un témoignage de l'estime qu'inspire le gouvernement »[17]. Considérés comme des copies de Rubens, les quatre tableaux arrivent le 18 brumaire an IX () au musée central des Arts, actuellement musée du Louvre[17], où ils seront exposés brièvement[14]. En 1811, La Chasse au tigre est envoyée au musée des beaux-arts de Rennes[14], lors du 2e envoi du musée des Arts de Paris[17].
Les tableaux sont dispersés : La Chasse au sanglier au musée des beaux-arts de Marseille[18],[19], La Chasse à l'hippopotame et au crocodile à l'Alte Pinakothek à Munich, La Chasse au tigre au musée des beaux-arts de Rennes[14], La Chasse au lion à Bordeaux. La Chasse au lion est détruite lors d'un incendie en 1870, et seule une réplique d'une collection privée anglaise est parvenue jusqu'à nous[8]. La Chasse à l'hippopotame et au crocodile est la seule retournée en Allemagne. Les trois autres tableaux de l'ensemble de Schleissheim n'ont jamais été réclamés après les guerres napoléoniennes[20].
Popularité
Les quatre scènes de chasse de Maximilien de Bavière sont considérées comme les meilleurs exemples de l'habileté de Rubens à dépeindre des animaux sauvages dans des postures héroïques[21]. La Chasse à l'hippopotame et au crocodile est commenté par Eugène Delacroix dans son Journal le . Il juge l’œuvre de meilleure qualité que La Chasse au lion, également présentée à l'Alte Pinakothek[22].
« Au contraire, dans la Chasse à l’hippopotame, les détails n’offrent point le même effort d’imagination ; on voit sur le devant un crocodile qui doit être assurément dans la peinture un chef-d’œuvre d’exécution ; mais son action eût pu être plus intéressante. L’hippopotame, qui est le héros de l’action, est une bête informe qu’aucune exécution ne pourrait rendre supportable. L’action des chiens qui s’élancent est très énergique, mais Rubens a répété souvent cette intention. Sur la description, ce tableau semblera de tout point inférieur au précédent ; cependant, par la manière dont les groupes sont disposés, ou plutôt du seul et unique groupe qui forme le tableau tout entier, l’imagination reçoit un choc, qui se renouvelle toutes les fois qu’on y jette les yeux, de même que, dans la Chasse aux lions, elle est toujours jetée dans la même incertitude par la dispersion de la lumière et l’incertitude des lignes.
Dans la Chasse à l’hippopotame, le monstre amphibie occupe le centre ; cavaliers, chevaux, chiens, tous se précipitent sur lui avec fureur. La composition offre à peu près la disposition d’une croix de Saint-André, avec l’hippopotame au milieu. L’homme renversé à terre et étendu dans les roseaux sous les pattes du crocodile, prolonge par en bas une ligne de lumière qui empêche la composition d’avoir trop d’importance dans la partie supérieure, et ce qui est d’un effet incomparable, c’est cette grande partie du ciel qui encadre le tout de deux côtés, surtout dans la partie gauche qui est entièrement nue, et donne à l’ensemble, par la simplicité de ce contraste, un mouvement, une variété, et en même temps une unité incomparables. »
Analyse
Lors de son voyage en Italie, Rubens découvre des copies et une estampe de La Bataille d'Anghiari célèbre fresque de Léonard de Vinci, peinte au Palazzo Vecchio à Florence et déjà disparue à l'époque de Rubens[7]. L'artiste en fait au moins deux dessins[8]. Les gravures de chasse du graveur flamand Philippe Galle (1537-1612) sont également une source d'influence[8].
Les scènes de chasse de Rubens sont des toiles de grande taille, et il est possible que des membres de son atelier aient largement contribué à la réalisation de ses œuvres, notamment Van Dyck et Soutman, ses assistants[24]. Frans Snyders a contribué à l'ensemble des quatre scènes de chasse de Schleissheim[25].
