Kanesh (tr) Kültepe | |||
![]() Ruines du kārum (quartier marchand) de Kanesh. | |||
Localisation | |||
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Pays | ![]() |
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Province | Kayseri | ||
Coordonnées | 38° 51′ 00″ nord, 35° 38′ 00″ est | ||
Histoire | |||
Époque | IIIe et IIe millénaires av. J.-C. | ||
Critères | (ii) (d) et (iii) (d) | ||
Géolocalisation sur la carte : Turquie
Géolocalisation sur la carte : province de Kayseri
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Kültepe (Colline de cendres en turc) est un site archéologique de Turquie, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Kayseri. Il correspond à l’ancienne ville hittite appelée Kanesh et plus tard Nesha au IIe millénaire av. J.-C. Ce site est surtout connu pour avoir livré des milliers de tablettes rédigées par des marchands de la cité d’Assur établis dans le quartier marchand (kārum) de Kanesh entre la seconde moitié du XXe siècle av. J.-C. et le milieu du XVIIIe siècle av. J.-C., fournissant ainsi une source de premier ordre sur le commerce dans la Haute Antiquité.
Situation régionale
Fouilles
Les premières fouilles sur le site de Kültepe sont le fait de fouilleurs clandestins, durant la seconde moitié du XIXe siècle. Ces tablettes, vendues sur le marché de Kayseri à partir de 1881, attirent l’attention de chercheurs, qui repèrent vite qu’elles proviennent d’un seul et même site, correspondant à l’antique Kanesh. Benno Landsberger identifie en 1924 le site comme étant celui de Kültepe, dont le tell a déjà été fouillé par des Français puis des Allemands, sans livrer de tablettes. L’année suivante, le philologue tchèque Bedrich Hrozny est finalement orienté vers la zone de l’ancien quartier marchand (le kārum), où il trouve un millier de tablettes. Les archéologues turcs prennent le chantier en main après 1948, et depuis le site de Kültepe fait l’objet d’une campagne de fouilles chaque année, et les trouvailles de tablettes ne se sont pas arrêtées.
Morphologie et stratigraphie

Phases anciennes
La citadelle de Kültepe est habitée au moins depuis le milieu du IIIe millénaire. C'est des années 2400-2100 que date un imposant palais situé sur le tell principal, attestant de la présence sur place d'un centre de pouvoir important. Suivant un récit postérieur d'environ un millénaire, un souverain de Kanesh aurait participé à une révolte contre le roi mésopotamien Naram-Sin d'Akkad (v. 2254-2218) aux côtés d'autres souverains d'Anatolie. L'historicité de cet événement est à démontrer, mais il apparaît au moins grâce aux nombreux sceaux mis au jour dans le palais que Kanesh était alors en relations avec la Syrie et la Mésopotamie[1].
Le royaume de Kanesh
L'Anatolie centrale et ses royaumes
L'Anatolie centrale du Bronze moyen est fragmentée politiquement, divisé en plusieurs États. Le royaume de Kanesh présente comme ses voisins une organisation politique qui peut-être caractérisée comme un cité-État : il est organisé autour de son centre principal, Kanesh, qui lui donne son nom et domine un territoire sur lequel se trouvent plusieurs villages. Il est dirigé par un souverain qui porte plutôt dans la documentation assyrienne le titre de « prince » (rubā'um, plutôt que celui de « roi » (šarrum). On trouve aussi dans la documentation de la période des « princesses » (rubātum), dont certaines dirigent seules leur royaume[2].
Bien que leur base économique soit agricole, les cités anatoliennes font reposer une bonne part de leur prospérité sur l'exploitation des minerais et leur commerce. L'Anatolie dispose de plusieurs gisements qui jouent un rôle important pour l'approvisionnement en métal des autres régions du Moyen-Orient : la région de Niğde dans le Taurus a des mines de galène et de plomb argentifère ; celle de Burushattum, vers l'ouest de l'Anatolie, dispose de mines d'argent, qui en font le principal marché pour ce minerai à l'époque paléo-assyrienne ; de l'or était extrait dans l'ouest et le sud-ouest de l'Anatolie ; des mines de cuivre se trouvent en plusieurs endroits, les plus actives étant situées au nord, dans des régions du bord de la mer Noire, le marché du cuivre le plus dynamique étant situé à Durhumit. Du fer natif circule également en très petite quantité, mais il est d'une très grande valeur. En pratique, les minerais étaient fondus, raffinés et transformés en lingots, anneaux ou sous d'autres formes près de leurs lieux d'extraction, afin de circuler plus facilement[3].
