Lemme de Scheffé — Soit une suite de fonctions mesurables positives définies sur le même espace mesuré. Supposons que converge -presque partout vers une fonction et que la suite converge vers . Alors converge vers dans
Démonstration
On a
Mais
Or est intégrable, et, par hypothèse, converge vers 0 μ-p.p., ce qui permet de conclure, à l'aide du théorème de convergence dominée, que
En conséquence,
Corollaire — Soit une suite de densités de probabilité définies sur le même ensemble E et par rapport à la même mesure μ sur l'espace mesurable. Supposons que converge μ-presque partout vers une densité de probabilité . Alors
converge vers dans
si les variables aléatoires Xn et X ont pour densités respectives et alors Xnconverge en loi vers X
Démonstration
Le premier point est une conséquence immédiate du lemme précédent.
Pour le deuxième point, notons que pour φ continue bornée sur E on a
De manière un peu surprenante, lorsque des fonctions sont positives et ont la même intégrale, on est donc affranchi des hypothèses habituelles de majoration uniforme de l'erreur apparaissant dans le théorème de convergence dominée.
En général, on applique le lemme de Scheffé dans le cas où et où la mesure μ est la mesure de Lebesgue : les variables aléatoires apparaissant dans le lemme sont alors des variables "à densité".
Un autre cadre d'application du lemme de Scheffé concerne des densités par rapport à la mesure de comptageμ sur : les variables aléatoires apparaissant dans le lemme sont alors des variables "discrètes" et la densité de Xn est définie, pour par
Dans ce cadre, il découle du lemme de Scheffé que Xnconverge en loi vers X si (et seulement si) :
Sous les hypothèses du lemme de Scheffé, on obtient en fait une convergence plus forte que la convergence en loi :
La convergence des probabilités est donc uniforme sur Pourtant, la convergence en loi, d'ordinaire, ne s'accompagne pas forcément d'une convergence simple (ni, a fortiori, d'une convergence uniforme) sur : par exemple, si Y est gaussien standard, si alors
alors que, pour autant, Xn converge en loi vers 0.
Pour n ≥ 1 et 0 ≤ pn ≤ 1, la loi binomiale de paramètres n et pn a pour densité, par rapport à la mesure de comptage sur la fonction (fn) définie sur par
La suite (fn) converge simplement vers la fonction f définie par :
dès que
Ainsi, en conséquence du lemme de Scheffé, dès que , la loi binomiale de paramètres n et pn converge vers la loi de Poisson de paramètre λ.
Sous certaines conditions, on peut adapter le lemme de Scheffé pour démontrer la convergence de lois discrètes vers des lois à densité. Pour un vecteur , notons le vecteur de coordonnées , . Alors
Lemme de Scheffé discret —
On se donne une suite de v.a. à valeurs dans , une suite , tendant vers , de réels strictement positifs, et une densité de probabilité sur . Si p.p. en x on a
Xn/an converge faiblement vers .
Démonstration
Considérons la fonction
C'est une densité de probabilité par rapport à la mesure de Lebesgue (notée μ) sur . Par exemple, si U est une variable aléatoire de loi uniforme sur [0,1]d, indépendante de Xn, alors est la densité de
Le lemme de Scheffé ordinaire montre que Yn converge en loi vers . Mais, pour n'importe quelle norme sur ,
Une fois cette dernière démonstration faite, le lemme de Scheffé discret dispense de trouver une majoration du terme d'erreur
uniforme pour ce qui serait une manière plus lourde de montrer que
Habituellement, un contrôle uniforme de la rapidité de convergence des termes de la somme est nécessaire pour assurer la convergence du terme de gauche de l'égalité (le terme de gauche est une somme finie dont le nombre de termes tend vers l'infini) vers l'intégrale limite. Dans ce cas précis, grâce au lemme de Scheffé, la convergence des termes de la somme, renormalisés, suffit pour assurer la convergence du terme de gauche de l'égalité.
La loi de la distance Dn entre deux points au hasard d'un arbre de Cayley aléatoire, est donnée, pour par
En vertu de la bijection de Joyal, c'est aussi la loi du nombre de points cycliques d'une application de dans Cette loi discrète apparaît aussi dans des problèmes d'allocations (boules et urnes), dont le fameux problème des anniversaires. Lorsqu'on alloue séquentiellement des boules dans un ensemble de n urnes, avec équiprobabilité, ce qui revient à considérer un univers probabiliste le rang de la première boule à être allouée dans une urne non vide suit la même loi que 2 + Dn : pour
On peut montrer, à l'aide du lemme de Scheffé, que
En effet, pour un nombre réel x strictement positif,
où
et pour suffisamment petit,
Plus précisément, pour
et pour dès que
Ainsi, pour tout nombre réel x strictement positif,
CQFD
En conséquence :
la distance "typique" entre deux points d'un arbre de taille n est de l'ordre de ;
converge en loi vers la loi de Rayleigh. Dans le cadre du problème des anniversaires, où l'on choisit n=365, s'interprète comme la taille du groupe pour laquelle il devient probable qu'au moins deux membres du groupe ait la même date d'anniversaire (il faut imaginer un groupe dont l'effectif augmente progressivement) : la probabilité que dans un groupe de personnes, toutes les dates d'anniversaire soit différentes, peut être estimée comme suit :
et vaut donc 1/2 pour un groupe d'approximativement (soit 22,5) personnes, ou bien 1/10 pour un groupe d'approximativement (soit 41) personnes. Le calcul exact du premier entier tel que cette probabilité soit plus petite que 1/2 (respectivement 1/10) donne les mêmes résultats : 23 (respectivement 41).
Un contre-exemple : la marche aléatoire simple symétrique
Malheureusement, on ne peut pas appliquer directement le lemme de Scheffé discret pour prouver le résultat de De Moivre. En effet :
et
Comme Sn est de même parité que n la suite prend la valeur zero pour une infinité d'indices, ceux pour lesquels et n n'ont pas la même parité : dès que on peut vérifier à la main que est impair pour une infinité d'indices (et pair pour une infinité d'indices également), un constat analogue pouvant être fait pour En revanche, lorsque et n ont même parité, on a :
La formule de Stirling conduit alors à la limite annoncée, On peut cependant adapter la démonstration du lemme de Scheffé discret à ce cas particulier : il suffit de poser
(en) Rick Durrett, Probability : Theory and Examples, Thomson Brooks/Cole (Belmont, CA), coll. « Duxbury advanced series », , 3e éd., 497 p. (ISBN0-534-42441-4), Section II.2.a., page 81.