
Le Libor Ă©tait un des taux de rĂ©fĂ©rence du marchĂ© monĂ©taire de diffĂ©rentes devises. Il Ă©tait calculĂ© comme la moyenne Ă©crĂȘtĂ©e des rĂ©ponses des principales banques Ă la question : « quel taux pensez-vous que les autres banques vous demanderaient pour vous prĂȘter de l'argent ? », avec plusieurs horizons (maturitĂ©s) proposĂ©es. Il agissait comme principale rĂ©fĂ©rence, avec l'Euribor pour la fixation des taux des crĂ©dits Ă court terme dans le monde, pour un certain nombre de prĂȘts Ă plus long terme, allant des cartes de crĂ©dit aux prĂȘts immobiliers Ă taux variable.
Ces taux étaient calculés chaque jour ouvré pour cinq devises et sept maturités allant du jour le jour à sept ans[1], et publié par Thomson Reuters.
Son nom a été formé à partir des initiales de la dénomination anglaise London interbank offered rate en français : « taux interbancaire pratiqué à Londres ». Historiquement, c'est le premier des nombreux taux IBOR.
En 2012, des révélations issues de la banque Barclays mettent en évidence que les opérateurs de marché de plusieurs des banques du panel s'étaient entendus pour soumettre des estimations sous-évaluées par rapport aux taux réels auxquels auraient fait face ces banques, dans le but de minorer la perception des tensions (difficultés de financement) auxquelles les banques faisaient face sur le marché à court terme. Le , la supervision du Libor a été transférée à l'autorité de contrÎle prudentiel britannique (la Financial Services Authority). Celle-ci recommanda que le taux soit fixé non plus sur la base de déclaration, mais de transactions réelles, que les soumissions de chaque banque soient rendues publiques au bout de trois mois, et que la manipulation de ce taux puisse faire l'objet de poursuites criminelles. En 2012 et en 2013, le gouvernement britannique a mis en application la plupart de ces recommandations. ParallÚlement, un nombre important de banques ont été poursuivies et condamnées à des amendes pour leur participation à la manipulation du taux en 2012 et avant.
à la suite de ce scandale, l'abandon en 2021 du Libor comme taux de référence est annoncé en 2017.
Définition
[modifier | modifier le code]Pour une devise considĂ©rĂ©e et pour une Ă©chĂ©ance donnĂ©e, le Libor est un indice de taux calculĂ© chaque jour ouvrĂ© Ă 11h (heure de Londres) et publiĂ© par l'ICE Benchmark Administration[2], devant en principe reflĂ©ter le taux moyen auquel un Ă©chantillon de seize grandes banques internationales Ă©tablies Ă Londres prĂȘtent « en blanc »[3] (câest-Ă -dire sans que le prĂȘt soit gagĂ© par des titres) Ă d'autres grandes banques (voir IBOR).
L'Ă©chantillon des banques choisies est connu Ă l'avance et plutĂŽt stable dans le temps. Les taux les plus extrĂȘmes (les quatre plus hauts et les quatre plus bas) relevĂ©s sont Ă©cartĂ©s du calcul en utilisant une moyenne tronquĂ©e, afin de protĂ©ger l'indice d'Ă©ventuelles erreurs ou d'une crise de liquiditĂ© qui affecterait telle ou telle banque de l'Ă©chantillon. C'est en quelque sorte un baromĂštre de la stabilitĂ© financiĂšre et de la santĂ© du systĂšme bancaire mondial[3].
Devises concernées
[modifier | modifier le code]Les devises pour lesquelles il existe un taux LIBOR sont les suivantes :
- le dollar américain (USD) ;
- la livre sterling (GBP) ;
- le yen (JPY) ;
- le franc suisse (CHF) ;
- l'euro (EUR), bien que le LIBOR soit fort peu utilisé pour cette devise, dont l'indice de référence est l'EURIBOR.
ĂchĂ©ances publiĂ©es
[modifier | modifier le code]Les maturités publiées sont :
- 1 jour (spot-next ou overnight),
- 1 semaine,
- 2 semaines,
- 1 mois,
- 2 mois,
- 3 mois,
- et ainsi de suite jusqu'Ă 12 mois.