L'administration du royaume de Kanesh
Le royaume de Kanesh dirige un territoire comprenant une dizaine de villages dans la période du Karum II. Il s'agrandit apparemment dans la période suivante, puisqu'à l'époque du Karum Ib il semble dominer près d'une vingtaine de villages, et dispose de principautés vassales[4].
Le centre de l'administration est le palais (ekallum), terme qui désigne en premier lieu l'édifice où réside le couple royal et sa famille, depuis lequel est gouverné le royaume grâce à des fonctionnaires au service du roi, mais plus largement le domaine dépendant du roi, qui comprend des champs, des ateliers, des troupeaux, une force de travail et d'importants magasins. Le rôle économique du palais est donc très important, a plus forte raison si on prend en considération les taxes et les corvées dont il bénéficie[5].
Les noms des principales fonctions de l'administration du royaume sont connues par leurs équivalents assyriens, et faute de documentation plus précise il est souvent difficile de savoir quelles fonctions étaient assignées à ces personnages, mais on décèle la présence d'une administration structurée. Ses cadres sont désignés par le terme rāb(um) « chef » suivi d'un domaine de compétence : le porte-sceptre en chef, l'échanson en chef, le chef de la table sont au service du roi et gèrent le cérémonial de la cour ; un chef des courtisans semble s'occuper des petits dignitaires ; le chef des travailleurs gère les artisans, qui sont subdivisés en équipes ayant chacune leur chef (forgerons, foulons, etc.) ; la supervision du commerce est faite par le chef du marché, le chef des exportations, peut-être un chef des traducteurs. Le sommet de la hiérarchie semble occupée par le chef de l'escalier, qui est apparemment le prince héritier et dont le nom dériverait du fait qu'il contrôle l'escalier donnant accès au couple royal lors des audiences, et le chef de la bataille qui comme son nom l'indique supervise les affaires militaires[6],[7].
En sachant qu'en l'absence de bureaucratie au sens moderne du terme leurs rôles peuvent ne pas être clairement fixés mais varier selon les circonstances, et que certaines personnes détiennent deux titres. La petite taille du royaume facilite sans doute un accès plus rapide aux principaux fonctionnaires et les rapports directs. L'exercice de la justice qui semble souvent pouvoir être géré personnellement par le couple royal (il n'y a apparemment pas de juge de profession). Les banquets jouent sans doute un rôle important dans les affaires du royaume, les plus importants pouvant réunir des centaines de personnes[8].
La citadelle et le palais
Sur la citadelle, la période des comptoirs assyriens correspond aux niveaux 10 à 6, surtout attestés pour les niveau 8 et 7 qui comprennent les principaux édifices monumentaux[9].
Le palais royal occupe le centre de la colline. Deux constructions s'y succèdent. La plus ancienne, le Vieux Palais, correspond au niveau archéologique 8. Ses ruines ont été repérées sur 80 mètres, enfouis sous les murs du palais qui lui succède. Ses propres fortifications sont épaisses de quatre mètres. Il ne s'agit pas d'une structure unique mais d'un ensemble comprenant au moins trois bâtiments, certaines pièces ayant manifestement été rajoutées au fil du temps selon les besoins. La partie nord, aux sols pavés de pierre, comprend une grande salle entourée d'annexes comme des cuisines au sud. Cet édifice est détruit par un incendie et a livré peu d'objets[10].
