Une table d'orientation ⓘ est une petite construction à vocation pédagogique permettant à ses utilisateurs d'identifier les éléments caractéristiques du panorama qui leur fait face depuis le point de vue panoramique où ils se trouvent. Généralement construite en dur (pierre, béton, bois), elle est couverte d'une plaque d'émail ou de métal sur laquelle a été reproduit le paysage avoisinant, en peinture ou par une photographie, accompagné de mentions écrites permettant l'interprétation de l'environnement perçu.
La table d'orientation est particulièrement fréquente dans les régions où le paysage est diversifié et complexe, et l'horizon accidenté, comme en montagne.
Elle agrémente souvent des lieux de promenade, des chemins de randonnée et des sites patrimoniaux ; à ce titre, elle peut occuper une fonction touristique.
Description
[modifier | modifier le code]Objet
[modifier | modifier le code]Les tables d'orientation sont édifiées dans des matériaux variés, mais sont généralement construites en dur, du fait de leur localisation en extérieur, dans des endroits parfois soumis à de rudes conditions climatiques, humides et venteuses (sommets en moyenne voire haute montagne, littoraux), ou exposés au vandalisme.
La table d'orientation repose souvent sur un socle, qui la hausse au-dessus du sol, en bois, en métal ou en pierre maçonnée. Elle peut sinon s'appuyer sur un élément construit antérieur, comme un parapet ou un rempart.
Le visuel représentant le paysage est souvent reproduit sur une surface plane et lisse, en pierre, en métal ou en plexiglas. Il est de forme circulaire, plus rarement rectangulaire, et souvent de forme semi-circulaire, plaçant l'observateur au centre de l'expérience paysagère. La représentation du paysage est accompagnée d'indications écrites précisant les éléments les plus significatifs (sommets, cols, villes, monuments et ouvrages d'art), les points cardinaux ainsi que la direction dans laquelle se trouvent des sites hors de vue, comme de grandes villes étrangères[1].
Certaines tables d'orientation peuvent présenter un visuel en trois dimensions, en recourant par exemple à la technique du bas-relief.
-
Table d'orientation de Larmor-Baden (Morbihan) - Mobilier en granit - Panneau en lave émaillée - Décor sérigraphie quadrichromie.
-
Table d'orientation de Picauville (Manche) - Mobilier en granit - Panneau en lave émaillée - Décor sérigraphie quadrichromie.
Localisation
[modifier | modifier le code]-
Table d'orientation de la colline du Cap Sicié donnant sur la Méditerranée, La Seyne-sur-Mer, Var, France.
Analyse du dispositif
[modifier | modifier le code]La table d'orientation relève d'un « édifice-image », combinant à la fois dispositif matériel inscrit dans un lieu, et représentation paysagère[2].
Elle peut aussi être considérée comme contraignante, en ce qu'elle prescrit une représentation du paysage et impose de prêter attention aux mêmes motifs[3].
Fabrication
[modifier | modifier le code]En France, de nombreuses tables ont été réalisées en lave de Volvic notamment par l'entreprise Saint-Martin-près-Riom[4] à Mozac en Auvergne dès le début du XXe siècle pour le compte du Touring club de France.
Histoire
[modifier | modifier le code]Préfiguration
[modifier | modifier le code]Le principe ancien de la camera obscura, en ce qu'il poursuit une objectivation du regard, préfigure aussi d'une certaine manière celui de la table d'orientation. Au XVIIIe siècle, l'essor des panoramas peints, mu par le goût croissant pour la contemplation, installe dans plusieurs villes des constructions architecturales abritant de larges représentations détaillées d'intérieurs ou de paysages[2].
Le principe de la table d'orientation puise aussi dans les représentations du mouvement romantique, dans sa quête d'expérience sensible et de communion avec l'immensité du monde[5]. La mise au point en Allemagne en 1790 du « toposcope », un outil de visée pour repérer les feux en contexte militaire, qui bénéficie ensuite de plusieurs innovations techniques, augure en outre le développement des tables d'orientations contemporaines[6].
En 1873, le pyrénéiste Franz Schrader met au point l'orographe, un outil qui permet la réalisation de « tours d'horizon » en montagne, et donc facile la cartographie des zones tourmentées[7].
Développement
[modifier | modifier le code]Le Touring Club de France s'implique tout particulièrement dans l'installation de tables d'orientation le long des routes panoramiques de montagne[8].
Les premières tables d'orientation installées par le Touring club de France le sont sur la Côte d'Azur en 1902 ; ce sont celles de la pointe de l'Esquillon, à Théoule-sur-Mer (l'exemplaire original, vandalisé en 2016, a été reconstruit depuis), et de la plateforme du château de Nice[2]. Deux cent tables supplémentaires sont ensuite installées par le TCF jusqu'aux années 1950.
Le TCF, dans son entreprise de mise en tourisme par la contemplation du paysage, joue également parfois le rôle d'entremetteur entre communes et aménageurs, comme sur le site de Superbagnères[9].
Les représentations artistiques des paysages de montagne, comme les peintures de Paul Helbronner et Harald Moltke (en), adoptent un format panoramique qui s'apparente à celui des tables d'orientation[10].
La table d'orientation dans les arts
[modifier | modifier le code]Le principe de la table d'orientation est réinvesti par certains artistes, comme le plasticien Renaud Auguste-Dormeuil[10].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ Catherine Bertho-Lavenir, La Roue et le Stylo : Comment nous sommes devenus touristes, Paris, Odile Jacob, , 448 p. (ISBN 9782738165688), p. 257.
- Rachel Floch, « Le toposcope et l’indicateur des alpes », Projets de paysage, no 30, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Dominique Cardon, « Conclusion. La route et le paysage », dans quoi rêvent les algorithmes : Nos vies à l’heure des big data, Le Seuil, (ISBN 9782021279962, lire en ligne).
- ↑ « essai de chronologie sur l’histoire de l’émaillage de la lave de Volvic - profession émailleur sur lave », sur emailleursurlave.canalblog.com (consulté le )
- ↑ Rachel Floch, « Les Tables d’orientation du Touring Club de France (1903-1960) : pratique et connaissance du paysage par les images », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, no 18, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ (en) Matteo Citrini, « Spot the Fire, amuse the Alpinist. The toposcope an In Situ Panoramic Device (1790-1910) », Cinéma and Cie, vol. 23, no 40, , p. 39-55 (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Jean-Luc Arnaud, « Quand l’orographe de Franz Schrader couchait les Pyrénées », visionscarto, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Raphaël Larrère, Martine Berlan-Darqué et Bernadette Lizet, Histoire des parcs nationaux : Comment prendre soin de la nature ?, Quae, , 240 p. (ISBN 9782759213023), p. 46.
- ↑ Steve Hagimont, Pyrénées : Une histoire environnementale du tourisme, Champ Vallon, , 424 p. (ISBN 9791026710516).
- Laurence Madeline et Jean-Roch Bouiller, J'aime les panoramas : S'approprier le monde, Paris, Genève, Marseille, Flammarion, Musée d'art et d'histoire de Genève, MUCEM, , 256 p. (ISBN 9782081363304).