Le Père Peinard | |
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Pays | France |
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Langue | Français |
Périodicité | Hebdomadaire |
Genre | Presse anarchiste |
Diffusion | 5 000 ex. (1889-1902) |
Date de fondation | 1889 |
Date du dernier numéro | 1902 |
Ville d’édition | Paris (1889-1894) Londres (1894-1895) Paris (1896-1902) |
Directeur de publication | Émile Pouget |
ISSN | 1245-9496 |
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Le Père Peinard est un journal hebdomadaire anarchiste fondé en 1889 par Émile Pouget[1]. Pouget en est l'auteur principal mais reçoit aussi des contributions d'autres anarchistes. Avec Le Révolté et l'Endehors ce journal est l'un des trois grands périodiques de l'âge d'or de la presse anarchiste en France. Le Père Peinard se distingue de ses concurrents en adoptant une ligne plus radicale qu'eux et en se concentrant beaucoup sur des questions sociales.
Le journal est considéré comme un précurseur de l'anarcho-syndicalisme et traite de questions variées, comme de féminisme ou d'anticolonialisme. Par ailleurs, l'usage très fréquent de formules argotiques donne un bon aperçu des argots parisiens et anarchiste de la période.
Il s'agit du premier journal à renseigner systématiquement l'agitation sociale en France et à donner dans ses luttes politiques une large place au monde paysan.
Histoire
Contexte
Émile Pouget est alors une figure de l'anarchisme en France, participant par exemple en 1879 à la première fondation d'un syndicat d'employés en France[2] ; il est ami et proche de Louise Michel, les deux étant impliqués dans une émeute à Paris où des boulangeries sont pillées[2]. Pouget, qui cherche à la délivrer de force de la police est arrêté[2]. Il écope de huit ans de prison et est incarcéré à Melun[2]. Libéré après une amnistie au bout de trois ans, il sort de prison toujours aussi militant et radical[2].
Pour l'élection législative du , l'anarchiste publie d'abord une affiche, Le Père Peinard au populo[3].
Le Père Peinard
1889-1894 : première série (Paris)

Le , Pouget publie le premier numéro du Père Peinard[2]. Le nom du journal est une référence au Père Duchesne, un journal radical de la Révolution française[2]. L'auteur s'y dissimule derrière un personnage, le Père Peinard, un cordonnier parisien donnant son avis sur l'actualité et la commentant[3].

De manière générale, Pouget y prend des perspectives sociales très marquées, se saisissant de tous les sujets qu'il peut discuter, il s'intéresse aussi particulièrement aux faits divers, que Le Père Peinard renseigne et utilise fréquemment[2]. Plus le journal progresse, plus les perspectives d'Émile Pouget se tournent vers une forme de syndicalisme anarchiste, ce qui fait du Père Peinard un précurseur de l'anarcho-syndicalisme[2]. Il s'agit aussi du premier journal à renseigner systématiquement l'agitation sociale en France et à donner dans ses luttes politiques une large place au monde paysan[3]. La publication en vient à rapidement être importante au sein des ouvriers français ; de nombreuses villes auparavant en dehors de l'influence ou du contact avec les anarchistes sont touchées - le journal est très lu[2].

Pouget n'est pas seul à publier dans le journal, il reçoit des nouvelles provinciales de divers correspondants anarchistes, comme Edouard Guérdat de Lille ou Pierre Narcisse de Toulouse[5]. Par ailleurs, il est probable qu'un certain nombre de gérants du journal participent aussi à la rédaction ou l'édition d'articles, selon René Bianco[5]. Émile Henry est aussi connu comme ayant participé au journal[5]. Les illustrations sont signées par Maximilien Luce, Georges Manzana-Pissarro, Lucien Pissarro, Adolphe Willette et Constant Marie[5].
Le Père Peinard prend une ligne bien plus radicale que Le Révolté de Jean Grave et Pierre Kropotkine - soutenant plus amplement la stratégie de la propagande par le fait que ce concurrent ou encore l'Endehors[6],[7]. Il répond aux attentats anarchistes en étant un soutien complet de ces méthodes[6],[7]. Richard Sonn décrit Le Père Peinard comme le pan social de la presse anarchiste de la période, tandis que l'Endehors relève plutôt du pan artistique et Le Révolté du pan théorique[8].
Dès ses premiers mois, pendant l'affaire Pini, Le Père Peinard est l'une des publications anarchistes à soutenir l'anarchiste illégaliste, le journal est par ailleurs très ouvert aux pratiques illégalistes et invite à faire de même, en utilisant le vol et la reprise individuelle pour lutter contre le capitalisme[9]. La justice étatique est une cible privilégiée du périodique, qui la considère comme étant essentiellement une « justice de classe », c'est-à-dire un instrument utilisé par la bourgeoisie pour réprimer le prolétariat et les anarchistes[10]. Dans ce cadre, on peut dire que la publication anarchiste met explicitement « en procès » la justice étatique[10].