Le palais royal du niveau 7 est surnommé « palais de Warshama », d'après le nom d'un des rois qui l'occupe. C'est un édifice fortifié de 120 × 110 mètres, construit en briques crues, bois et argile sur des fondations de pierre de 2,5-4 mètres de profondeur dans lesquelles sont encastrées des poutres de bois. Il est organisé autour d'une cour centrale, relié aux pièces qui le composent par des corridors, et l'épaisseur des ces murs indique qu'il avait un étage. La partie nord de l'édifice, la mieux préservée, comprend 42 pièces. L'entrée principale est située à l'ouest, gardée par deux tours, avec une poterne dans sa partie sud. Son architecture annonce celle des palais de l'empire hittite. L'édifice a livré quelques tablettes, des scellements, de la céramique. Il est également détruit par un incendie, et il est probable que les documents et objets les plus importants aient été enlevés avant la catastrophe ou après[11]. Ses poutres en bois ont permis de dater sa construction par le procédé de dendrochronologie : le palais aurait été construit vers 1836-1825 av. J.-C., et restauré par endroits vers 1775-1764 av. J.-C.[12].
Pour le niveau 8, un autre palais a été dégagé dans la partie sud du tell. Il est long d'un peu moins de 90 mètres. Il n'en reste plus grand chose puisqu'il a été détruit par la construction de la muraille hellénistique. Il comprend un long corridor en partie couvert de planches de bois et de pierres plates, conduisant à une grande cour, des pièces de srvice, des magasins, des pièces à vivre, et il avait un étage qui devait servir d'espace de résidence et de réception de la famille royale. Il est également détruit dans un incendie et a livré peu de matériel, surtout de la poterie[9].
Deux édifices datés du niveau 7, de plan identique et séparés d'une quarantaine de mètres, ont également été mis au jour. Ils mesurent environ 27 × 22 mètres, avec des projections en forme de tourelles à leurs angles. Il s'agit probablement de temples, mais là encore ils ont été détruits par l'incendie et ont livré très peu de matériels permettant de mieux comprendre leur fonction[13].
Un édifice rectangulaire de 18 × 7,5 mètres est daté de la même époque. Un de ses pièces a livré pour 3 tonnes de pièces d'obsidienne brute, une autre la dague au nom du roi Anitta[14].
Société, économie, culture
Les Assyriens désignent les Anatoliens par le terme générique et englobant nuwa'um, mais en pratique la population du royaume de Kanesh est mixte ethniquement et linguistiquement, ce qui est visible par les noms de personnes et quelques termes non assyriens présents dans des tablettes. Le principal groupe sont les Hittites, ou du moins ceux que la recherche moderne désigne ainsi, des populations parlant la langue indo-européenne qui devait par la suite être celle de l'empire hittite. Durant l'époque hittite, postérieure aux archives de Kanesh, cette langue était d'ailleurs désignée comme Nésite (nesili), « langue de Nesha », c'est-à-dire Kanesh. Une autre population indo-européenne est attestée, les Louvites. Les autres groupes apparaissant dans les textes sont les Hattis, présents dans la région de la boucle du Kizil Irmak, qui parlent une langue sans parenté connue. Des personnes portent également des noms hourrites, une population importante surtout en Haute Mésopotamie. Les Assyriens constituent quant à eux un groupe limité numériquement, mais important économiquement et aussi culturellement puisque leur écriture est adoptée par les administrations locales, ce qui suppose un apprentissage de l'assyrien[15].
L'élite du royaume de Kanesh est constituée par la famille royale et celles des détenteurs de principales charges administratives. Ils possèdent le plus grand nombre de terres, qui circulent en leur sein puisque le roi donne à ses proches des domaines, voire des villages entiers, en cadeau ou pour rémunérer leur fonction à son service. L'essentiel de la population du royaume est constituée de ruraux libres, mais pauvres (ḫupšum), surtout des paysans pratiquant une agriculture vivrière qui devait à peine leur fournir de quoi survivre, sur des domaines du palais ou des élites. La précarité de leur condition les fait souvent contracter des dettes auprès de riches anatoliens ou de marchands assyriens, les soumettant à un endettement qui pouvait devenir insoutenable[16],[17]. En effet l'esclavage pour dette est présent, concernant les personnes endettées elles-mêmes ou des membres de leur famille, et dure le temps de rembourser une certaine somme, souvent équivalente au double de la dette initiale. Ils sont employés dans un cadre domestique. L'administration supervisait les ventes d'esclaves anatoliens[18],[19].
