Maréchal, nous voilà ! est une chanson française à la gloire du maréchal Pétain[1]. Les paroles sont d'André Montagard, également cosignataire avec Charles Courtioux[2],[3] de la musique[4],[5],[6]. Toutefois, elle est le plagiat d'un air d'opérette composé par Casimir Oberfeld pour le film La Margoton du bataillon (1933) de Jacques Darmont[7],[8] par ailleurs déjà plagiée par Frédo Gardoni pour accompagner le Tour de France de 1937 sous le titre de La Fleur au guidon.
Histoire
Création
La chanson est créée en 1941 et éditée par les éditions musicales du Ver Luisant[9]. Cette maison d'édition, dirigée à l'époque par Rolf Marbot (d'origine allemande, de son vrai nom Albrecht Marcuse), produit d'autres chansons à la gloire de Philippe Pétain, comme La France de demain ou La Marche des jeunes[8]. Charles Courtioux était l'imprimeur des partitions musicales du Ver Luisant[8].
Au moment de la déclaration de la chanson à la SACEM, celle-ci décèle une « parenté évidente[4] » avec une composition de Casimir Oberfeld, La Margoton du bataillon[10], et met en garde Charles Courtioux sur cette « étrange similitude[4] » par une note[11]. Mais sous le régime de Vichy, Casimir Oberfeld, qui a été l'un des premiers ayants droit de la SACEM à la veille de l'occupation allemande[8], perd le droit d'y déposer des œuvres et la possibilité de toucher ses droits d'auteur parce qu'il est Juif[12]. Déporté à Auschwitz en 1943[13], il meurt lors d'une « marche de la mort » en 1945[12].
La musique de Maréchal, nous voilà ! présente aussi une « ressemblance frappante[4] » avec une chanson intitulée La Fleur au guidon[14], de Frédo Gardoni, dédiée au Tour de France 1937[4]. Celle-ci ainsi que le Chant de l'avenir, chanson des Amicales socialistes de 1938 (composée par Michel Emer et G. Aubry[15]), sont apparemment d'autres exemples d'influence ou de plagiat de La Margoton du bataillon[16],[12].
Statut sous le régime de Vichy
Pendant la Seconde Guerre mondiale, durant l'Occupation, cette chanson est interprétée, entre autres, par Andrex et André Dassary[4] (enregistrement Pathé, accompagné par l'orchestre de Marcel Cariven[17]).
La Marseillaise reste l'hymne principal de la France durant cette période[18],[19] et tient une place prépondérante, illustrant la volonté du régime de ne pas abandonner les symboles nationaux à la Résistance[20]. Mais elle n'est pas officiellement désignée par écrit comme l'hymne national[21]. Elle est souvent suivie, dans la zone sud, de Maréchal, nous voilà !, qui devient l'hymne officieux du régime de Vichy. Maréchal, nous voilà ! est régulièrement diffusée sur les ondes de Radio-Paris et de la Radio nationale[8]. Elle est jouée dans l'ensemble des territoires de la France et de l'Empire ; c'est le cas en particulier dans la plupart des écoles mais aussi dans les chantiers de jeunesse[22], les casernes et les meetings de la Milice française[8].
Le refrain seul montre déjà combien cette chanson participe largement au culte de la personnalité créé autour de Pétain dès 1940[23] :
« Maréchal, nous voilà ! / Devant toi le sauveur de la France / Nous jurons, nous tes gars / De servir et de suivre tes pas / Maréchal, nous voilà ! / Tu nous as redonné l’espérance / La Patrie renaîtra / Maréchal, Maréchal, nous voilà ! »
Parodies
Le chant Maréchal, nous voilà ! étant un élément majeur de la propagande de Vichy, il a été l'objet d'un pamphlet contre Pétain, Maréchal vous voilà, et de parodies de la part de la Résistance comme Général, nous voilà ![24] ou Maréchal, les voilà ![25] de Julien Clément[26].
Documentaire
- Maréchal, nous voilà ? – La propagande de Vichy (2008), de Jorge Amat et Denis Peschanski, 63 minutes, Compagnie des phares et balises[27],[28],[29].
Dans la culture populaire
Au cinéma
Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données IMDb. Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section proviennent du générique de fin de l'œuvre audiovisuelle présentée ici.
- 2003 : Les Choristes de Christophe Barratier – bande originale.
- 2011 : La Guerre des boutons de Yann Samuell – bande originale.
- 2011 : La Nouvelle Guerre des boutons de Christophe Barratier – bande originale.
- 2016 : Le Voyage de Fanny de Lola Doillon – bande originale.
