Cet article présente l'histoire de la culture des céréales au XXe siècle.
XXe siècle
En France, le nombre d'heures de travail nécessaire pour acheter un 1 kilo de pain ne va pas cesser de diminuer tout au long du siècle[1] :
1925 | 1974 | 1987 | 2013 |
0,75 | 0,37 | 0,28 | 0,21 |
Le triomphe mondial des blés de printemps
Le XXe siècle voit d'abord la culture du blé s'avancer au-delà de ce que l'analyse des conditions favorables pouvait permettre d'imaginer[2] : les basses températures d'hiver ne sont plus une contrainte, grâce aux blés de printemps, semés en mai et récoltés au début d'août[2], qui permettent cette extension en Norvège, Suède et Russie, ou dans le Canada de l'Ouest, qui bénéficient des effets des longs jours ensoleillés du Nord[2]. De plus, dans les régions continentales du nord, comme en Russie et en Ukraine, les étés sont chauds et lumineux, ce qui suffit à la croissance des blés de printemps[2]. La lumière règle l'assimilation du carbone aérien par la fonction chlorophyllienne[2] : par un jour de clair soleil, un hectare de blé assimile assez de lumière pour produire en bout de chaîne environ 33 kilogrammes de pain[2], mais par une sombre journée nuageuse, ce n'est plus que 7 kilogrammes[2]. Malgré cette extension des surfaces cultivées dans le monde, au cours de la première moitié du XXe siècle, la France reste un pays grand producteur de blé, à l'abri d'une forte barrière douanière[2], alors que du côté belge, pays libre échangiste, le prix du blé est plus bas[2]. En Angleterre, autre pays libre échangiste longtemps, les agriculteurs ne cultivent plus le blé en 1935 que sur 756 000 hectares contre 5,3 millions d'hectares en France[2].
La répartition des exportations mondiales de blé par pays, au cours de la première moitié du XXe siècle[3] :
Pays | 1910 | 1920 | 1925 | 1930 | 1935 | 1940 | 1945 | 1952 |
Canada | 14 % | 21 % | 47 % | 32 % | 46 % | 44 % | 42 % | 40 % |
États-Unis | 16 % | 43 % | 16 % | 14 % | 1 % | 7 % | 45 % | 34 % |
Australie | 7 % | 12 % | 11 % | 17 % | 21 % | 17 % | 5 % | 11 % |
Argentine | 13 % | 23 % | 15 % | 15 % | 15 % | 21 % | 8 % | 3 % |
Autres | 50 % | 1 % | 11 % | 22 % | 17 % | 11 % | 0 % | 12 % |
Ensuite, les échanges internationaux de produits agricoles connaissent une croissance forte après 1945 : le marché international des céréales s’accroît de l’ordre de 3 millions de tonnes par an et passe de 40 millions de tonnes en 1950 à 100 millions de tonnes autour des années 1970[4]. Les Américains en sont les bénéficiaires grâce au Plan Marshall, tandis que la Russie rétablit d'abord la situation avant de devenir ensuite importatrice.
En France, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la mécanisation, le remembrement et l’emploi des semences sélectionnées, multiplient le rendement moyen du blé tendre par cinquante : il passe de 1,3 quintal par hectare et par an à 78 en 1998[5](27 quintaux en 1960, puis 52 en 1980). Mais la productivité du blé n'est pas la même dans d’autres régions du globe, le rendement moyen mondial reste, au début du XXIe siècle inférieur à 30 quintaux par hectare et par an.
Années 1900
Les États-Unis dominent la production mondiale de céréales avant la Première Guerre mondiale, avec 261 millions d'hectolitres de blé récoltées en moyenne pour les cinq années 1910-1914, devant les 230 millions d'hectolitres de la Russie, même si cette dernière les a devancés certaines années[6]. L'Inde britannique vient ensuite avec 122 millions d'hectolitres, tandis que la production canadienne n'est pas clairement connue, la république d'Argentine produisant 57 millions d'hectolitres et l'Australie 31 millions d'hectolitres[6], toutes les deux encore derrière la France, l'Italie, et la Hongrie, les trois premiers producteurs de blé européens, qu'elles vont dépasser pendant la guerre[6].