L'organisation familiale est surtout connue par le biais des mariages contractés entre des marchands assyriens et des femmes anatoliennes, qui reposent en bonne partie sur les coutumes locales et sont supervisés par le roi et un haut dignitaire. Les deux époux ont un statut égal : ils possèdent le patrimoine en commun et peuvent chacun demander le divorce. Le père de famille a néanmoins le pouvoir de mettre en gage son épouse et ses enfants lorsqu'il contracte un prêt, et ils deviennent la propriété du prêteur s'il ne parvient pas à le rembourser. L'adoption est attestée par des contrats. Elle peut concerner des jeunes adultes qu'un couple sans enfant adopte afin qu'il s'occupe d'eux durant leurs vieux jours. Sont aussi attestées des indivisions entre frères partageant la propriété du patrimoine de leurs parents âgés, même si certains sont déjà mariés. Le patrimoine est divisé à la mort des parents[20].
L'agriculture et l'élevage sont les principales activités des populations de l'Anatolie centrale du Bronze moyen. Les céréales cultivées sont principalement le blé et l'orge, sur des champs non irrigués mis en jachère une année sur deux. Le sésame est cultivé pour fabriquer de l'huile qui sert aussi bien pour l'alimentation, l'éclairage que la confection de parfums. Des champs irrigués permettent de pratiquer la culture d'arbres fruitiers, de légumes et d'aromates. Les oliviers et la vigne font partie des cultures de la région[21]. Les terres sont possédées par le roi (le « palais » au sens institutionnel), ses proches auxquels il en distribue, et des fermiers. Certaines terres sont concédées par le palais contre une obligation de service. Le palais prélève également une taxe constituée par une portion de la récolte, qui peut être très élevée dans le cas de personnages possédant des villages entiers Les animaux élevés sont avant tout les moutons et les chèvres, mais on trouve aussi des bovins et des porcs. Le palais possède les troupeaux les plus importants, qui lui permettent notamment de produire de la laine. Il élève aussi des ânes, des chevaux et des chiens[22],[21].
Bien qu'elle ne soit pas située dans une région minière, Kanesh est un important lieu pour le commerce des métaux, ne serait-ce que par la présence des marchands assyriens dont l'implantation en Anatolie est motivée par la recherche d'argent et d'or. Ils y amènent de l'étain (originaire d'Asie centrale), qui sert à faire du bronze, en étant allié avec le cuivre extrait en Anatolie. Des forgerons travaillent les métaux à Kanesh : des ateliers ont été mis au jour dans la ville basse, avec des moules pour faire des outils, des armes, et des lingots. Les sources textuelles confirment l'existence de pots, des chaudrons, de couteaux, de bêches, de haches, de faux etc. en bronze[3].
Les échanges de biens peuvent se faire sous différentes modalités. Il y avait des marchés où se vendent du grain, des bêtes, des esclaves, et divers autres biens. Les marchands assyriens vendent de l'étain et des étoffes au palais et à l'élite[23].
La religion de la population de Kanesh transparaît dans plusieurs sources. La divinité tutélaire de la cité est Anna (apparemment une déesse, mais certains historiens y voient un dieu). D'autres divinités sont connues par les textes, notamment parce que leurs prêtres sont mentionnées, par exemple Hikisha, Harihari, Ilaliyanda, Nepash, Parka, Kubaba(t), le « Seigneur de la Bataille » (Bēl qablim), Nisaba (Halki), Pirwa, et les divinités personnifiant l'Orage et le Soleil, sans doute le couple divin dominant les panthéons anatoliens formé par le dieu de l'Orage (Nepash ?) et la déesse du Soleil (identique à Anna ?). Des rivières et montagnes divinisées apparaissent aussi, comme il s'en trouve plus tard dans la religion hittite. Des fêtes se déroulent en l'honneur des divinités qui sont les plus importantes, notamment à Anna et Nepash dont les temples sont également mentionnés[19],[24].
La fin du royaume de Kanesh

La fin de la période des archives assyriennes correspond à un changement de la situation politique en Anatolie : la région est en voie d’unification sous la houlette des souverains de la cité de Kussara, située au nord de Kanesh, Pithana puis son successeur Anitta. Une inscription au nom de ce dernier a été retrouvée sur une tête de lance mise au jour dans le palais royal. Il semble avoir fait de Kanesh sa capitale.
