Quel effet cela fait-il d’être une chauve-souris ? (What is it like to be a bat?) est un article du philosophe Thomas Nagel écrit en et paru pour la première fois dans la revue américaine The Philosophical Review (no 83, 4). Nagel y développe la thèse selon laquelle nous n’avons aucun moyen de savoir quelle expérience subjective du monde fait une chauve-souris. Le seul moyen d'y accéder serait en effet d’être soi-même une chauve-souris. Ainsi les qualia échappent-ils à l’analyse, et l’investigation scientifique de la conscience semble, par là même, impossible.
Subjectivité et perspectives
[modifier | modifier le code]Selon Nagel, nous ne pouvons comprendre la nature de nos expériences si nous éliminons d’elles le point de vue ou la perspective qui fait qu’elles sont, précisément, des expériences et non pas seulement des processus physiques (neurologiques en l’occurrence). Le point de vue particulier qu’un être a sur le monde est constitutif des états subjectifs et qualitatifs qu'il ressent (les qualia). Si les expériences subjectives peuvent être décrites objectivement, nous dit Nagel, ce n’est pas dans le sens où elles peuvent être réduites à des événements physiques objectifs, mais dans le sens où une intersubjectivité de l’expérience, qui tend vers l'universel, reste toujours possible.
L’expérience en « première personne » (celle du moi ou de l’individu qui peut dire « je » sens, « je » vois etc.) est caractérisée par une immersion dans un univers mental particulier dont fait abstraction le point de vue objectif sur le monde, celui des sciences, manquant ainsi une dimension essentielle du monde, celle du monde « phénoménal ».
Notion de perspective « spécifique »
[modifier | modifier le code]Notre point de vue particulier sur le monde ne se limite pas, selon Nagel, à un point de vue singulier ou à une expérience subjective à caractère privé. Au contraire, il constitue une perspective « spécifique » sur le monde, relative à un type d’organisme vivant. Il est, en ce sens, constitutif de l'intersubjectivité à l'intérieur d'une espèce animale donnée.
Aussi, le point de vue particulier qui est constitutif de toute expérience subjective ne doit-il pas être confondu avec ce qui lui donne son caractère privé, à savoir l'individualité du sujet de l'expérience. Si nous n’avons aucun moyen de savoir quelle impression cela fait d’être une chauve-souris, c'est avant tout parce que nous sommes loin d'être des chauves-souris (du fait notamment de la différence fondamentale entre nos appareils sensori-moteurs). Les expériences phénoménales d’une chauve-souris nous sont radicalement inaccessibles parce que notre type d'être, celui de l'espèce humaine, diffère de celui d'une chauve souris.
Autres œuvres
[modifier | modifier le code]Dans son roman Pensées secrètes, David Lodge imagine différentes réponses à cette question, sous forme de pastiches d'auteurs célèbres.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (fr) Voir le chapitre 6 du livre Stéroïdes pour comprendre la philosophie (Normand Baillargeon, Amerik Media, 2010), notamment les pages 134-135.
- (en) L'article de Thomas Nagel
- (fr) L'article de Thomas Nagel