Les principaux producteurs de blé en Europe avant la Première Guerre mondiale, en moyenne pour les cinq années 1910-1914, en millions d'hectolitres[6] :
Pays | France | Italie | Hongrie | Allemagne | Espagne | Roumanie | Autriche | Iles britanniques |
Récolte moyenne de blé 1910-1914 (millions d'hectolitres) | 107 | 65 | 60 | 53 | 40 | 30 | 22 | 20 |
Les « Terres noires » de Russie ont tiré profit de la proximité de la mer Noire
La Russie a vu ses exportations de blé passer de 23 millions de quintaux en 1860 à 126 millions en 1900[7]. Au début du XXe siècle, la région du fleuve Dniepr assure un cinquième des exportations mondiales de blé et de seigle et la totalité de celle de la Russie. Elle produit 10 % du maïs mondial et 40 % de l'orge[8]. Seuls les États-Unis font mieux, par un sextuplement en trente ans : de 9 millions de quintaux en 1866-1870 à 54 millions de quintaux pour la période 1896-1900.
Grâce à des récoltes exceptionnelles en 1909 et 1913, l'Empire russe devient le premier fournisseur mondial de céréales, mais perd ce titre les autres années. Entre 1908 et 1912, il a exporté en moyenne chaque année 513,6 millions de pouds (un poud vaut 16,38 kg) de céréales<[9] avec un maximum de 848 millions pouds en 1910. Malgré cette réussite commerciale, les disettes locales touchent chaque année une région ou l'autre de la Russie au début du XXe siècle[9] : en 1899-1901, les gouvernements ukrainiens sont les plus sinistrés, en 1906-1907 c'est la région de la Volga, en 1909 le Kazakhstan et en 1911 une nouvelle fois la Volga ainsi que l'Oural et la Sibérie occidentale[9]. Les mauvaises récoltes en 1905-1906 et en 1911 ont cependant affecté très modérément l'espérance de vie, contrairement aux famines de 1872, 1882 et 1892[9]. Le boom de l'exportation céréalière n'empêche pas le maintien d'une culture de céréales très pauvre pour beaucoup de paysans. En moyenne, de 1883 à 1898, les disponibilités en céréales et pommes de terre s'élevant à 360 kg par an et par habitant en Russie, contre 500 dans le reste de l'Europe.
Naissance des coopératives à blé et émigration massive vers l'ouest canadien
Dès les années 1900, la culture du blé devient le pivot de l'économie des Prairies canadiennes[10], devenues «corbeille à pain du monde»[10], et imprègne leur mode de vie[10]. Entre 1891 et 1914, plus de trois millions de personnes immigrent, majoritairement d'Europe continentale. Le territoire du blé est multiplié par cinq après 1901.
Surfaces semées en blé au Canada entre 1901 et 1921, en millions d'âcres :
1901 | 1911 | 1921 |
4 millions | 11 millions | 21 millions |
Des vagues successives s'étendent vers l'ouest. La plus importante, près de 7 millions d'acres en plus, soit 40 % du total cultivé en 1931, bénéficiera dans les années 1910 à la province de la Saskatchewan fondée en 1903.
Les surfaces cultivées en blé dans les Prairies, en millions d'acres :
Province | Surface de blé en 1901 | Surface de blé en 1911 | Surface de blé en 1921 | Surface de blé en 1931 |
Manitoba | 2 millions d'acres | 3,1 millions d'acres | 2,8 millions d'acres | 2,6 millions d'acres |
Saskatchewan | 0,5 million d'acres | 5 millions d'acres | 11,7 millions d'acres | 15,2 millions d'acres |
Alberta | 0,1 million d'acres | 1,6 million d'acres | 4,9 millions d'acres | 7 m, 9illions d'acres |
Total | 2,6 millions d'acres | 10 millions d'acres | 19,4 millions d'acres | 25,6 millions d'acres |
Les Coopératives céréalières au Canada sont nées en novembre 1901[11], quand une cinquantaine de céréaliers stigmatisent les sociétés de négoce comme leurs « oppresseurs » lors d'une « réunion de l'indignation » organisée par deux paysans John Sibbold et John A. Millar, au centre d'expédition des céréales d'« Indian Head (Saskatchewan) », car la moitié d'une récolte céréalière exceptionnelle est perdue, faute d'espace dans les silos-élévateurs à grains et de wagons du chemin de fer Canadien Pacifique. Ils créent la Territorial Grain Growers' Association, qui dénonce aussi le spéculatif Winnipeg Grain Exchange[12] et va peser sur la Loi de 1902 sur les Grains du Manitoba. Parmi ses dirigeants, Charles Avery Dunning, futur premier ministre de la Saskatchewan et ministre des Finances du Canada.