Le quartier marchand et le commerce assyrien
Textes et sceaux
Le corpus de textes livré par le kārum de Kanesh le place parmi les sites les plus prolifiques du Proche-Orient ancien : 22 000 tablettes répertoriées environ. Des près de 5 000 tablettes et fragments qui ont été exhumés avant 1948, plus des trois quarts proviennent de fouilles clandestines, et se trouvent dans des collections dispersées. Le reste, découvert depuis 1948, se trouve à Ankara. Hormis une poignée de tablettes retrouvées dans le palais royal, la documentation est le fait de marchands de la cité-État d’Assur faisant des affaires en Anatolie. Elle est rédigée dans leur langue, le paléo-assyrien (forme ancienne de l’assyrien), en cunéiforme. Une grosse partie est composée de documents de nature privée : des lettres avant tout. Les tablettes de nature juridique (contrats, actes de vente, de prêts, créances, procès-verbaux, verdicts judiciaires) sont également nombreuses. On a également retrouvé des textes de comptabilité, et quelques exercices scolaires, des incantations, et des textes littéraires[25].
Le commerce assyrien en Anatolie
L'histoire du site devient plus claire grâce aux archives paléo-assyriennes de la première moitié du IIe millénaire. C'est de cette période que datent les archives des marchands assyriens, plus de 20 000 tablettes et fragments, dont un corpus de premier ordre du Proche-Orient ancien, documentant les activités commerciales, mais aussi la politique et la société d'Assur et de l'Anatolie à ces périodes (voir période paléo-assyrienne). Si l’histoire du kārum se divise en quatre niveau archéologiques (les deux premiers remontant à la seconde moitié du IIIe millénaire), les tablettes proviennent majoritairement du niveau II, qui correspond à la période allant environ de 1945 à 1835 av. J.-C., soit du règne de Erishum Ier d’Assur à celui de Naram-Sîn d’Assur. Après un trou d’une vingtaine d’années dans les archives, dont la cause exacte n’est pas élucidée, environ 400 tablettes nous sont parvenues du niveau Ib, correspondant à la période durant laquelle Assur est dominée par la dynastie d’Ekallatum, représentée par Shamshi-Adad Ier (Samsî-Addu) et son fils Ishme-Dagan (d’environ 1800 à 1750 av. J.-C.).
- Tablettes des archives des marchands assyriens exhumées à Kültepe
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Lettre d'un marchand à un responsable de convoi.
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Compte des recettes et dépenses d'un convoi.
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Reçu pour un prêt en argent.
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Compte-rendu de procès.
Une société cosmopolite
Résidences
Le quartier des marchands (kārum) d’Assur était bâti sur la partie basse du tell de Kültepe, protégé par une enceinte. Quatre phases d’occupation y ont été identifiées, celles datant de la première moitié du IIe millénaire, ayant vu l’installation des Assyriens à Kanesh. Le niveau II est celui qui connaît l’occupation la plus importante, et a livré le plus de tablettes. Le kārum est abandonné après la période Ia, qui correspond aux années précédent la constitution du royaume hittite.
Le quartier des marchands est un espace relativement ouvert, traversé par des voies larges, et percé de sortes de places. Les maisons sont regroupées en îlots. Elles connaissent une division classique autour d’un espace central, en trois espaces : magasins (renfermant souvent les archives), bureau et habitation. Certaines possédaient un étage. D’autres habitations de taille réduite ne comportaient que deux salles avec éventuellement une petite cour.
Culture matérielle
Le matériel archéologique retrouvé dans les résidences est toujours de type anatolien. On y a notamment trouvé de la vaisselle : des pots en céramique, des rhytons souvent zoomorphes (lions, aigles), et aussi des objets en métal. Les tombes se trouvaient sous les maisons, et ont également livré quelques objets (armes, bijoux, vaisselle).
En l’absence de matériel archéologique assyrien, ce sont donc les trouvailles de tablettes paléo-assyriennes qui permettent d’identifier les résidences des marchands d’Assur. Celles-ci se trouvent surtout vers le nord du kārum, le sud étant habité surtout par des Anatoliens. Les textes pouvaient être conservés dans des jarres, des paniers, des caisses, ou bien sur des étagères.