Importance économique
[modifier | modifier le code]Les LIBOR qui sont les plus utilisĂ©s sont le 1, le 2 et surtout le 3 mois, qui sert de rĂ©fĂ©rence principale au marchĂ© des swaps. De plus, l'expĂ©rience montre que les donnĂ©es fournies par les banques participantes pour les Ă©chĂ©ances supĂ©rieures Ă trois mois peuvent ĂȘtre fort approximatives, voire intĂ©ressĂ©es[4].
Par ailleurs, les taux publiés pour le yen et les dollars australien et néo-zélandais sont en fait calculés et non constatés, à cause du décalage horaire, alors que ces marchés sont fermés depuis longtemps dans leur pays d'origine. Il est donc prudent de les considérer avec un certain degré de scepticisme.
Le LIBOR 3 mois Dollar sert de base Ă l'un des contrats Ă terme les plus actifs du monde, vĂ©ritable marchĂ© directeur des taux d'intĂ©rĂȘt amĂ©ricains Ă court et moyen terme : le contrat eurodollar. Ce contrat se traite notamment sur le CME Ă Chicago, le LIFFE Ă Londres et le SGX Ă Singapour.
Histoire du Libor
[modifier | modifier le code]Origines du Libor
[modifier | modifier le code]Le LIBOR a Ă©tĂ© formalisĂ© en 1985 par la British Bankers' Association pour unifier les diffĂ©rents taux d'intĂ©rĂȘt utilisĂ©s par les banques lors de la souscription de prĂȘts syndiquĂ©s sur le marchĂ© des Eurodollars et Ă©tendre son usage Ă d'autres instruments financiers[5]. Il est progressivement devenu central pour tout une gamme de produits dĂ©rivĂ©s.
Scandale du Libor
[modifier | modifier le code]Outre son caractÚre déclaratif plutÎt que basé sur des transactions effectivement recensées, le taux Libor est une moyenne qui n'a de sens que si toutes les grandes banques sont trÚs proches de cette moyenne. La crise économique mondiale des années 2008 et suivantes a fait exploser ces écarts à la moyenne, faisant perdre tout son sens au Libor[6].
L'une des préoccupations des salles de marché depuis est de trouver un taux alternatif au Libor pour mieux rendre compte du coût réel de financement, tel que le taux OIS (Overnight Indexed Swap) par exemple[réf. souhaitée][7].
En 2011, la banque UBS, en Ă©change de clĂ©mence, rĂ©vĂšle aux autoritĂ©s amĂ©ricaines de rĂ©gulation qu'elle et de nombreuses autres institutions bancaires se sont concertĂ©es pendant 3 ans, de 2006 Ă 2009, pour orienter le taux Libor en violation des dispositions anticoncurrentielles (le taux change chaque jour en fonction des rĂ©ponses envoyĂ©es par les banques Ă un questionnaire quotidien permettant cette fixation). Il s'agissait soit de diminuer les risques de vulnĂ©rabilitĂ© (en cas de taux Libor fixĂ© trop haut), soit de cacher des vulnĂ©rabilitĂ©s (pour les banques dĂ©clarant des taux plus bas que ceux qu'ils payent) et possiblement de manipuler les cours dans l'objectif d'obtenir des plus-values[8]. Ă la suite de ces rĂ©vĂ©lations, les autoritĂ©s de rĂ©gulation du secteur bancaire, le Financial Services Authority (FSA) britannique, mais aussi le FBI et le dĂ©partement de la Justice des Ătats-Unis, ont diligentĂ© des enquĂȘtes, tandis que le Financial Times rĂ©vĂšle en que plusieurs traders et responsables ont Ă©tĂ© limogĂ©s par de nombreuses banques Ă la suite de la rĂ©vĂ©lation du scandale[8].
Le , Barclays rĂ©vĂšle qu'elle versera 290 millions de livres « pour mettre fin Ă des enquĂȘtes des rĂ©gulateurs britannique et amĂ©ricain dans une affaire de manipulation du taux interbancaire britannique Libor et europĂ©en Euribor entre 2005 et 2009 ». En agissant ainsi, Barclays semblait jouir d'une bonne santĂ© financiĂšre et pouvait mener Ă terme diffĂ©rentes levĂ©es de fonds sans ĂȘtre mise sous surveillance par les institutions de rĂ©gulation[9]. Le , le SĂ©nat des Ătats-Unis convoque le secrĂ©taire au TrĂ©sor, Timothy Geithner, et le prĂ©sident de la Fed, Ben Bernanke, pour en savoir plus sur le « scandale du Libor ». En effet, le Libor sur le dollar amĂ©ricain se calcule d'aprĂšs des informations fournies par 18 institutions de niveau mondial, dont des banques amĂ©ricaines (parmi lesquelles Citigroup et JPMorgan Chase)[10].