Son programme est varié, étant donné que Le Père Peinard se saisit de la plupart des luttes sociales possibles à sa période[2]. Il est à la fois anticlérical, antimilitariste, anticolonial ou encore féministe[3],[11],[12]. Par exemple, dans l'article Barbarie française, le journal est ouvertement en rupture avec la colonisation, appelle à la révolte et compare la répression coloniale à la répression touchant le mouvement ouvrier et les anarchistes[11].
Le journal est perquisitionné à de multiples reprises voire saccagé par la police[5]. Pendant la répression de janvier et février 1894, le journal est ciblé de nouveau, la publication est perquisitionnée, ses stocks détruits, elle est interdite à la vente en Algérie française[13] puis complètement interdite[5],[14].
1894-1895 : Deuxième série (Londres)

Pendant ce temps, Pouget se réfugie à Londres, où il entreprend la publication de la « série londonienne » qui comprend huit numéros entre 1894 et 1895[3]. Pouget s'y met aussitôt en quête de reprendre l'édition du journal - il s'associe avec d'autres anarchistes en exil à Londres, alors un lieu central de rencontres et de coordination pour les anarchistes, et reprend la publication[15]. Les huit numéros sont de formats qui varient beaucoup de la précédente version du journal ; pour éviter la censure des autorités françaises, le journal est dissimulé dans des brochures ne ressemblant pas à la forme habituelle du Père Peinard et est distribué clandestinement en France. De plus, le texte n'y fait jamais mention du Père Peinard explicitement[15].
Dans cette série londonienne, Pouget manifeste encore plus clairement qu'auparavant l'internationalisme comme perspective et se tourne encore davantage vers le syndicalisme révolutionnaire[15]. Il donne aussi de nombreux éléments permettant aux anarchistes le lisant d'échapper aux autorités. Ainsi, dans un numéro, il détaille les aveux arrachés à un indicateur de la police française envoyé pour espionner les anarchistes à Londres, Eugène Cotin[15]. Cela lui sert d'entrée en matière pour transmettre des informations sur les manières d'agir des autorités policières françaises et britanniques, en donnant des informations variées destinées à servir de manuel aux anarchistes de cette période : « rémunération des espions, informations attendues, envoi discret des informations de Londres à Paris, techniques pour ne pas se faire « brûler » par les anarchistes »[15]...
1896-1902 : Troisième série (Paris)
C'est en retournant en France en 1895, après avoir été acquitté, que Pouget relance le journal, d'abord sous le nom de La Sociale, puis en lui redonnant son nom d'origine en [3]. Le dernier numéro de cette deuxième série paraît le [3]. La troisième série paraît de janvier à [3]. En 1902 paraît l'unique numéro de la quatrième série[3].
Postérité
Argot
Le Père Peinard, par son usage très important de formes argotiques, est une source précieuse d'informations sur le langage populaire de la période[16]. Alain Rey le considère comme la majeure source de telle nature pour la dernière décennie du XIXe siècle[16].
Publications
- Almanach du Père Peinard, Paris, 1894 [lire en ligne]
- Almanach du Père Peinard, Paris, 1896 [lire en ligne]
- Almanach du Père Peinard, Paris, 1897 [lire en ligne]
- Almanach du Père Peinard, Paris, 1898 [lire en ligne]
Galerie
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Ce que le populo souhaite aux chameaucrates ? Le « TOUT-A-L'ÉGOUT ! »
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Au Pilori, les Masques !
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Almanach de 1898.
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Le Père Peinard, cité par Le Péril anarchiste. Légende : « Le bourgeois, le vrai choléra. »
Notes et références
