Le vote par approbation ou vote par assentiment est un système de vote simple étudié et défendu par des théoriciens depuis les années 1970[1],[2]. Dans ce système l'électeur s'exprime sur chaque candidat en indiquant s'il le soutient ou non, et le candidat soutenu par le plus grand nombre est élu.
Histoire
Le vote par approbation fut utilisé à Florence pour décider de l'éligibilité des magistrats[3], dans la république de Venise au XIIIe siècle ainsi qu'au XIXe siècle en Angleterre. Il est utilisé depuis 1987 pour des élections dans des associations (Mathematical Association of America (MAA), l'association américaine de statistique (ASA), la société Social Choice and Welfare (SSCW) et dans certains pays d'Europe de l'Est ou de l'ancien bloc soviétique[4]. Certains groupes de pression aux États-Unis[5] souhaitent le voir s'installer comme système de vote et la ville américaine de Fargo (Dakota du Nord) l'a adopté le , par référendum, pour ses élections officielles[6] ainsi que la ville de Saint Louis (Missouri) en 2020[7] à l'intérieur d'un système à deux tours.
Ce système présente également quelques affinités avec la grande liberté de choix laissée à l'électeur dans les élections municipales des communes françaises de moins de 1 000 habitants (depuis la réforme de 2014) puisque, dans ces communes, chaque électeur peut rayer autant de noms qu'il le souhaite sur les listes proposées, et que le décompte est effectué au niveau des candidats.
Principe
Mise en œuvre
Chaque électeur constitue une liste de tous les choix (des candidats par exemple) qu'il souhaite soutenir par son vote. Le choix qui recueille le plus grand nombre de voix est adopté. Ce système est équivalent pour l'électeur à ranger l'ensemble des choix en deux groupes :
- les choix qu'il approuve ;
- les choix qu'il désapprouve.
Le vote par approbation appartient à la catégorie des votes par valeurs, puisque l'électeur évalue indépendamment chacun des candidats, mais l'échelle de valeur y est réduite au minimum: approuver ou pas.
La procédure qui consiste à demander à l'électeur s'il approuve ou non chacun des choix proposés est utilisée pour retenir un seul choix (élection d'un seul candidat par exemple); c'est le vote par approbation standard. Mais elle peut se généraliser pour retenir deux candidats en vue d'un second tour, ou plusieurs (élection simultanée de plusieurs candidats). Il existe alors différentes variantes, dont en particulier le vote d'approbation proportionnel qui cherche à optimiser le degré de satisfaction générale.
Avantages et inconvénients
Les supporters américains du vote par approbation, comme Steven Brams et Dudley R. Herschbach, estiment que l'utilisation de cette méthode devrait avoir trois conséquences principales: augmenter la participation, éviter certains effets pervers de dispersion des voix qui sont inévitables dans les votes uni-nominaux, et réduire l'intensité des campagnes négatives[8].
Le vote par approbation permet à l'électeur de se prononcer sur plusieurs options avec un dépouillement qui reste plus simple que pour les systèmes de votes par classement, et les autres systèmes de par valeurs ou de par pondération.
Les études théoriques et empiriques[9] semblent indiquer que ce système de vote permet de choisir l'option qui correspond au plus grand consensus, et qu'il favorise l'élection des candidats consensuels, qui ne sont rejetés que par une minorité.
L'électeur a toujours la possibilité de ne soutenir qu'un seul candidat. Si tous les électeurs se comportaient ainsi, on en reviendrait alors à un scrutin uninominal majoritaire, mais ceci n'est pas observé en pratique[10],[11].
L'électeur peut procéder à des votes stratégiques, refusant de mettre dans sa liste d'approbation un candidat acceptable afin de diminuer son nombre de points et favoriser ainsi un autre candidat qu'il préfère. Une analyse par la théorie des jeux montre que le comportement rationnel d'un tel électeur serait de voter de la manière suivante : il approuve ou non chaque candidat en le comparant au candidat dont il pense qu'il a la plus grande chance de remporter l'élection (le candidat « principal ») ; et il décide d'approuver ou non le candidat principal en le comparant à son principal adversaire (le « challenger »). Si tous les électeurs votent rationnellement, ceci conduit à l'élection du candidat vainqueur de Condorcet s'il existe[12].
Expérimentation
Depuis les années 90, de nombreuses études ont été réalisées en laboratoire, afin d'étudier finement la manière dont ce mode scrutin est utilisé en pratique[13].
Le vote par approbation a été expérimenté plusieurs fois en France lors d’enquêtes réalisées à l'occasion des élections présidentielles, en 2002, en 2007, en 2012 et en 2017. L'expérience de 2012 s'est déroulée sur les communes de Saint-Étienne, Strasbourg et Louvigny et portait à la fois sur le vote par approbation et le vote par note[14],[15]. D'autres enquêtes similaires ont été réalisées en Allemagne et aux États-Unis[16].
Références
- Brams and Fishburn 1983
- Laslier and Sanver 2010
- Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, , p79
- (en) Steve Brams et Peter Fishburn, « Going from theory to practice: the mixed success of Approval Voting », mémo, New York University.
- (en) Voir https://www.electology.org/.
- (en) « Fargo, ND Becomes first US City to Adopt Approval Voting in Landslide Win », sur electology.org (consulté le ).
- (en) « Prop D (for Democracy!) », sur Prop D (for Democracy!) (consulté le ).
- Steven J. Brams et Dudley R. Herschbach, « The Science of Elections », Science, vol. 292, no 5521, , p. 1449 (PMID 11379606, DOI 10.1126/science.292.5521.1449, JSTOR 3083781, S2CID 28262658)
- Jean-François Laslier et Karine Van der Straeten, « Une expérience de vote par assentiment lors de l'élection présidentielle française de 2002 », Revue française de science politique, vol. 54, , p. 99-130 (lire en ligne, consulté le ).
- Voir Laslier, 2019
- (en-US) « Fargo's First Approval Voting Election: Results and Voter Experience », sur The Center for Election Science, (consulté le )
- Jean-François Laslier, « The Leader Rule: A model of strategic approval voting in a large electorate », Journal of Theoretical Politics 21: 113-136 (2008).
- Voir le chapitre 14 dans Laslier and Sanver, 2010.
- Antoinette Baujard et al., « Vote par approbation, vote par note », Revue économique, vol. 64, , p. 345-356 (lire en ligne).
- Laslier 2019
- Laslier, 2019
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Steve Brams et Peter Fishburn, Approval Voting, Boston, Birkhauser,
- Jean-François Laslier, Voter autrement. Le recours à l'évaluation, Editions Rue d'Ulm,
- (en) Jean-François Laslier et Remzi Sanver, Handbook on Approval Voting, Springer, (ISSN 1614-0311)
Liens externes
- Plateforme VoterAutrement d'expérimentation de systèmes de votation alternatifs pour l'élection présidentielle française de 2017 par un consortium de chercheurs.