Pour limiter les risques de conflit d'intĂ©rĂȘts et d'abus de position dominante dans le secteur financier, notamment pour ce qui a trait Ă la dĂ©termination du taux de base inter-bancaire, un nombre grandissant dâexperts en matiĂšre de rĂ©gulation financiĂšre recommandent lâadoption de rĂ©formes structurelles profondes, notamment en France oĂč les Ă©conomistes du forum mondial des fonds de pension et du CJD [11] estiment, quâau-delĂ de simples dispositions lĂ©gislatives et rĂ©glementaires nationales, il convient dâadopter une grande loi-cadre europĂ©enne ou internationale inspirĂ©e du Glass-Steagall Act permettant de limiter les nombreux risques d'abus inhĂ©rents Ă tout oligopole faiblement rĂ©gulĂ©[12],[13].
Ce point de vue se développe à la faveur de la « crise du Libor » au cours de l'été 2012, les éditorialistes du Financial Times au Royaume-Uni appelant désormais à l'adoption rapide d'un "Glass Steagall II" pan-européen[14]
C'est dans cette mĂȘme perspective que l'ex-patron de Citigroup, Sandy Weill, s'est Ă©galement prononcĂ© en faveur d'une stricte sĂ©paration entre les banques d'investissement et les banques de dĂ©pĂŽts aux Ătats-Unis. Cette dĂ©claration a Ă©tĂ© d'autant plus remarquĂ©e que Sandy Weill avait Ă©tĂ©, sous la prĂ©sidence de Bill Clinton, un des Ă©lĂ©ments les plus actifs prĂŽnant l'abrogation des derniĂšres barriĂšres du Glass-Steagall Act[15].
En , UBS est condamnée à verser 1,5 milliard USD à titre de réparation pour manipulation du taux Libor. La Financial Services Authority a « relevé que les manipulations étaient débattues dans un forum de discussion interne et par [courriel], et étaient de ce fait amplement connues »[16].
En , RBS (Royal Bank of Scotland) est condamnée à verser 450 millions d'euros (condamné par la FSA britannique, la CFTC américaine et le département américain de la Justice) [17].
En , l'organisme de refinancement hypothécaire américain Freddie Mac porte plainte contre une dizaine de grands groupes bancaires et contre la BBA (British Bankers' Association). PremiÚres amendes de 2,5 milliards de dollars pour 3 banques[18].
En , l'organisme de refinancement hypothécaire américain Fannie Mae porte plainte contre neuf grandes banques mondiales : Barclays, Royal Bank of Scotland, UBS, Credit Suisse, Deutsche Bank, Rabobank, Bank of America, Citigroup, JPMorgan Chase[19].
En , UBS conclut un « accord d'immunitĂ© » avec les autoritĂ©s europĂ©ennes de la concurrence, lui permettant d'Ă©viter les prochaines amendes (pour raisons de coopĂ©ration avec les enquĂȘteurs)[20]. Cet accord lui permet d'Ă©chapper, fin 2013, Ă une amende de 2,5 milliards dâeuros[21] (dossier du Libor libellĂ© en yen).
En , Lloyds est condamné à une amende de 218 millions de livres pour son implication dans l'affaire du Libor, aux autorités britannique et américaine[22].
En , aprĂšs une enquĂȘte de la Financial Conduct Authority (Royaume-Uni), de la Finma (Suisse), de la Commodity Futures Trading Commission (Ătats-Unis) et de l'Office of the Comptroller of the Currency (Ătats-Unis), Bank of America, Citigroup, HSBC, JP Morgan Chase, Royal Bank of Scotland et UBS paient une amende de 4,2 milliards de dollars dans le cadre d'ententes pour manipuler le cours du Libor, un indice de taux de change[23].
En , un juge condamne Tom Hayes Ă 14 ans de prison dans l'affaire Libor [24].
Le , la Financial Conduct Authority annonce l'abandon du Libor Ă la fin de lâannĂ©e 2021[25]. Pour le remplacer sur sa maturitĂ© la plus courte (24 heures, « overnight »), le Sonia (Sterling Overnight Index Average) devrait apparaĂźtre d'ici 2021[26].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- â (en) « LIBOR », sur theice.com (consultĂ© le ).
