La toponymie d'Andorre est l'ensemble des noms de lieux situés dans la principauté d'Andorre. La grande majorité des toponymes catalans est explicable par le latin vulgaire à partir duquel a évolué le catalan qui est la langue historique et traditionnelle de l’Andorre. Il existe néanmoins des couches toponymiques plus anciennes en lien avec les langues parlées avant la romanisation. Ainsi comme dans toute la chaîne pyrénéenne, certains toponymes dérivent de l’ibère ou des langues proto-basques. De nos jours, l’étude et la graphie officielle de la toponymie andorrane est confiée à la Commission de toponymie d’Andorre. Cette dernière a établi la Nomenclature d’Andorre qui recense plus de 4 200 toponymes au travers de la principauté.
Différents substrats linguistiques
[modifier | modifier le code]Apport pré-roman
[modifier | modifier le code]Substrat bascoïde
[modifier | modifier le code]La toponymie andorrane comporte un substrat pré-roman bascoïde comme l'ont souligné plusieurs linguistes parmi lesquels Joan Coromines[1],[2],[3]. Cette influence bascoïde, perçue dans l'ensemble de la chaîne pyrénéenne[4], est particulièrement prégnante dans les territoires frontaliers de l'Andorre que sont la Cerdagne et le Pallars Sobirà[3],[4]. Il est d'ailleurs très fortement supposé qu'avant leur romanisation les habitants des vallées d'Andorre aient parlé une langue apparentée au basque dont l'usage se serait poursuivi bien après leur romanisation et ce jusqu'au haut Moyen Âge[5],[3],[6],[4].
L'apport bascoïde est fréquemment en lien avec les caractéristiques géographiques locales du toponyme concerné telles que le relief ou la végétation[7]. La racine lurte (« avalanche de pierres ») est proposée pour la construction de Llorts ou encore de Hortell[7]. La racine baso (« boisé ») semble pouvoir expliquer des toponymes comme Beixalís ou Bixessarri. La racine arans (« plante épineuse »), quant à elle et de manière plus controversée, pourrait avoir engendré les noms des villages d'Arans, Ransol et Arinsal[7].
En se basant sur le basque actuel, certains linguistes estiment que la notion d'accentuation était probablement absente de la langue à l'origine de ce substrat toponymique bascoïde [8]. C'est ce qui expliquerait le phénomène de vacillation accentuelle retrouvé dans la toponymie andorrane mais absent de la toponymie catalane[8]. Certains toponymes bascoïdes possèdent de ce fait deux formes : Cataperdís et Cataverdís ou encore Pimes et Pimès[8].
Autres substrats pré-romans
[modifier | modifier le code]On ne retrouve qu'un faible apport ibérique dans la toponymie pyrénéenne et ce malgré la présence prolongée de ce peuple dans la partie orientale des Pyrénées[4]. Cette absence s'explique probablement par l'adoption de la toponymie préexistante par ces derniers[4].
Néanmoins, certaines toponymes clairement pré-romans sont difficilement expliqués par des racines bascoïdes et font évoquer d'autres origines, notamment ibériques. Le toponyme Andorre lui même est supposé d'origine ibérique par Joan Coromines[7]. La racine possiblement ibérique ou celtique quer- / kar- signifiant « pierre » est invoquée dans la construction des toponymes Roc del Quer, Roc d'Esquers ou encore Estanyó del Querol[9],[10].
Toponymes romans
[modifier | modifier le code]Les toponymes romans sont explicables par le latin vulgaire, c'est-à-dire la forme de latin vernaculaire utilisée pour la communication de tous les jours. Ce latin vulgaire est à l'origine du catalan qui appartient de ce fait à la famille des langues romanes[11]. Le catalan étant la langue historique et traditionnelle de l'Andorre[9], près de 90 % des toponymes andorrans sont des toponymes romans[7].
Principaux appellatifs
[modifier | modifier le code]Les eaux
- Les étendues d’eau sont généralement désignées par le terme d’estany (estanys de l'Angonella, estany de la Nou)[9]. Lorsqu’il s’agit d’étendues peu profondes ou non permanentes, on préfère le terme de bassa donnant au pluriel basses (basses del Siscaró)[9].
- Les cours d’eau sont généralement dénommés riu (riu de Tristaina) mais peuvent aussi porter le nom de torrent (torrent del Forn) ou encore de canal (canal dels Maians)[9].