Notes et références
- Alexis Merle du Bourg, Peter Paul Rubens et la France, 1600-1640, Presses universitaires Septentrion, coll. « Histoire de l'art », , 255 p. (ISBN 978-2-85939-827-9, lire en ligne)
- Victoria Charles et Klaus Carl, L'Art baroque, Parkstone International, coll. « Art of Century », , 200 p. (ISBN 978-1-78042-773-7, lire en ligne)
- « Les Flandres à l’ombre de Rubens », sur aparences.net, APARENCES (consulté le ).
- (en + nl) « Peter Paul Rubens »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur Baroque in the southern Netherlands, Vlaamse Kunstcollectie (consulté le ).
- Jean Lacambre, op. cit., p. 163
- Épisode Pierre Paul Rubens. la Chasse au tigre de la série D'art d'art, d'une durée de 1.32. Autres crédits : Proposé par Nathalie Boels et Tim Newman, présentation Frédéric Taddeï, réalisation Fabrice Hourlier, production exécutive Fouzia Kechkech. Visionner l'épisode en ligne
- « Pierre-Paul RUBENS (Siegen, 1577 - Anvers, 1640) La Chasse au tigre », sur mbar.org, Musée des beaux-arts de Rennes (consulté le ).
- Blottière 1979, p. 5
- Balis 1986, p. 17-19, « Introduction »
- (en + nl) « Specialisations: Hunting Scene and Animal Painting »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur Baroque in the southern Netherlands, Vlaamse Kunstcollectie (consulté le ).
- Balis 1986, p. 50-69, « Rubens and the iconography of hunting »
- Balis 1986, p. 20-29, « Chronological Survey: The First Period »
- Balis 1986, p. 30-35, « Chronological Survey: The Second Period »
- Blottière 1979, p. 1
- Balis 1986, p. 111-112, « Catalogue raisonné. no 3 : Four hunting scenes for the duke of Bavaria »
- (en) Anne-Marie S. Logan, Peter Paul Rubens : The Drawings, New York, Metropolitan Museum of Art, , 332 p. (ISBN 978-0-300-10494-3, lire en ligne), « Tartar Huntsman, ca. 1616-18 »
- Jean Lacambre, « La Chasse au Tigre : no 119 », dans Jacques Foucart, Jean Lacambre, Jean-Pierre De Bruyn, Philippe Durey, Françoise Heilbrun, Monique Nonne, Hervé Oursel et Alain Roy, Le siècle de Rubens, Paris, Éditions des musées nationaux, , 296 p. (ISBN 2-7118-0077-6), p. 162
- « Chasse au sanglier Peter Paul Rubens », sur artliste.com, Artliste (consulté le ).
- « Diaporama de l'exposition de Rubens »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur linternaute.com, L'Internaute (consulté le ).
- (en) Reinhold Baumstark, The Alte Pinakothek, Munich, Scala Publishers Ltd, , p. 91
- (en) Alethea Henry Barnes, An Examination of Hunting Scenes by Peter Paul Rubens : Thèse de l'université du Missouri-Kansas City, ProQuest, , 74 p. (ISBN 978-1-109-20296-0, lire en ligne)
- (en) Natalie Harris Bluestone, Double vision : perspectives on gender and the visual arts, Fairleigh Dickinson University Press, (lire en ligne), p. 27
- Eugène Delacroix, Journal : 25 janvier 1847 (lire en ligne)
- Balis 1986, p. 36-49, « Execution: Studio Participation, Copies »
- Balis 1986, p. 70-87, « Rubens as an animal painter »
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Sylvie Blottière, Rubens, La Chasse au tigre Musée des beaux-arts, Musée des beaux-arts, coll. « L’œuvre du mois », , 14 p. (BNF 34648710), chap. 1
- (en) Arnout Balis, Hunting Scenes, vol. 2, Presses universitaires d'Oxford et Harvey Miller Ltd, coll. « Corpus Rubenianum Jacob Burchard », , 406 p. (ISBN 978-0-19-921041-1, lire en ligne), partie XVIII
- Jacques Foucart, Jean Lacambre, Jean-Pierre De Bruyn, Philippe Durey, Françoise Heilbrun, Monique Nonne, Hervé Oursel et Alain Roy (préf. Jacques Foucart et Jean Lacambre), Le siècle de Rubens, Paris, Éditions des musées nationaux, , 296 p. (ISBN 2-7118-0077-6).
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :