Le budget de l'État français et le financement de la sécurité sociale pour 2025 n’est pas adopté à la fin 2024.
Dans le contexte d’une dégradation des finances publiques, les textes déposés en par le gouvernement Michel Barnier prévoyaient un effort de 60 milliards d’euros, 20 milliards de recettes supplémentaires et 40 milliards de baisse de dépenses. En raison d’une crise politique, ces textes ne sont pas adoptés par le Parlement. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale fait l’objet d’un engagement de responsabilité du Gouvernement, suivi par l’adoption d’une motion de censure, ce qui a pour conséquence la démission du gouvernement Michel Barnier.
Historique
La dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, les élections législatives qui ont suivi et le retard de la nomination du nouveau gouvernement interrompent la préparation du budget. Toutefois, le premier ministre démissionnaire Gabriel Attal envoie les lettes plafonds le en prévoyant un budget similaire à celui de 2024, ce qui équivaut à dix milliards d’euros d’économies, compte tenu de l’inflation[1]. Le gouvernement Michel Barnier, nommé le présente les textes budgétaires avec un retard de dix jours[2].
Lors de la discussion du budget de l’État à l’Assemblée nationale, les députés de gauche font adopter plusieurs amendements, parfois avec les votes du bloc central[3], et ceux du Rassemblement national annulent la contribution de la France à l’Union européenne, le texte qui en résulte présente ainsi un déficit réduit de 57 milliards d’euros[4]. Toutefois l’ensemble de la partie recettes est rejeté[5].
Au Sénat (où la droite est majoritaire), le financement de la sécurité sociale est modifié : la hausse des cotisations sociale est partiellement revue[6], ainsi que le gel des retraite[7]. Le Sénat prévoit également une « contribution de solidarité par le travail », finalement retirée par la commission mixe paritaire[8].
Le 8 novembre 2024, lors de l’examen du budget de l’État, l’Assemblée nationale adopte une série d'amendements (majorité RN - Nouveau Front Populaire) instaurant des taxes sur l'expérimentation animale[9],[10] et PS[11]. Les amendements PS et RN étaient identiques et écrits avec le lobby OneVoice. Ces taxes visaient à financer des maisons de retraite pour animaux de laboratoire et le financement du FC3R[12],[13]. Les exposés des amendements se fondaient sur de la désinformation, notamment avec l'argument que 89% des traitements testés sur les animaux sont inapplicable à l'espèce humaine, alors qu'au contraire 86% des traitements fonctionnent [14].
Au Sénat, un amendement renforce l’exit tax, quelques semaines après que l’Assemblée nationale avait trouvé un accord à ce sujet[15].
Fin novembre, Marine Le Pen menace le Gouvernement de voter une motion de censure, en cas de maintien dans les textes budgétaires de plusieurs mesures qualifiées de « lignes rouges »[16]. Le , l’Assemblée nationale adopte une motion de censure suite à l’engagement de responsabilité du gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ce qui a pour conséquence la démission du gouvernement Michel Barnier.
Pour continuer à percevoir les impôts en 2025, une loi spéciale est promulguée le [17].
Étape | Projet de loi de finances | Projet de loi de financement de la Sécurité sociale | Loi spéciale |
---|---|---|---|
Dépôt | le | le | le |
Première lecture à l’Assemblée nationale | modification puis rejet le | non voté (délai dépassé art. 47-1) | modification puis adoption le |
Première lecture au Sénat | discussion interrompue par la démission du Gouvernement puis reprise à partir du | modification puis adoption le | adoption le |
Commission mixte paritaire | accord le | ||
Lecture du texte CMP par l’Assemblée nationale | rejet le (engagement de la responsabilité du Gouvernement art. 49 al. 3 puis adoption de la motion de censure) | ||
Lecture du texte CMP par le Sénat | Prévue le | ||
Promulgation | le |
Cadrage des finances publiques
Depuis le pacte budgétaire européen, le déficit public (solde de l’État + administrations de sécurité sociale + administrations publiques locales) et la dette publique font l’objet de trajectoires pluriannuelles.
La loi de programmation des finances publiques 2023-2027 prévoit un déficit public de 3,7 % du PIB en 2025 afin d’atteindre 2,7 % en 2027[18].
Textes budgétaires en discussion
Dans les textes financiers présentés en octobre 2024, en conséquence d’une augmentation du déficit en 2023 et 2024 -estimé à 6,1 %-, le déficit public est désormais envisagé à 5,2 % en 2025. Le seuil des 3 % serait atteint en 2029[19]. Un effort de 60 milliards d’euros est prévu : 20 milliards de recettes supplémentaires et 40 milliards de baisse de dépenses[2].
Projet de loi de finances
Le budget de l'État (et de l’État seulement), les mesures fiscales et les crédits ouverts sont votés dans la loi de finances.
Recettes
Avant la lecture parlementaire, le projet de loi de finances, complété par amendement, contient notamment les mesures suivantes.
- Autorisation de la perception des impôts en 2025[20].
- Indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu pour les revenus de 2024 et des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source[21].
- Instauration d'une contribution différentielle sur les revenus supérieurs à 250 000 € pour les contribuables célibataires, veuf ou divorcés et à 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune. Cette contribution permet d’assurer une imposition minimale de 20 % pour ces revenus. Elle ne sera applicable que pour les revenus de 2024, 2025 et 2026 et concernera 24 300 ménages[22],[23].
- Mise en place d’un partage avec les consommateurs des revenus du nucléaire historique [24],[25].
- Ajustements de la fiscalité applicable aux installations nucléaires de base : intégration de la contribution annuelle au profit de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire au sein de la taxe générale sur les installations nucléaires de base, collectée par l’ASN[26].
- Adaptation des tarifs d’accise sur l’électricité. Les tarifs sont augmentés mais doivent permettre, dans le contexte de la baisse de prix de marché de l’électricité, une baisse du tarif réglementé de 9%[27].
- Augmentation de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone et de la taxe sur la masse en ordre de marche et limitation du bénéfice de l’abattement de malus masse dont profitaient jusqu’alors tous les véhicules hybrides non-rechargeables aux seuls véhicules performants sur le plan environnemental[28],[29].
- Instauration d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises[30].
- Report de trois ans de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises[31].
- Annulation de l’augmentation de la taxe sur le gazole non routier[32] (mesure annoncée début 2024 suite au mouvement des agriculteurs[33]).
- Suppression de la niche fiscale dont bénéficie le loueur de meublé non professionnel lors de la cession[34],[35],[36].
- Instauration pour les grandes entreprises d’une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres[37].
- Augmentation de la taxe sur le transport aérien de passagers[38],[39].
- Création d’un prélèvement sur le produit brut des jeux de casino en ligne, ces jeux étant interdits jusqu’alors[40],[41].
Dépenses
Dans mesures relatives aux dépenses, le texte prévoit une réforme des arrêts maladie des fonctionnaires : augmentation du nombre de jour de carence d’un à trois[42], et baisse de la rémunération de 100 % à 90 % du traitement[43],[44].
Les baisses de dépenses touchent en particulier les aides aux entreprises, les politiques de l’emploi, l’aide publique au développement, et les aides à la rénovation énergétique[45].
À l’Éducation nationale, le budget n’est pas diminué mais 4 000 postes sont supprimés. Parallèlement, le nombre d’accompagnants des élèves en situation de handicap est augmenté de 2 000 postes[46].
Projet de loi de financement de la Sécurité sociale
La loi de financement de la Sécurité sociale fixe les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses de la Sécurité sociale. Ce n’est pas un budget à proprement parler et cela ne fait pas partie du budget de l’État.
Pour l’année 2025, le projet prévoit, pour toutes branches (maladie, accidents du travail, retraites, famille, autonomie, Fonds de solidarité vieillesse et hors transferts entre branches), des recettes de 645,4 milliards d’euros et des dépenses de 661,5 milliards d’euros[47]. L’objectif national de dépenses d'assurance maladie est fixé à 260,8 milliards d’euros[48].
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale comprend plusieurs mesures dont
- la réforme des allègements des cotisations patronales. Selon le Gouvernement ces allègements institués au cours des trente dernières années ont un coût élevé et entretiennent des effets de « trappes à bas salaires ». Cette disposition aurait rapporté quatre milliards d’euros de recettes à la Sécurité sociale[49],[6] ;
- le décalage de six mois (juillet au lieu de janvier) de la revalorisation des retraites[50],[51].
Loi spéciale
La loi spéciale contient quatre articles, notamment pour autoriser la perception des impôts en 2025[52] et autoriser l’État à recourir à l’emprunt[53].
Notes et références
- ↑ Denis Cosnard, « Budget : Gabriel Attal, premier ministre démissionnaire, propose un gel des dépenses de l’Etat en 2025 », Le Monde, (lire en ligne)
- Anne-Sophie Lechevallier, « Budget 2025 : le gouvernement prévoit un effort de 60 milliards d’euros », Libération, (lire en ligne)
- ↑ Franck Bouaziz et Victor Boiteau, « Budget 2025 : la gauche obtient la pérennisation de la contribution sur les hauts revenus, le gouvernement patine », Libération, (lire en ligne)
- ↑ « Amendement n°I-3618 (article 41) »
- ↑ Mariama Darame et Rachel Garrat-Valcarcel, « Budget 2025 : le rejet du texte par l’Assemblée nationale permet au gouvernement de reprendre la main », Le Monde, (lire en ligne)
- Guillaume Jacquot, « Budget de la Sécu : le Sénat retire les hausses de cotisations patronales sur les bas salaires », sur Public Sénat,
- ↑ Guillaume Jacquot, « Retraites : le Sénat épargne les petites pensions du gel partiel en 2025 », sur Public Sénat,
- ↑ Guillaume Jacquot, « Budget de la Sécurité sociale : députés et sénateurs parviennent à un accord en commission mixte paritaire », sur Public Sénat,
- ↑ « Projet de loi de finances pour 2025 (no 324) Amendement n°I-3119 », sur www.assemblee-nationale.fr (consulté le )
- ↑ « Projet de loi de finances pour 2025 (no 324) Amendement n°I-2458 », sur www.assemblee-nationale.fr (consulté le )
- ↑ « Projet de loi de finances pour 2025 (no 324) Amendement n°I-3430 », sur www.assemblee-nationale.fr (consulté le )
- ↑ « TRIBUNE. Nos députés veulent-ils tuer la biologie ? – Regards.fr » (consulté le )
- ↑ Bernard Meunier, « Une taxe sur les animaux de laboratoire ? », sur Revue Politique et Parlementaire, (consulté le )
- ↑ « « L’expérimentation animale n’est pas toujours nécessaire mais demeure indispensable » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ Rose Amélie Becel, « Budget 2025 : le Sénat renforce l’ « exit tax », pour lutter contre l’exil fiscal des sociétés qui bénéficient d’aides publiques », sur www.publicsenat.fr,
- ↑ Corentin Lesueur et Clément Guillou, « Marine Le Pen maintient sa menace de censure après les annonces de Michel Barnier : « Nous sommes jeudi. Il a jusqu’à lundi » », Le Monde, (lire en ligne)
- ↑ Loi n° 2024-1188 du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
- ↑ Loi no 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
- ↑ Article liminaire du PLF
- ↑ Article 1 du PLF
- ↑ Article 2 du PLF
- ↑ Article 3 du PLF
- ↑ P.L.-B., « Contribution sur les hauts revenus : «24.300 foyers seront redevables», au lieu des 65.000 annoncés », Le Figaro, (lire en ligne)
- ↑ Article 4 du PLF
- ↑ Damien Dole, « Budget 2025 : l’avenir de l’électricité nucléaire en suspens », Libération, (lire en ligne)
- ↑ Article 5 du PLF
- ↑ Article 7 du PLF
- ↑ Article 8 du PLF
- ↑ Damien Dole, « Budget 2025 : les voitures thermiques et hybrides seront plus taxées, les véhicules 100% électrique moins aidés », Libération, (lire en ligne)
- ↑ Article 11 du PLF
- ↑ Article 15 du PLF
- ↑ Article 20 du PLF
- ↑ Jérémy Bruno, « Budget 2025: le gouvernement concrétise certaines mesures promises aux agriculteurs », sur www.bfmtv.com,
- ↑ Article 24 du PLF
- ↑ Eugénie Barba, « Immobilier : comment le gouvernement veut revoir la fiscalité des locations meublée », Challenges, (lire en ligne)
- ↑ À ne pas confondre avec la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale.
- ↑ Article 26 du PLF
- ↑ « Amendement n°I-3630 (après l'article 26) »
- ↑ Damien Dole, « Taxe sur les billets d’avion : un milliard d’euros espérés et jusqu’à 3 000 euros de surcoût pour un jet privé », Libération, (lire en ligne)
- ↑ « Amendement n°I-3638 (après l'article 28) »
- ↑ AFP, « Budget 2025 : pourquoi la légalisation des casinos en ligne, souhaitée par le gouvernement, fait débat »,
- ↑ Amendement n°II-903 (après l'article 59)
- ↑ Amendement n°II-904 (après l'article 59)
- ↑ Denis Cosnard, « Budget 2025 : Michel Barnier s’attaque aux arrêts maladie des fonctionnaires », Le Monde, (lire en ligne)
- ↑ Wladimir Garcin-Berson, « Budget 2025 : visualisez comment se répartissent précisément les 60 milliards d’euros d’efforts », sur www.lefigaro.fr, .
- ↑ Sylvie Lecherbonnier, Violaine Morin et Eléa Pommiers, « A l’éducation nationale, 4 000 postes d’enseignants en moins malgré un budget constant », Le Monde, (lire en ligne)
- ↑ Article 11 du PLFSS
- ↑ Article 26 du PLFSS
- ↑ Article 6 du PLFSS
- ↑ Article 23 du PLFSS
- ↑ Frantz Durupt, « La revalorisation des pensions de retraite décalée de six mois », Libération, (lire en ligne)
- ↑ Article 1 de la loi spéciale
- ↑ Article 3 de la loi spéciale
Annexes
Bibliographie
Articles connexes
Liens externes
- « Exercice 2025 », sur budget.gouv.fr
- « Projet de loi de finances pour 2025 », sur vie-publique.fr
- « Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 », sur vie-publique.fr
- « Loi du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances », sur vie-publique.fr