Le relief
- Pic désigne un sommet de forme « pointue » (pic de Coma Pedrosa) par opposition à tossa (Tossa del Braibal) et bony (Bony de les Neres) qui s'utilisent pour les sommets arrondis[9]. La toponymie andorrane se différencie de la toponymie catalane par l'absence d'utilisation de puig[9].
- Solà et ses dérivés comme solana désignent un versant exposé au sud (solana d'Andorre)[9]. À l'inverse, obac et ses dérivés comme obaga désignent un versant exposé du nord (refuge de Coma Obaga)[9].
- Coll et collada ou encore port et portella désignent les cols de montagne (Collada de Beixalís, Port de Cabús)[9]. Le terme pas peut également avoir cette fonction (Le Pas de la Case, en catalan : El Pas de la Casa)[9].
- Vall désigne une vallée (Vall d'Incles) et pla désigne un espace peu en pente (Pla de Sorteny)[9].
L'habitat
- Cabana (refuge de Cabana Sorda), borda (refuge Borda de Sorteny) et orri (refuge del Riu dels Orris) désignent des habitats liés à la vie pastorale[9].
- La maison est désignée par le terme casa (Casa de la Vall) ou par son diminutif cal (Cal Pal)[9].
La végétation
- Prat désigne un « pré » (Prats) tandis que camp s'emploie pour un « champ » (els Camps de l'Aldosa)[9].
- Bosc désigne une « forêt » (Bosc de les Neres) contrairement à ras qui caractérise un lieu dépourvu de végétation (Ras de la Costa de l'Avier)[9].
Épithètes
- Primer, del Mig et de Més Amunt sont très fréquemment utilisés dans la toponymie andorrane pour différencier des éléments de même nature situés à des altitudes différentes (du plus bas au plus élevé)[9].
- Les adjectifs baix (« bas ») et alt (« haut ») permettent également de distinguer deux éléments qui diffèrent par leur altitude[9] (Pic Alt et Pic Baix del Cubil).
Autres apports
[modifier | modifier le code]Apport germanique
[modifier | modifier le code]L'Andorre a connu une période de domination wisigothique du début du Ve siècle au début du VIIIe siècle à la suite des invasions barbares. Le royaume wisigoth s'étendait sur le sud de la France ainsi que sur l'ancienne Hispanie romaine. En concordance avec cette extension territoriale, l'empreinte wisigothique peut être retrouvée de manière réduite dans la toponymie occitane[12] et la toponymie catalane[13]. L'impact wisigothique semble très réduit au sein de la chaîne pyrénéenne[4].
En Catalogne, la plupart des toponymes d'origine germanique sont en réalité issus d'anthroponymes[13]. Les anthroponymes germaniques ont été extrêmement populaires au cours du haut Moyen Âge dans les Pyrénées et en particulier en Andorre (Ramon, Guillem, Arnal)[13],[14],[15]. Cette transition entre anthroponymes et toponymes s'est donc produite hors de la période de domination wisigothique.
À visée illustrative, le prénom germanique Ramon, provenant de rad ou ragin (« conseil ») et de mundo (« protection »), a donné naissance à des toponymes tels que Ramonville en France et Cap Ramonet en Catalogne. Prat de la Punta de Ramonguem dans la paroisse d'Ordino est un exemple équivalent en Andorre[16].
Apport arabe
[modifier | modifier le code]Pour le linguiste Joan Coromines, la brève domination arabe du territoire andorran au cours du VIIIe siècle n’a pas laissé de trace dans la toponymie locale[14], contrairement à ce qui s'est produit en Catalogne ou ailleurs dans la péninsule ibérique[13]. Cette différence inter-régionale s'explique probablement par la courte domination arabe en Andorre en comparaison du reste de la péninsule[13].
Cependant, Enric Moreu-Rey (ca) avance quant à lui une origine arabe au toponyme Llumeneres, le faisant provenir de Al Munera (« la tour de guet »)[14]. À l'appui de cette théorie, il évoque la nécessité pour les arabes d'avoir établi à cette époque des points de surveillance sur le territoire andorran à relier à la localisation stratégique de ce village pour surveiller la vallée de Sant Julià de Lòria[14]. Il reconnaît d'autre part l'article arabe al dans Almuneres, forme ancienne de ce toponyme attestée au XIIe siècle[14]. Coromines considère quant à lui ce toponyme comme d'origine inconnue[17],[18].
