Le restaurant Champeaux, fondé en 1800 et immortalisé dans des romans d'Émile Zola, est un ancien restaurant avec jardin de rosiers et d’acacias, situé au 13, place de la Bourse[1], en plein centre de Paris, à l'angle de la rue Vivienne et de la rue des Filles-Saint-Thomas, qui servait de rendez-vous aux financiers, écrivains et journalistes.
Historique
Le restaurant, fondé un quart de siècle avant l'ouverture du palais Brongniart, était à quelques mètres du couvent des Filles-Saint-Thomas, détruit sous la Révolution française, dont il hérite des caves[2].
À partir de 1827, il a un nouveau voisin, le théâtre des Nouveautés, devenu ensuite le théâtre du Vaudeville. Le , treize littérateurs et chansonniers se réunirent chez le restaurateur pour relever l'institution du Caveau, presque centenaire[3]. Le , les statuts d'une nouvelle société chantante, la société du Caveau, appelée aussi Les Enfants du Caveau, étaient signés par treize chansonniers ; elle dura jusqu'en 1837.
L'autre institution de la place était juste en face : le Café Gobillard, du nom du tenancier du Café du Théâtre des Nouveautés[4], fréquenté par les écrivains et les politiques, parmi lesquels Jean-Pierre de Montalivet et Alexandre Dumas.
Parmi les célébrités du Restaurant Champeaux, le cuisinier Nicolas Marguery (1834-1910) passe à la plonge puis devant les fourneaux. Vers 1860[5], il fonde son propre restaurant, La sole Marguery, sur le boulevard de Bonne-Nouvelle, deux cents mètres plus à l'est. Le Restaurant Champeaux accueille plus tard Henri-Paul Pellaprat (1869-1954), futur fondateur, avec Marthe Distel, de l'École du Cordon Bleu et auteur de nombreux livres classiques. Casimir Moisson, qui fut son directeur à la Maison dorée, retourne ensuite chez Champeaux[6].
Créé en 1800 par Champeaux, l'établissement est resté dans la famille jusqu'en 1864. À partir de 1872, il est dirigé par Catelain, le célèbre chef et associé des frères Verdier, de la Maison Dorée, située à une centaine de mètres, sur les Grands Boulevards. Catelain y crée en particulier le poulet Champeaux et va y terminer sa carrière culinaire en 1904. Le jardin qui accueille le restaurant change d'allure l'hiver, mais conserve les mêmes dimensions, avec simplement d'autres plantes[7]. Il avait « bonne cave et bonne cuisine », selon Alfred Delvau[8].
À la fin des années 1870, les coulissiers de la Bourse de Paris se retrouvent dans la salle blanc et or du Restaurant Champeaux[9].
Le dimanche , à 16 h 20, l'explosion accidentelle d'un fût d'alcool dans le sous-sol du Restaurant Champeaux tue une passante, Élisa Parlant, et blesse huit personnes. Les employés de l'agence Havas, située dans l'immeuble, au-dessus du restaurant, sont projetés hors de leur siège et un attroupement de badauds se produit sur la place de la Bourse[10].
Cinq ans plus tard, c'est dans les travées du Restaurant Champeaux que neuf des dix écrivains membres de l'académie Goncourt se réunirent à dîner le et décernèrent le premier prix Goncourt à un quasi inconnu, John-Antoine Nau pour son livre, Force ennemie, publié par les éditions de La Plume, primé au second tour par six voix contre trois à Camille Mauclair (La Ville lumière) et une à Jean Vignaud (Les Amis du peuple). Le deuxième prix Goncourt fut décerné au Café de Paris, 41, avenue de l'Opéra, le 7 décembre 1904, à La Maternelle de Léon Frapié, le vagabondage culinaire s'arrêtant définitivement au restaurant Drouant, le [11].
Pendant la Première Guerre mondiale, le propriétaire et le personnel sont mobilisés sur le front[12]. Un bureau provisoire de la Banque de France est installé devant le Restaurant Champeaux, rebaptisé Café des Finances, place de la Bourse, pour la souscription à l'emprunt national devant financer les armées.
Références
- ↑ Émile Zola, L'Argent, édition de Philippe Hamon et Marie-France Azéma, dossier financier par Bernard Cieutat, Le Livre de poche, p. 27.
- ↑ Procès-verbal de la Commission du Vieux Paris, 19 janvier 1899, p. 22.
- ↑ Michel Trihorea, La Chanson de proximité : caveaux, cabarets et autres petits lieux, Paris, L'Harmattan, , 188 p. (ISBN 978-2-29626-213-3, lire en ligne), p. 29.
- ↑ La Presse, .
- ↑ « Le grenier de Lionel Mesnard », quartier Saint-Denis, lionel.mesnard.free.fr.
- ↑ Nathaniel Newnham-Davis, Gourmet's Guide to Europe, Applewood Books, , 336 p. (ISBN 978-1-42901-266-9, lire en ligne), p. 34.
- ↑ Le Monde illustré, 1857.
- ↑ Alfred Delvau, Plaisirs de Paris. Guide pratique et illustré, Achille Faure, 1867.
- ↑ Alfred Colling, La Prodigieuse Histoire de la Bourse, Paris, Société d'éditions économiques et financières, , p. 300.
- ↑ Voir journal Le Stéphanois, , www.memoireetactualite.org.
- ↑ Alain Barbier Sainte Marie, « Centenaire du prix Goncourt ».
- ↑ Agence Rol, 1916.