Des ateliers ont également été mis au jour : céramistes, métallurgistes, travail de la pierre. Les archéologues pensent également avoir identifié des tavernes. En revanche, aucun bâtiment religieux ou public n’a été identifié, bien qu’ils soient mentionnés dans les textes.
Périodes postérieures
Kanesh et les Hittites
Après cette époque, le royaume hittite se constitue, dans des circonstances encore non élucidées. Kanesh est en tout cas une ville de ce royaume, et le palais de la citadelle comporte un niveau remontant à la période impériale hittite (XIVe – XIIe siècles). La ville occupe apparemment une position importante dans l’histoire des origines des Hittites, puisque la langue de ce peuple est alors qualifiée de nešumnili, c'est-à-dire la langue « de Nesha », autre nom de Kanesh. Un récit légendaire, parfois appelé Légende de la Reine de Kanesh (CTH 3), renvoie également à la place de la cité dans la tradition relative aux origines du peuple hittite.
Période néo-hittite
Époques hellénistique et romaine
Le site de Kültepe connaît une réoccupation à l'époque hellénistique, au IIe siècle av. J.-C. C'est alors une petite cité nommée Hanisa/Anisa, ce qui semble être une évolution de son nom antérieur Kanish. Cela est connu grâce à une inscription en grec sur plaque de bronze[26] datée des années 160-150[27] comportant un décret honorant un certain Apollonios, fils d'Abbas, en raison de l'aide qu'il a apporté à la communauté locale dans une dispute légale. Cela atteste l'existence d'une cité grecque (polis) avec ses institutions caractéristiques : conseil (boulè), assemblée (ekklèsia), des magistrats (archon, prytane, demiourgos), une constitution (politeia). La plupart des noms sont indigènes, et le temple où est déposé l'inscription est dédié à la déesse orientale Astarté. Cela signifie qu'on est en présence d'un phénomène d'hellénisation, mais probablement pas d'une colonie grecque, donc d'une adoption volontaire de la culture grecque par imitation par des Indigènes, sans doute sous l'influence de cités grecques voisines[28].
Sur l'acropole, ces périodes correspondent aux niveaux 3, hellénistique, et 2 et 1, romains. Les fouilles archéologiques ont identifié pour cette période une muraille qui encercle l'acropole, ce qui indique que l'habitat est alors moins étendu qu'au Bronze moyen. L'ancienne ville basse est en partie utilisée comme nécropole. La site est déserté à la fin de l'époque romaine, et n'a pas d'occupation notable par la suite[29].
Notes et références
- ↑ (en) F. Kulakoğlu et G. Öztürk, « New evidence for international trade in Bronze Age central Anatolia: recently discovered bullae at Kültepe-Kanesh », sur Antiquity Journal, (consulté le )
- ↑ Michel 2014, p. 119-120.
- Michel 2011, p. 325.
- ↑ Michel 2011, p. 321.
- ↑ Barjamovic 2022, p. 519.
- ↑ Michel 2011, p. 323.
- ↑ Barjamovic 2022, p. 522-526.
- ↑ Barjamovic 2022, p. 522-525.
- Kulakoğlu 2011, p. 1015.
- ↑ Kulakoğlu 2011, p. 1016-1017.
- ↑ Kulakoğlu 2011, p. 1017-1018.
- ↑ (en) M. W. Newton et P. I. Kuniholm, « A Dendrochronological Framework for the Assyrian Colony Period in Asia Minor », dans Türkiye Bilimler Akademisi Arkeoloji Dergisi 7 VII, 2004, p. 165–176.
- ↑ Kulakoğlu 2011, p. 1018.
- ↑ Kulakoğlu 2011, p. 1018-1019.
- ↑ Michel 2011, p. 327.
- ↑ Michel 2011, p. 6.
- ↑ Michel 2014, p. 121.
- ↑ Michel 2011, p. 326.
- Michel 2014, p. 122.
- ↑ Michel 2011, p. 328.
- Michel 2014, p. 114-115.
- ↑ Michel 2011, p. 324.
- ↑ Michel 2011, p. 325-326.
