En mathématiques, et plus particulièrement en théorie des nombres, le problème de Skolem est le problème de déterminer s'il existe, parmi les éléments d'une suite récurrente linéaire à coefficients constants, un terme qui est nul. Le problème peut être formulé pour divers types de nombres, y compris les entiers relatifs, les nombres rationnels, et les nombres algébriques. Il n'est pas connu s'il existe un algorithme qui permet de résoudre ce problème[1].
Relations de récurrence
[modifier | modifier le code]Une relation de récurrence linéaire définit les valeurs d'une suite de nombres comme combinaison linéaire de valeurs précédentes ; par exemple, les entiers de la suite de Fibonacci peuvent être définis par la relation de récurrence
avec les valeurs initiales et .
Le problème de Skolem porte le nom de Thoralf Skolem qui, dans un article de 1933, démontre ce qu'on appelle le théorème de Skolem-Mahler-Lech sur les termes nuls d'une suite vérifiant une relation de récurrence linéaire à coefficients constants[2],[3]. Le théorème dit que, si une telle suite possède des termes nuls, ceux-ci apparaissent, à un nombre fini d'exceptions près, à des positions qui se répètent régulièrement. Skolem démontre cette propriété pour des récurrences sur les nombres rationnels, et Mahler[4],[5],[6] puis Lech[7] l'étendent à d'autres corps de nombres. Les démonstrations du théorème ne donnent pas d'indication comment on pourrait tester si des zéros existent.
Résultats partiels
[modifier | modifier le code]Il existe un algorithme qui permet de tester si une suite récurrente à coefficients constants possède une infinité de termes nuls, et s'il en est ainsi, de construire une décomposition des positions de ces termes en sous-suites périodiques ; la construction est basée sur les propriétés algébriques des racines du polynôme caractéristique de la suite[8]. La partie difficile du problème est de déterminer si l'ensemble des zéros qui ne se répètent pas est vide ou non[1].
Des résultats partiels sont connus concernant le cas particulier de récurrences de degré au plus 4, mais ces solutions ne s'appliquent pas en degré cinq ou plus[1],[9],[10]. Deux démonstrations annoncées[11],[12] se sont avérées incomplètes[1]. Le problème est cité dans le livre de Terence Tao tiré de son blog[13].
Complexité
[modifier | modifier le code]Pour des suites récurrentes entières, le problème de Skolem est NP-difficile[14].
Chonev, Ouaknine et Worrell[15] ont donné une borne (non explicite) N qui est essentiellement polynomiale en les coefficients et les termes initiaux de la récurrence, tel que les termes d’indice plus grands que N sont tous non nuls, lorsque la récurrence est d'ordre 2, 3 ou 4. Une exposition détaillée en est donné dans la thèse de doctorat de Chonev[16].
Cette borne a été généralisée par Min Sha[17] au cas des suites récurrences simples[18] de nombres algébriques qui ont soit une racine caractéristique dominante, soit deux racines caractéristiques de module maximal. Il apparaît que ces conditions couvrent la plupart des cas pour des suites récurrentes à termes rationnels.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Skolem problem » (voir la liste des auteurs).
- Notes
- Ouaknine et Worrell 2012
- ↑ Skolem 1933.
- ↑ Ouaknine et Worrell 2012 citent un autre article de Skolem datant de 1934 pour ce résultat.
- ↑ Mahler 1935.
- ↑ Mahler 1956.
- ↑ Mahler 1959.
- ↑ Lech 1953
- ↑ Berstel et Mignotte 1976.
- ↑ Mignotte, Shorey et Tijdeman 1984.
- ↑ Vereshchagin 1985
- ↑ V. Halava, T. Harju, M. Hirvensalo et J. Karhumäki, « Skolem's Problem – On the Border Between Decidability and Undecidability », Technical Report 683, Turku Centre for Computer Science, .
- ↑ B. Litow, « A decision method for the rational sequence problem », Electronic Colloquium on Computational Complexity, vol. 4, .
- ↑ Tao 2012, Section 1.9
- ↑ Blondel et Portier 2002.
- ↑ Chonev et Ouakine Worrell
- ↑ Chonev 2015.
- ↑ Sha 2019.