- â « ICE Benchmark Administration Replaces the British Bankers' Association as Administrator of LIBOR »(Archive.org âą Wikiwix âą Archive.is âą Google âą Que faire ?), sur whiteandwilliams.com (consultĂ© le ).
- Marine Rabreau, « Libor : comprendre ce scandale qui fait trembler les banques », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
- â [1]
- â (en) Devin Wiggs, « City of standards: London and the rise of LIBOR in global finance », Economy and Society, vol. 51, no 3,â , p. 398â421 (ISSN 0308-5147 et 1469-5766, DOI 10.1080/03085147.2022.2080926, lire en ligne, consultĂ© le )
- â (en) Crisis probe puts Libor in spotlight, Financial Times
- â (en) John C. Hull, Options, Futures, and Other Derivatives (ISBN 978-0-273-75907-2), The risk-free rate (page 77)
- « La finance mondiale perd ses repÚres », Challenges, no 295, 5 avril 2012, p. 40-41.
- â Associated Press et Agence France-Presse, « Le scandale des taux dâintĂ©rĂȘt - Le patron dĂ©missionnaire fait son mea-culpa devant les dĂ©putĂ©s », Le Devoir,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- â Agence France-Presse, « Le scandale du Libor se transporte devant le CongrĂšs des Ătats-Unis », Le Devoir,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- â « Objectif OĂŻkos: 12 Propositions pour 2012 », Propositions du CJD,â novembre 2011/juin 2012 (lire en ligne, consultĂ© le ) p. 98.
- â M Nicolas Firzli, « Orthodoxie financiĂšre et rĂ©gulation bancaire: les leçons du Glass-Steagall Act » [« Bank Regulation and Financial Orthodoxy: the Lessons from the Glass-Steagall Act »], Revue Analyse FinanciĂšre, no 34,â , p. 49â52 (lire en ligne, consultĂ© le )
- â Marie Lepesant, « Le ModĂšle des Banques Françaises en Question », Le Parisien,â (lire en ligne, consultĂ© le ) quoting M. Nicolas Firzli.
- â (en) Page Editorial, « Restoring trust after Diamond », Financial Times,â (lire en ligne, consultĂ© le ) quoting FT Editorial Page.
- â L'ex-patron de Citigroup veut casser les grandes banques « Copie archivĂ©e » (version du sur Internet Archive), Pierre-Yves Dugua, Le Figaro.fr, 26 juillet 2012
- â Julien Mivielle et Agence France-Presse, « Libor: UBS condamnĂ©e Ă 1,5 milliard US d'amende : La banque suisse UBS a annoncĂ© mercredi qu'elle allait payer une amende de 1,5 milliard de dollars US dans le scandale du Libor aprĂšs un accord avec les autoritĂ©s amĂ©ricaines, britanniques et suisses. », La Presse,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- â Scandale du Libor : RBS va payer plus de 600 millions de dollars d'amendes, , Les Echos.fr, 06 fĂ©vrier 2013
- â CREDIT SUISSE Freddie Mac porte plainte contre les banques dans l'affaire du taux Libor, , Bourse Les Echos.fr, 20 mars 2013.
- â Fannie Mae porte plainte contre neuf banques, , Les Echos.fr, 04 novembre 2013.
- â UBS va obtenir l'immunitĂ© dans l'affaire des manipulations du Libor, , Bourse Les Echos.fr, 04 novembre 2013
- â Euribor : des amendes minimisĂ©es selon leur ordre dâarrivĂ©e, , Les Echos.fr, 04 dĂ©cembre 2013
- â Lloyds Bank to Pay Nearly $370 Million to Resolve Libor Investigations, Chad Bray, The New York Times, 28 juillet 2014
- â Manipulation du marchĂ© des changes : six banques mises Ă l'amende, Eric Albert, Le Monde, 12 novembre 2014
- â (en) Reuters, « Former UBS and Citigroup trader Tom Hayes sentenced to 14 years in jail in world's first Libor trial », sur financialpost.com, (consultĂ© le ).
- â Marie Owens Thomsen Global Head of Investment Intelligence Indosuez Wealth Management, « Mort du Libor: trouver une solution avant 2021 », sur agefi.com (consultĂ© le ).
- â « Le LSE se lance dans la bataille des contrats Ă terme du Sonia », sur agefi-quotidien.fr, (consultĂ© le ).
