Le roman libertin (dit parfois « licencieux ») est un genre littéraire du XVIIIe siècle mêlant érotisme, philosophie et anticléricalisme.
Les auteurs les plus remarquables et prolifiques du genre sont Crébillon fils, Denis Diderot, Sade, Choderlos de Laclos, Restif de la Bretonne, Nougaret ou encore Nerciat.
Origine et portée
Ce genre prend ses racines dans la tradition libertine européenne, d’abord dans l’Antiquité gréco-romaine avec Sapho, Aristophane, puis Ovide, Catulle, et chez les Italiens avec l'Arétin et Baffo, et ensuite en France. Elle s’est continuée jusqu’à nos jours.
Essentiellement anticléricaux, érotiques, les romans libertins attaquent l’ordre établi.
Cette littérature, proscrite, persécutée par les tribunaux, respire la plus authentique liberté. La plus libre qui soit, elle fuse dans toutes les directions de la psyché humaine[Interprétation personnelle ?]. Les auteurs ne cherchent pas à faire belle figure honorable, mais à dire vrai le désir humain et ses incroyables fantasmes.
L'École des filles est un ouvrage publié en 1655 et est considéré comme le premier roman d'apprentissage libertin de la littérature française[1].
Pour comprendre l'émergence et le succès de la littérature libertine au XVIIIe siècle, il faut la rapporter aux plus larges mouvements de contestations philosophiques, littéraires, scientifiques et artistiques qui caractérisent cette époque (rationalité des Lumières contre la mystification chrétienne, idées nouvelles concernant l'individualité, la liberté, la conscience, et donc les fins de l'existence terrestre, qui doit désormais être vécue pour elle-même, et non plus dans le rachat envers Dieu).
Auteurs
On trouve notamment parmi les auteurs de romans libertins Crébillon fils (Le Sopha, conte moral, 1742), Denis Diderot (Les Bijoux indiscrets, 1748), Choderlos de Laclos (Les Liaisons dangereuses, 1782), le marquis de Sade (La Philosophie dans le boudoir, 1795), ou encore Restif de la Bretonne (Le Pied de Fanchette, 1769/1776 ; Ingénue Saxancour, 1789 ; L'Anti-Justine, ou les Délices de l'amour, 1798) — ce dernier est parmi les romanciers les plus prolifiques. Nerciat est l’auteur de deux chefs-d’œuvre : Les Aphrodites (1793) et Le Diable au corps (posthume). Ses autres œuvres comptent Lolotte, la Matinée libertine, le Doctorat impromptu, Félicia ou Mes Fredaines, Julie philosophe, Contes saugrenus, Monrose.
Parmi d'autres titres célèbres on peut citer Histoire de Dom Bougre, portier des Chartreux de Gervaise de Latouche (1741), Thérèse philosophe de Boyer d’Argens (1748), Margot la ravaudeuse (1750) de Fougeret de Monbron, Angola, histoire indienne de La Morlière ou Pauliska, ou La Perversité moderne, mémoires récents d'une Polonaise (1798) de Révéroni Saint-Cyr.
Les précurseurs des auteurs libertins sont Théophile de Viau et Saint-Évremond, eux-mêmes inspirés par Épicure et le Satyricon de Pétrone.
Études
L’historien Robert Darnton a étudié la diffusion de ce genre dans Édition et sédition et dans Un tour de France littéraire. Le monde des livres à la veille de la Révolution (The Forbidden Best-Sellers of Pre-Revolutionary France, 1995). Outre des romans, il convoque dans ses recherches des essais comme Erotika Biblion et des pièces de théâtres. Il rappelle que le roman libertin comme prétexte à parler de sexualité de façon libre, conduit à produire une réflexion philosophique et donc que c'est par là un acte éminemment politique[2].
Gaétan Brulotte, dans son ouvrage, Œuvres de chair, en fait une analyse. Alexandrian est essentiel avec les Libérateurs de l’amour et son Histoire de la littérature libertine. Les professeurs Michel Delon, Marc André Bernier et Laurent Versini comptent parmi les spécialistes les plus réputés de la littérature libertine.
Notes et références
- Antony McKenna, Alain Mothu, La philosophie clandestine à l'Âge classique, Universitas, , p. 407
- Robert Darnton, The Forbidden Best-Sellers of Pre-Revolutionary France, New York, Norton, 1995, p. 21.
Voir aussi
Bibliographie
- Philippe Laroch, Petits-maîtres et roués, Québec, Les Presses de l’Université de Laval, 1979
- Jacques Rustin, Le vice à la mode : Étude sur le roman français de la 1re partie XVIIIe siècle, Paris, éditions Ophrys, 1979
- Claude Reichler, L’Âge libertin, Paris, Éditions de Minuit, 1987 (ISBN 2707311170)
- Ludovic Michel, La Mort du libertin : agonie d’une identité romanesque Paris, Larousse, 1993 (ISBN 9782035200235)
- Faire Catleya au XVIIIe siècle : lieux et objets du roman libertin, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 1996 (ISBN 9782760624900)
- Pierre Hartmann, Le Contrat et la Séduction, Paris, Champion, 1998
- Michel Delon, Le Savoir-vivre libertin, Paris, Hachette Littératures, 2000
- Marc André Bernier, Libertinage et figures du savoir : rhétorique et roman libertin dans la France des Lumières, 1734-1751, Paris, L'Harmattan, 2001 (ISBN 9782747509473)
- English Showalter, Transformations du genre romanesque au XVIIIe siècle, Hamilton, McMaster University, 2001
- Jean-François Perrin, Philip Stewart, Du genre libertin au XVIIIe siècle, « Colloque international La Littérature libertine au XVIIIe siècle », 2002, Université Stendhal-Grenoble 3, Paris, Desjonquères, 2004 (ISBN 9782843210716)
- Stéphanie Genand, Le Libertinage et l’histoire : politique de la séduction à la fin de l’Ancien Régime, Oxford, Voltaire Foundation, 2005
- Jean Goldzink, A la recherche du libertinage, Paris, L’Harmattan, 2005
- Didier Foucault, Histoire du libertinage : Des goliards au marquis de Sade, Paris, Perrin, 2007
- Patrick Wald Lasowski, Le Grand Dérèglement. Le roman libertin du XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2008 (ISBN 9782070119387)
- Colas Duflo, Philosophie des pornographes. Les ambitions philosophiques du roman libertin Histoire de la littérature érotique, Paris, Seuil, coll. « L'Ordre philosophique », 2019
Articles connexes
- Libertin
- Libre-pensée
- libertin, libertinage (Wiktionnaire)
- Littérature érotique