- ↑ Dans ce contexte, une suite récurrence est dite simple si toutes les racines de son polynôme caractéristique sont simples.
- Bibliographie
- [1933] Thoralf Skolem, « Einige Sätze über gewisse Reihenentwicklungen und exponentiale Beziehungen mit Anwendung auf diophantische Gleichungen », Oslo Vid. akad. Skrifter, vol. I, no 6,
- [1935] Kurt Mahler, « Eine arithmetische Eigenschaft der Taylor-Koeffizienten rationaler Funktionen », Akad. Wetensch. Amsterdam, Proc., vol. 38, , p. 50-60.
- [1953] (en) C. Lech, « A Note on Recurring Series », Arkiv för Matematik, vol. 2, , p. 417-421 (DOI 10.1007/bf02590997).
- [1956] Kurt Mahler, « On the Taylor coefficients of rational functions », Proc. Cambridge Philos. Soc., vol. 52, , p. 39-48 (DOI 10.1017/s0305004100030966).
- [1957] Kurt Mahler, « Addendum to the paper "On the Taylor coefficients of rational functions" », Proc. Cambridge Philos. Soc., vol. 53, , p. 544 (DOI 10.1017/s0305004100032552)
- [1976] Jean Berstel et Maurice Mignotte, « Deux propriétés décidables des suites récurrentes linéaires », Bulletin de la Société Mathématique de France, vol. 104, no 2, , p. 175–184 (MR 0414475, lire en ligne).
- [1984] Maurice Mignotte, Tarlok Nath Shorey et Robert Tijdeman, « The distance between terms of an algebraic recurrence sequence », Journal für die Reine und Angewandte Mathematik, vol. 349, , p. 63–76 (MR 743965).
- [1984] (ru) N. K. Vereshchagin, « The problem of the appearance of a zero in a linear recursive sequence », Matematicheskie Zametki, vol. 38, no 2, , p. 177–189, 347 (MR 808885).
- [2002] Vincent D. Blondel et Natacha Portier, « The presence of a zero in an integer linear recurrent sequence is NP-hard to decide », Linear Algebra and its Applications, vol. 351/352, , p. 91–98 (DOI 10.1016/S0024-3795(01)00466-9, MR 1917474).
- [2007] Terence Tao, « Open question: effective Skolem–Mahler–Lech theorem », What's new,
- [2008] Terence Tao, Structure and Randomness: Pages From Year One of a Mathematical Blog, Amer. Math. Soc.,
- [2012] Joël Ouaknine et James Worrell, « Decision problems for linear recurrence sequences », dans Reachability Problems: 6th International Workshop, RP 2012, Bordeaux, France, September 17–19, 2012, Proceedings, Springer-Verlag, coll. « Lecture Notes in Computer Science vol. 7550 », (DOI 10.1007/978-3-642-33512-9_3, MR 3040104), p. 21–28.
- [2015] Ventsislav Chonev, Reachability Problems for Linear Dynamical Systems (Thèse de doctorat), University of Oxford, (lire en ligne).
- [2016] Ventsislav Chonev, Joël Ouaknine et James Worrell, « On the complexity of the orbit problem », Journal of the ACM, vol. 63, , article no 23 (arXiv 1303.2981).
- [2016] Min Sha, « Effective results on the Skolem Problem for linear recurrence sequences », Journal of Number Theory, vol. 197, , p. 228–249 (DOI 10.1016/j.jnt.2018.08.012).
- [2021] Paul C. Bell, Igor Potapov et Pavel Semukhin, « On the mortality problem: From multiplicative matrix equations to linear recurrence sequences and beyond », Information and Computation, vol. 281, , article no 104736 (DOI 10.1016/j.ic.2021.104736, arXiv 1902.10188)
- [2022] Yuri Bilu, Florian Luca, Joris Nieuwveld et Joël Ouaknine, « Skolem Meets Schanuel », ArXiv, (DOI 10.48550/arXiv.2204.13417, arXiv 2204.13417)
- [2024] Yuri Bilu, Florian Luca, Joris Nieuwveld et Joël Ouaknine, « On the p-adic zeros of the Tribonacci sequence », Mathematics of Computation, vol. 93, no 347, , p. 1333–1353 (DOI 10.1090/mcom/3893, arXiv 2210.16959)