Le tukdam (ou thukdam – tibétain : ཐུགས་དམ, Wylie : thugs dam, mot honorifique tibétain signifiant méditation[1]) est un état spirituel rare de profonde transe méditative dans lequel peuvent rester pendant plusieurs jours des personnes déclarées cliniquement décédées mais dont le corps ne présente aucun signe de décomposition.
Dans les croyances du bouddhisme tibétain, certains moines qui ont une pratique avancée de la méditation sur la nature de l'esprit ou sur la vacuité sont capables de rester en état méditatif jusque dans la mort[2]. La conscience éveillée des méditants en état de tukdam empêcherait la décomposition du corps[3].
Le tukdam a fait l'objet de recherches notamment en Inde par le neuroscientifique américain Richard Davidson avec le soutien du dalaï-lama[3].
Dans le bouddhisme
Dans la tradition bouddhiste tibétaine, le tukdam est un phénomène rare mais normal observé sur chez des moines pratiquants la méditation à haut niveau. Les bouddhistes l'assimilent à un processus de méditation après la mort, pendant lequel l’esprit reste lié au corps et ne s'en détache que progressivement[4].
Les processus physiologiques habituels de la mort seraient suspendus, la peau restant souple et la région du cœur semblant rester chaude[5].
La conscience des méditants resterait éveillée, ce qui retarderait la décomposition du cadavre et lui permettrait de conserver sa fraîcheur jusqu'à deux à trois semaines[6].
Constatations médicales
Après sa mort, Rangjung Rigpe Dorje, le 16e karmapa, demeura 3 jours en état de tukdam sur son lit d’hôpital[7]. Le docteur Ranulfo Sanchez, chirurgien de l'hôpital américain de Zion, mentionne que 36 heures après le décès, la région du cœur du karmapa était encore chaude[8], ce qui est mentionné encore 72 heures après sa mort, sans qu'un médecin puisse l'expliquer[9].
Études scientifiques
Étude de Richard Davidson
Lors de sa mort, en Inde, le , le moine Lobsang Nyima Pal Sangpo resta 18 jours dans un état méditatif de thukdam qui fut étudié par le docteur Tenzin Namdul du Men Tsee Khang et le docteur Yangzom Dolkar de l'hôpital Delek, dans le cadre d'une étude en collaboration avec le laboratoire du neuroscientifique Richard Davidson[10] à l'université du Wisconsin à Madison, sur les conseils du dalaï-lama. Les médecins évaluèrent les effets du thukdam en mesurant l'EEG, l'ECG et la température corporelle lors de cet état[11].
En août 2014, Richard Davidson a pu observer le phénomène lors du décès de son ami moine guéshé Lhundub Sopa. Avec le soutien du dalaï-lama[3], considérant que le bouddhisme et la science, par des approches différentes, poursuivent le même objectif de recherche de la vérité, il a lancé le projet The Thukdam Project[6] pour étudier ces cas étranges chez les méditants bouddhistes et dont le premier rapport[12] a été publié en janvier 2021 dans la revue scientifique Frontiers in Psychology. Aucune activité électroencéphalographique n'a été détectée chez 13 moines en état de tukdam décédés depuis au moins 26 heures[12].
Étude de Svyatoslav Medvedev
Le fondateur et ancien directeur de l'Institut Bekhtereva du cerveau humain de l'Académie russe des sciences (ru) Svyatoslav Medvedev (ru) étudie également l'état de thukdam, en Inde et à Saint Petersbourg[13].
Étude à Taïwan
Geshe Jampa Gyatso, un érudit bouddhiste tibétain et ancien prisonnier politique[14], mort le 14 juillet 2020, sembla être en phase méditative de thukdam pendant plusieurs jours. Ting-kuo Lee a dirigé une équipe de recherche de l'Academia Sinica pour entreprendre le premier examen scientifique de Geshe Jampa Gyatso le 24 juillet. Une équipe de l'université de Taïwan a enregistré une activité significative neuronale, voire cérébrale[15].
Références
- ↑ Jamgon Kongtrul Lodro Taye, Enthronement: The Recognition of the Reincarnate Masters of Tibet and the Himalayas, Snow Lion Publications, 1997, p. 62 : "The Tibetans call this tukdam ( thugs dam ) , an honorific word meaning " meditation . " "
- ↑ (en) « Tukdam | Bhutan Cultural Library », sur Bhutan Cultural Library www.bhutan.virginia.edu (consulté le )
- « Tukdam : méditer jusqu’à la mort - Regarder le documentaire complet », sur ARTE (consulté le )
- ↑ « Tukdam : méditer jusqu’à la mort », sur Tibet, (consulté le )
- ↑ « Tukdam : un état méditatif post-mortem – Yoga Ekongkar », sur ekongkar.yoga, (consulté le )
- Marc Odilon, « Thukdam : les corps des moines tibétains ne se décomposent pas comme les autres cadavres », sur NeozOne, (consulté le )
- ↑ Diana Finnegan, Karmapa 1110-2010, 900 ans, 2011, p. 91-93
- ↑ Sogyal Rinpoché, Le Livre tibétain de la vie et de la mort, p. 351
- ↑ (en) Margaret Coberly, Ph.D, RN, Sacred Passage, , 176 p. (ISBN 978-0-8348-2870-4, lire en ligne), p. 76.
- ↑ « Crossing Over: How Science Is Redefining Life and Death » (consulté le )
- ↑ (en) Former Ganden Tripa Stays on 'Thukdam' for 18 Days, Phayul.com, 7 octobre 2008
- Dylan T. Lott, Tenzin Yeshi, N. Norchung et Sonam Dolma, « No Detectable Electroencephalographic Activity After Clinical Declaration of Death Among Tibetan Buddhist Meditators in Apparent Tukdam, a Putative Postmortem Meditation State », Frontiers in Psychology, vol. 11, , p. 599190 (ISSN 1664-1078, PMID 33584435, PMCID 7876463, DOI 10.3389/fpsyg.2020.599190, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en) « An inquiry into a post-death Buddhist meditative practice », mint, (lire en ligne [archive du ], consulté le )
- ↑ (en) Dawa Tsering, « Tibetan Geshe in rare post death meditative state sparks new research in Thukdam - Central Tibetan Administration », (consulté le )
- ↑ (en) « Tibetan Buddhist Monk Geshe Jampa Gyatso Reported to Have Attained a State of Thukdam », sur Buddhistdoor Global (consulté le )