Littérature
Dans le roman Le Traître, de Pierre Cormon, la chanson passe régulièrement dans un restaurant du Caire, en 2002.
Bande dessinée
- Maréchal, nous voilà de Laurent Rullier (scénario) et Hervé Duphot (dessin et couleur) ; tome II de la série Les combattants, Paris, Delcourt, 2012 (ISBN 978-2-7560-2705-0).
Télévision
- 1991 : Les Chansons rétros, sketch filmé des Inconnus, parodie.
Notes et références
- « Le maréchal Pétain quitte Vichy », France Actualités, 12 mai 1944, ina.fr, consulté le 17 janvier 2009.
- Compositeur et chef d'orchestre, Charles Courtioux (1880-1946) est l'auteur de nombreuses musiques d'opérettes et de revues de l'entre-deux-guerres.
- [https://musee.sacem.fr/index.php/Detail/entities/4370 « Charles Courtioux », sur musee.sacem.fr.
- Dompnier 2001, p. 71.
- Dompnier 2001, p. 84–86.
- Voir la partition (présentée également dans Dompnier 2001, p. 85–86) : page 1 et page 2.
- « ECMF (1918-1944) - La Margoton du bataillon, opérette bouffe en trois actes et cinq tableaux », sur ecmf.fr (consulté le ).
- Nidam Abdi, « La Sacem pas regardante sur ses prix », Libération, (consulté le ).
- Dompnier 2001, p. 84–85.
- On peut l'écouter dans le film de Jacques Darmont (1933) tiré de l'opérette de Casimir Oberfeld. Elle est chantée par l'acteur Armand Bernard.
- Dompnier 2001, « [...] Informer également M. Courtioux que dans cette même œuvre notre Conseil a trouvé une réminiscence de La Margoton du bataillon d'Oberfeld. La déclaration a été enregistrée sous l'entière responsabilité de M. Courtioux », p. 71–72 (note 5).
- Guéno 2018, introduction.
- Bertrand Dicale, Dictionnaire amoureux de la chanson française, Plon, , 582 p. (ISBN 9782259250900, lire en ligne), « Occupation », p. 297.
- Le refrain commence par ce vers : « Les coureurs, les voilà ! ».
- Un enregistrement datant de 1938 de cette chanson figure dans le coffret de CD Anthologie sonore du socialisme édité chez Frémeaux et Associés en 1998.
- Dicale 2011, p. 182.
- Disque Pathé no PA 2009, enregistré le 26 juin 1941 et publié en août 1941.
- « Entrevue Pétain-Franco », Les Actualités mondiales, 14 mars 1941, sur le site ina.fr, les archives de l'INA, consulté le 17 janvier 2009.
- Dompnier 2001, p. 76–83.
- Dompnier 2001, p. 79.
- Dompnier 2001, ce ne sera le cas qu'en 1958, dans la Constitution de la Ve République, en son Article 2., p. 70.
- Dompnier 2001, p. 73–74.
- Jean Sauvageon, « Musée de la résistance en ligne », sur museedelaresistanceenligne.org (consulté le ).
- En hommage au général de Gaulle, publiée dans Le Franc-Tireur no 2 de mars 1942, voir Dompnier 2001, p. 74.
- Facsimilé des paroles de la parodie Maréchal, les voilà !
- Souvenir de la Musique de l'armée secrète et de son chef Julien Clément, « Historique », sur le site musique.as.ffi.free.fr, consulté le 4 janvier 2009.
- « Maréchal, nous voilà ? – La propagande de Vichy », sur phares-balises.fr, Compagnie des phares et balises (consulté le ).
- « Maréchal, nous voilà ? – La propagande de Vichy », sur videotheque.cnrs.fr, CNRS (consulté le ).
- Marie Cailletet, « Maréchal, nous voilà ? », sur television.telerama.fr, Télérama, (consulté le ).
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Bertrand Dicale, Les chansons qui ont tout changé, Fayard, , 360 p. (ISBN 9782213665368, lire en ligne), « Maréchal, nous voilà ! », p. 182 et suivantes.
- Nathalie Dompnier, « Entre La Marseillaise et Maréchal, nous voilà ! quel hymne pour le régime de Vichy ? », dans Myriam Chimènes (dir.), La vie musicale sous Vichy, Éditions Complexe – IRPMF-CNRS, coll. « Histoire du temps présent », , 420 p. (ISBN 2870278640, lire en ligne), p. 69-88.
- Jean-Pierre Guéno, La Mélodie volée du Maréchal : l'incroyable histoire de Casimir Oberfeld, compositeur (malgré lui) de l'hymne pétainiste, Éditions de l'Archipel, , 200 p. (ISBN 9782809823820, lire en ligne).