Le yangisme[1],[2] (chinois simplifié : 杨朱学派 ; pinyin : ) est une école philosophique fondée par Yang Zhu qui a existé durant la période des Royaumes combattants (de 475 à 221 av. J.-C.) et qui repose sur la croyance que les actions humaines sont et devraient être basées sur l'intérêt personnel. L'école a été décrite par les sinologues comme une forme précoce d'égoïsme psychologique et d'égoïsme éthique[3]. L'accent principal est mis sur la nature humaine (性, )[3], un terme qui a été incorporé ultérieurement par Mencius au confucianisme. Aucun document pouvant être attribué à ses adeptes n'a été découvert pour l'instant et tout ce que l'on sait de cette école provient des commentaires des philosophes rivaux, en particulier des textes chinois suivants : Huainan Zi, Lüshi Chunqiu, Mengzi et éventuellement Lie Zi et Zhuangzi[4]. Le philosophe Mencius déclara que le yangisme a concurrencé le confucianisme et le moïsme par le passé, bien que la véracité de cette affirmation reste controversée parmi les sinologues[5]. Parce que le yangisme s'était déjà effacé à l'époque où Sima Qian a compilé son ouvrage, le Shiji, cette école de pensée n'a pas été incluse parmi les Cent écoles de pensée.
Philosophie
Le yangisme a été décrit comme une forme d'égoïsme psychologique et d'égoïsme éthique[3]. Les philosophes du yangisme croyaient en l'importance de protéger leurs propres intérêts en « gardant leur nature intacte, en protégeant leur individualité et en ne laissant pas leur corps être contraint par quoi que ce soit »[6]. S'éloignant des vertus confucéennes que sont la convenance (禮, ), la bienveillance (仁, ) et la droiture (義) ainsi que de la vertu légiste qu'est la loi (法, ), les yangistes considéraient le weiwo (為我, ), c'est-à-dire « tout pour soi-même », comme la seule vertu nécessaire pour se cultiver soi-même[7]. Les plaisirs personnels étaient jugés désirables, comme dans l'hédonisme, mais sans être au détriment de la santé de l'individu[8]. Les yangistes croyaient que le bien-être personnel était le but primordial de la vie et considéraient immoral et inutile tout ce qui y faisait obstacle[8].
L'accent principal est mis sur la nature humaine (性)[3], un terme qui a été incorporé ultérieurement par Mencius au confucianisme. Le xing, selon le sinologue A. C. Graham, est le « parcours approprié d'une personne dans le vie. Les individus ne peuvent prendre soin raisonnablement que de leur propre xing et ne devraient pas naïvement avoir à soutenir le xing des autres personnes, même si cela signifie s'opposer à l'empereur[6]. En ce sens, le yangisme est une « attaque directe » envers le confucianisme, en laissant entendre que le pouvoir de l'empereur, défendu par le confucianisme est sans fondement et destructeur et que l'intervention de l'état est moralement erronée[6].
« Ce pour quoi Yang Zhu vivait était lui-même. Si, en s'arrachant un poil, cela pouvait profiter au reste du monde, il ne le ferait pas. »
— Mencius à propos de Yang Zhu dans le Mengzi (IVe siècle av. J.-C.), [9]
Le philosophe confucéen Mencius dépeigne le yangisme comme l'opposé direct du moïsme : tandis que le moïsme instaure l'idée d'un amour universel et d'une sollicitude objective, les yangistes n'agissent que « pour eux-mêmes », rejetant l'altruisme du moïsme[10]. Il qualifia les yangistes d'égoïstes, dédaignant la charge de servir la communauté, se préoccupant uniquement de leurs inquiétudes personnelles[8]. Mencius voyait le confucianisme comme la « voie médiane » entre ces deux philosophies[5].
Influences sur les croyances postérieures
Mencius incorpora le concept yangiste de xing dans sa propre philosophie. Certains sinologues (et tout particulièrement Feng Youlan[11]) ont soutenu que le yangisme a influencé le taoïsme et peut être vu comme un précurseur des croyances ultérieures taoïstes[8]. Cette idée est notamment accréditée par les prises de positions de Yang Zhou sur :
- l’individualisme : Yang Zhou prône une attitude qui confine à l’égoïsme quand les Taoïstes mettent en avant le principe de non-interventionnisme vis-à-vis du groupe social
- le désintérêt pour la mort : Yang Zhou et les Taoïstes donnent la primauté totale à la vie et au corps vivant.
Il semble donc que les idées de Yang Zhou aient pu trouver un écho dans l’école philosophique naissante du taoïsme.
Voir aussi
Références
- « Les Cahiers de l'Hydre: Chârvâka – Yang Zhu – Épicure : une convergence historique », sur hydre-les-cahiers.blogspot.fr (consulté le ).
- Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Le Seuil, , 662 p. (ISBN 978-2-02-128415-7 et 2021284158, lire en ligne).
- (en) P.J. Ivanhoe et Bryan William Van Norden, Readings in classical Chinese philosophy, Hackett Publishing, , 416 p. (ISBN 978-0-87220-780-6, lire en ligne), « Yangism », p. 369
« Yangzhu's own way has been described as psychological egoism (humans are in fact motivated only by self-interest), ethical egoism (humans should do only what is in their own self-interest), or primativism (humans should only do what is in the interest of themselves and their immediate family »
- (en) Kwong-loi Shun, Mencius and Early Chinese Thought, Stanford University Press, , 40–41 p. (ISBN 978-0-8047-4017-3)
- (en) Kwong-loi Shun, Mencius and Early Chinese Thought, Stanford University Press, , 295 p. (ISBN 978-0-8047-4017-3), p. 36
« there is little evidence that Yangist teachings were influential during Mencius's time, and this has led some scholars to suggest that Mencius exaggerated the movement's influence »
- (en) Aaron Stalnaker, Overcoming our evil : human nature and spiritual exercises in Xunzi and Augustine, Washington (D. C.), Georgetown University Press, , 57 p. (ISBN 978-1-58901-094-9)
- (en) Dieter Senghaas, The clash within civilizations : coming to terms with cultural conflicts, Psychology Press, , 147 p. (ISBN 978-0-415-26228-6, lire en ligne), p. 33
- (en) Ronald Bontekoe et Eliot Deutsch, A companion to world philosophies, Wiley-Blackwell, , 142–143 p. (ISBN 978-0-631-21327-7)
- (en) Angus Charles Graham, Chuang-tzǔ : The Seven Inner Chapters and other writings from the book Chuang-tzǔ, Allen & Unwin, , 293 p. (ISBN 978-0-04-299010-1), p. 223
- (en) P.J. Ivanhoe et Bryan William Van Norden, Readings in classical Chinese philosophy, Hackett Publishing, , 416 p. (ISBN 978-0-87220-780-6, lire en ligne), p. 153
- (en) Feng Youlan, A short history of chinese philosophy, Macmillan Publishing Co. Inc., (ISBN 0-684-83634-3)
Liens externes
- Yangisme
- Yangisme, chapitre du Stanford Encyclopedia of Philosophy