- ↑ Barjamovic 2022, p. 536-539.
- ↑ (en) K. R. Veenhof, « Archives of Old Assyrian Traders », dans M. Brosius (dir.), Archives and Archival Tradition: Concepts of Record Keeping in the Ancient World, Oxford, 2003, p. 78-123
- ↑ https://epigraphy.packhum.org/text/287316
- ↑ https://anatolianarchaeology.net/the-2000-year-old-anisa-plate-shows-that-greek-was-spoken-in-anatolia-at-that-time/
- ↑ Philippe Clancier, Omar Coloru et Gilles Gorre, Les mondes hellénistiques : du Nil à l'Indus, Paris, Hachette Supérieur, coll. « Carré Histoire », , p. 242.
- ↑ Kulakoğlu 2011, p. 1019.
Bibliographie
Présentations synthétiques
- (en) Tahsin Özgüç, « Kaneš », dans Eric M. Meyers (dir.), Oxford Encyclopaedia of Archaeology in the Ancient Near East, vol. 3, Oxford et New York, Oxford University Press, , p. 266-268
- (en) Fikri Kulakoğlu, « Kültepe-Kaneš: A Second Millennium B.C.E. Trading Center on the Central Plateau », dans Sharon R. Steadman et Gregory McMahon (dir.), Handbook of ancient Anatolia (10,000–323 B.C.E.), Oxford, Oxford University Press, , p. 1012-1030
Contexte politique et culturel
- (en) Klaas R. Veenhof, « The Old Assyrian Period », dans Klaas R. Veenhof et Jesper Eidem, Mesopotamia, The Old Assyrian Period, Fribourg et Göttingen, Universitätsverlag Freiburg Schweiz et Vandenhoeck & Ruprecht, coll. « Orbis Biblicus et Orientalis » (no 160/5), , p. 13-264
- (en) Cécile Michel, « The Kārum Period on the Plateau », dans Sharon R. Steadman et Gregory McMahon (dir.), Handbook of ancient Anatolia (10,000–323 B.C.E.), Oxford, Oxford University Press, , p. 313-336
- (en) Cécile Michel, « Central Anatolia in the Nineteenth and Eighteenth Centuries BC », dans Eva Cancik-Kirschbaum, Nicole Brisch et Jesper Eidem (dir.), Constituent, Confederate, and Conquered Space in Upper Mesopotamia: The Emergence of the Mittani State, Berlin et Boston, De Gruyter, (lire en ligne), p. 111-136
- (en) Gojko Barjamovic, « Before the Kingdom of the Hittites: Anatolia in the Middle Bronze Age », dans Karen Radner, Nadine Moeller et Daniel T. Potts (dir.), The Oxford History of the Ancient Near East, Volume 2: From the End of the Third Millennium BC to the Fall of Babylon, New York, Oxford University Press, , p. 497-565
Études spécialisées
- Cécile Michel, Correspondance des marchands de Kaniš au début du IIe millénaire avant J.-C., Paris, Le Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient »,
- (en) Mogens Trolle Larsen, Ancient Kanesh : A Merchant Colony in Bronze Age Anatolia, Cambridge, Cambridge University Press,
- (en) Levent Atici, Fikri Kulakoğlu, Gojko Barjamovic et Andrew Fairbairn (dir.), Current Research at Kültepe-Kanesh: An Interdisciplinary and Integrative Approach to Trade Networks, Internationalism, and Identity, Atlanta, Lockwood Press, coll. « The Journal of Cuneiform Studies Supplemental Series » (no 4),
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- « Courriers assyriens : l'archéologie au pied de la lettre », L'Entretien archéologique, France Culture, 29 novembre 2024.
- « Kaniš, un comptoir commercial assyrien en Anatolie », sur le site Hatti, Association des amis de la civilisation hittite, 1998 ;
- « Calculer chez les marchands Assyriens au début du IIe millénaire av. J.-C. », sur le site CultureMATH, 2006.
- Kültepe, un site pilote pour la recherche interdisciplinaire, sur le blog Brèves mésopotamiennes, 2015
- Les lettres de Kanesh, par Stéphane Foucart : série de cinq articles sur Le Monde.fr, août 2024
Bases de données et dictionnaires
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