Dans le langage courant, on utilise l’adjectif covariant lorsque deux phénomènes varient dans le même sens[1] et contravariant lorsque les deux phénomènes varient en sens contraires. En algèbre linéaire ces adjectifs correspondent à des définitions abstraites, le lien avec le sens courant n’étant découvert qu’ultérieurement.
Vecteurs covariants / contravariants
Soit un espace vectoriel. On note son espace vectoriel dual ; ses éléments sont appelés des covecteurs (quand on parle d’un vecteur, sans précision, il s’agit d’un vecteur de ).
Les vecteurs de sont aussi appelés vecteurs contravariants et ceux de vecteurs covariants. Ces définitions[2] sont intrinsèques (elles ne dépendent pas d’éléments extérieurs comme les bases par exemple) et, comme toute définition, elles n’ont pas besoin d’être justifiées.
Si l’espace est muni d’un produit scalaire (ou l’équivalent), ce qui est toujours le cas en physique, la distinction covariant / contravariant disparaît[3]. Il est donc difficile de comprendre ces notions si on se place dès le départ dans un espace où on ne les distingue pas.
Coordonnées covariantes / contravariantes
À toute base de on fait correspondre de manière canonique une base de appelée sa base duale. L’usage d’une base de implique nécessairement l’usage de sa base duale comme base de . On appelle coordonnées contravariantes les coordonnées d’un vecteur contravariant (donc d’un vecteur de ) dans une base et coordonnées covariantes les coordonnées d’un vecteur covariant (donc d’un covecteur de ) dans la base .
Cette distinction est particulièrement importante lorsque est muni d’un produit scalaire car, bien que l’on ne distingue plus les vecteurs, il y a deux bases distinctes (en général[4]) et donc deux systèmes de coordonnées. Dans ce cas, un vecteur est déterminé aussi bien par ses coordonnées contravariantes (coordonnées usuelles) que par ses coordonnées covariantes (produit scalaire)[5].
La manipulation des coordonnées covariantes et contravariantes est grandement facilitée par la convention de sommation d'Einstein ; elle est systématiquement utilisée dans les articles détaillés données en référence.
Expliquer le choix du vocabulaire mathématique sort du cadre mathématique mais n'est pas dénué d'intérêt pour autant. Pour comprendre le lien avec le sens courant, on considère deux bases de notées et avec (). Si est un vecteur de , on peut l’écrire sous la forme (on utilise la convention d'Einstein) ou encore , D’où : les coordonnées usuelles du vecteur varient donc dans le sens contraire de la base. Une étude plus complète (incluant les covecteurs) et plus générale est donnée dans les articles détaillés indiqués en référence.
Ces notions s’étendent de manière canonique aux tenseurs ainsi qu’aux champs de tenseurs définis sur une variété différentielle[6].
Bases covariantes / contravariantes
Ces adjectifs sont accolés aux bases de façons opposées selon le point de vue des auteurs et il ne semble pas y avoir de définition mathématique qui pourrait les départager. Cela n’a pas grande importance car les calculs sont identiques.
D’un point de vue théorique, la base étant constituée de vecteurs contravariants et permettant de calculer les coordonnées contravariantes d’un vecteur contravariant, il peut sembler naturel de l’appeler base contravariante. Pour les mêmes raisons, la base duale est alors nommée base covariante.
D’un autre point de vue, la base est constituée des vecteurs où est en a position "basse"; or, dans la convention d’Einstein, cette position est appelée "position covariante"[7]. Il peut alors sembler naturel de l’appeler base covariante et d'effectuer les calculs avec ces vecteurs de la même manière qu’avec leurs coordonnées. Dans ce cas la base duale est nommée base contravariante.
En pratique la convention d’Einstein est très utile et répandue, même si d'un point de vue théorique elle n’est pas nécessaire[8]. C’est donc l'importance que l’on porte à cette convention qui détermine la nomenclature employée.
Abus de langage
Il est courant de désigner un vecteur (et plus généralement un tenseur) par ses coordonnées dans une base (non nécessairement précisée). On dira, par exemple « le vecteur covariant » au lieu de « le vecteur dont les coordonnées covariantes sont ». C’est bien sûr un abus de langage (il n’y a pas d’ambiguïté car est un réel et non un vecteur) et on remarque que l’adjectif covariant est affecté au vecteur (ce qui, par exemple, en physique n’a plus lieu d’être) au lieu de ses coordonnées.
Dans le même esprit on peut parler de « la base » et même, si on adopte le second point de vue, de « la base covariante » ; là encore il n’y pas d’ambiguïté car est un vecteur et non une base.
On devrait cependant s’interdire de parler « du vecteur covariant » car c’est faux dans le cas général et au mieux non pertinent.
Notes
- COVARIANT, ANTE, adj. et subst. Étymol. et Hist. 1877 covariant subst. (Littré Suppl.); 1932 adj., supra ex. 1. Composé de co-* et variant*; cf. angl. covariant, de même sens (1853-1905, NED Suppl.2).
- Barbotte, p. 16.
- Berger, p. 21 isomorphismes musicaux. Voir aussi ici
- Dans le cas particulier où la base est orthonormale, elle est égale à sa base duale ce qui entraîne l’égalité des coordonnées.
- Cela n’est pas la définition des coordonnées covariantes : c’est juste une conséquence de l’introduction du produit scalaire .
- Berger, p. 20.
- Voir par exemple [Ogden,23], p. 33, sec. 1.4.
- Dans la plupart des ouvrages mathématiques, on écrit .
Bibliographie
- Marcel Berger, Paul Gauduchon et Edmond Mazet, Le spectre d'une variété riemannienne, Berlin · Heidelberg, Springer-Verlag, coll. « Lecture Notes in Mathematics »,
- Jean Barbotte, Le calcul tensoriel, Paris, Bordas, coll. « Bibliothèque de la science moderne »,
- (en) RW Ogden, Nonlinear Elastic Deformations, Courier Corporation,