- ↑ Dictionnaire des anarchistes, « Le Maitron » : Émile Pouget.
- Guérin et Delesalle 2012, p. 480-506.
- « Le Père Peinard (1889-1900) - [Fragments d'Histoire de la gauche radicale] », sur www.archivesautonomies.org (consulté le )
- ↑ « La Grande Trouille des Jean-Foutre de la haute », Le Père Peinard, , p. 1 (lire en ligne
)
- René Louis (1941-2005) Bianco, « Bianco (Bi 1627-1628). Le Père Peinard : réflecs d'un gniaff [puis] réflecs [hebdomaires] d'un gniaff », sur bianco.ficedl.info (consulté le )
- Sonn 1989, p. 14.
- Eisenzweig 2001, p. 29.
- ↑ Sonn 1989, p. 16-17.
- ↑ Arnaud-Dominique Houte, Propriété défendue: la société française à l'épreuve du vol, XIXe-XXe siècle, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », , 28-50 p. (ISBN 978-2-07-288066-7, OCLC on1236083635, lire en ligne)
- Solange Vernois, « La justice dans les caricatures du Père Peinard », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière ». Le Temps de l'histoire, no Hors-série, , p. 155–168 (ISSN 1287-2431, DOI 10.4000/rhei.442, lire en ligne, consulté le )
- Grégoire Chamayou, Les chasses à l'homme, La Fabrique Editions, , 237 p. (ISBN 978-2-35872-005-2, DOI 10.3917/lafab.chama.2010.01, lire en ligne)
- ↑ « Textes féministes historiques - Émile Pouget », sur www.marievictoirelouis.net (consulté le )
- ↑ « L'attentat du Palais Bourbon », L'Estafette, , p. 2
- ↑ Merriman 2016, p. 139-144.
- Bantman 2024, p. 181-188.
- Karl-Anders Arvidsson, « Notes Sur Le Vocabulaire Argotique Et Populaire Du "Père Peinard" (1889-1900) », Neuphilologische Mitteilungen, vol. 100, no 3, , p. 309–317 (ISSN 0028-3754, lire en ligne, consulté le )
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- René Bianco, Répertoire des périodiques anarchistes de langue française : un siècle de presse anarchiste d’expression française, 1880-1983, thèse de doctorat, Université d’Aix-Marseille, 1987, 3 503 pages, Le Père Peinard et Almanach du Père Peinard.
- Constance Bantman, « La série londonienne du Père Peinard, une fenêtre sur les réseaux anarchistes transnationaux », Parlement[s], Revue d'histoire politique, vol. 40, no 3, , p. 181-188
- (en) Stephen Brown, Luce, the artist engage, Ph.D. dissertation, université Columbia, New York, N.Y. 2003.
- Daniel Guérin et Delesalle, « Émile Pouget (1860-1931) », dans Ni Dieu, ni Maître : une anthologie de l'anarchisme, Paris, La Découverte, (DOI 10.3917/dec.gueri.2012.01)
- Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France, Gallimard, coll. « Tel », 1992 (ISBN 2-0707-2498-0)
- Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France, tome 2 : De 1914 à nos jours, Gallimard, coll. « Tel », 1992 (ISBN 2-0707-2499-9)
- Émile Pouget, Le Père Peinard, textes choisis et présentés par Roger Langlais, Éditions Galilée, 1976 (ISBN 2-7186-0030-6). Le Père Peinard, un journal espatrouillant (1889-1900). Articles choisis, présentés en chronologie, avec des illustrations. Les Nuits rouges, 2006. (ISBN 2-9131-1227-7).
- Émile Pouget, Le Père Peinard Tome I Février-, n° 1 à 23, édition critique annotée du texte intégral par Denis Delaplace, Paris, Classiques Garnier, 2015.
- (en) Richard D. Sonn, Anarchism and cultural politics in fin de siècle France, Nebraska, University of Nebraska Press, (ISBN 9780803241756)
Radio
- Jean Lebrun, Philippe Pelletier, Les anarchistes : le moment terroriste, et après ?, France Inter, , écouter en ligne [audio].
Articles connexes
- Anarchisme
- Émile Pouget
- Liste des articles du Père Peinard
- Maximilien Luce
- Presse anarchiste
- Constant Marie
- Ludovic-Rodo Pissarro
Liens externes
- Pourquoi et comment le Père Peinard s'est bombardé journaleux : Almanach du Père Peinard, 1894 - Émile Pouget, kropot.free.fr.
- (en) List of digitized anarchist periodicals - Bibliothek der Freien, Berlin.
- Plupart des originaux sur Archives Autonomie