Organismes d'étude de la toponymie andorrane
[modifier | modifier le code]Le catalan est la langue officielle de l'Andorre depuis 1993[19]. En 1999, la « Loi réglementant l'usage de la langue officielle » (en catalan Llei d'ordenació de l'ús de la llengua oficial) a dans cette logique consacré la forme toponymique catalane comme forme officielle des noms de lieux de la principauté[20]. Dans leur forme catalane, de nombreux toponymes présentent toutefois une orthographe traditionnellement vacillante[21].
En 2005, dans un souci de standardisation a été créée la Commission de toponymie d'Andorre (en catalan comissió de Toponímia d'Andorra) chargée de recenser et de proposer une graphie officielle à l'ensemble des toponymes andorrans[21]. Celle-ci a ainsi établi la nomenclature d'Andorre (en catalan Nomenclàtor d'Andorra) qui fixe une graphie officielle à 4 237 toponymes andorrans[22] et a été publiée au bulletin officiel de la principauté d'Andorre le .
Références
[modifier | modifier le code]- (es) A. Turull, « Una caracterización de la toponimia pirenaica catalana » (consulté le )
- (es) Luis Núñez Astrain, El euskera arcaico : extensión y parentescos, Txalaparta, , 161– (ISBN 978-84-8136-300-5, lire en ligne)
- (es) « El euskera en Catalunya y Andorra », sur Nabarralde (consulté le )
- Henri Guitter, « Couches toponymiques des Pyrénées Orientales » (consulté le )
- Roland Viader, L'Andorre du IXe au XIVe siècle : montagne, féodalité et communautés, Presses Univ. du Mirail, , 27– (ISBN 978-2-85816-652-7, lire en ligne)
- (es) J.L Álvarez, « La aportación de Joan Coromines a la filología vasca » (consulté le )
- (ca) Xavier Planas Batlle, Carles Gascón Chopo, Juan Karlos López-Mugartza et Mikel Belasko, Anàlisi fisiogràfica de topònims andorrans d'arrel prerromana : una visió propera i tècnica del territori a través dels noms de lloc, Govern d'Andorra, (ISBN 978-99920-0-862-1)
- (ca) Xavier Planas Batlle et Xavier Rull, « La vacil·lació accentual de l’onomàstica d’Andorra i l’Alt Urgell: una romanalla del substrat basc a l’Alt Pirineu? », sur Generalitat de Catalunya (consulté le )
- Jean Becat, Lexique et toponymes : Vie pastorale, activités, institutions et société traditionnelles de l'Andorre, Institut catalan de recherche en sciences sociales, , p. 164
- (ca) Xavier Planas Batlle, « Etimologia de la toponímia andorrana relacionada amb riscos geològics naturals » (consulté le )
- (en) « Catalan language », sur Encyclopædia Britannica (consulté le )
- Pierre-Henri Billy, « Souvenirs wisigothiques dans la toponymie de la Gaule méridionale » (consulté le )
- (es) Albert Turull, « Una caracterización de la toponimia pirenaica catalana » (consulté le )
- (ca) Enric Moreu-Rey, « Sobre els noms propis andorrans » (consulté le )
- « Introduction à la toponymie des Hautes-Pyrénées - Les stratifications toponymiques », sur Archives Départementales des Hautes-Pyrénées (consulté le )
- (ca) Lídia Rabassa Areny, « Toponímia de la Vall d’Ordino - Volum 3 - Sornàs, Ansalonga, Ordino i Segudet », Comú d’Ordino (consulté le )
- (ca) Joan Coromines, Anthropos Editorial, , 101– (ISBN 978-84-7658-250-3, lire en ligne)
- (ca) Enric Moreu Rey, Els nostres noms de lloc, Moll, (lire en ligne)
- Constitution de la Principauté d’Andorre sur Wikisource
- (ca) « LLei d'ordenació de l'ús de la llengua oficial », Consell General (consulté le )
- (ca) Joan Sans Urgell et Xavier Rull, « El funcionament de la Comissió de Toponímia d'Andorra » (consulté le )
- (ca) Butlletí Oficial del Principat d’Andorra, « Nomenclàtor d’Andorra », (consulté le )