En 1905, la TGGA se scinde, l'Alberta et la Saskatchewan devenant deux nouvelles provinces du Canada. L'Alberta Farmer's Association fusionne en 1909 avec la Société Canadienne de l'Équité pour créer l'United Farmers of Alberta, non-partisane. En 1913, le gouvernement albertain l'aide à créer l'Alberta Farmers' Co-operative Elevator Company. La Grain Growers' Grain Company, autre coopérative, fondée en 1906, loue 174 Silos-élévateurs à grains, dès 1912 au gouvernement du Manitoba, achète les siens et un moulin à farine, puis fusionne avec celle de l'Alberta en 1917 pour fonder United Grain Growers. Lors de la fusion, l'AFCEC a 103 silos-élévateurs, 122 hangars à charbon et 145 entrepôts et le GGGC a 55 hangars à charbon, 78 entrepôts, 60 silos-élévateurs, et en loue 137 au gouvernement du Manitoba, permettant de traiter près de 28 millions de boisseaux. Dès 1910, le Canada assure près d'un cinquième des exportations mondiales de blé et va passer à la moitié dans les quinze années qui suivent.
Cet exemple inspire le mouvement coopératif en France, qui fonde en 1908 deux fédérations : coopératives de production et les mutuelles régionales de crédit, puis en 1909 une Fédération des syndicats agricoles[13]. En 1910, l'ensemble se regroupe sous la présidence du radical Albert Viger, trois fois ministre de l'Agriculture depuis 1893, en une Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole (FNMCA), qui achète un immeuble au 129 boulevard Saint-Germain à Paris, entre le Sénat et la Chambre des députés, pour faire contrepoids à la conservatrice Société des agriculteurs de France, basée rue d'Athènes[13].
Succès fulgurant du blé Marquis
Le blé Hard Red Calcutta, géniteur femelle du blé Marquis, est importé au Canada par Charles Saunders (céréaliste) à des fins expérimentales à la fin du XIXe siècle[14]. Des échantillons sont distribués à des fermiers dans l'ensemble du pays en 1892[14], mais sans réussir. Comme il mûrit deux à trois semaines avant le blé 'Red Fife', il est récolté avant l'apparition de la rouille, qu'il évite donc[14]. Mais son rendement est jugé trop faible pour une utilisation massive[14].
En 1904, Charles E. Saunders, devenu directeur de la recherche canadienne sur les céréales[14], découvre une nouvelle variété, dénommée « Marquis », issue d'un croisement entre le blé Hard Red Calcutta et le blé 'Red Fife'[14]. Ce croisement a probablement été réalisé en 1892 à la Ferme expérimentale d'Agassiz, en Colombie-Britannique, mais sous-utilisé[14]. Il diffère du blé 'Red Fife', par sa tige plus courte, qui ne verse pas, et son grain plus trapu[14]. Mûr 3 à 4 jours avant la plupart des variétés de blé 'Red Fife', il a un bien meilleur rendement que le blé Hard Red Calcutta[14].
En 1908, cette céréale est expédiée à la Ferme expérimentale de Brandon, dans le Manitoba, et au printemps 1909, sa distribution commence : 400 échantillons sont expédiés à des fermiers, en Saskatchewan, Manitoba, Alberta, Ontario et Québec, et même à Kamloops, en Colombie-Britannique, puis aux États-Unis[14]. Le blé Marquis attire l'attention par la qualité exceptionnelle de son grain et de sa farine, sa précocité (plusieurs jours avant le blé 'Red Fife'), et son rendement élevé. Le ministère de l'agriculture canadienne considère que l'introduction du blé Marquis fut son plus grand triomphe pratique[14].
En 1912, le Dakota du Nord importe pour la première fois plusieurs wagons de blé Marquis[14]. À Minneapolis, les meuniers remarquent immédiatement ses excellentes qualités meunières et boulangères. La meunerie Toddy Russel Miller, de Minneapolis, commande 100 000 boisseaux[14]. À l'automne 1913, c'est au tour de l'Angus Mackay Farm Seed Company, d'Indian Head, près de Regina[14]. La société nomme le professeur H. L. Bolly, commissaire des grains du Dakota du Nord, pour inspecter les champs[14]. En 1914, un demi-million d'acres américains sont cultivées en blé Marquis[14], produisant une récolte de 7 millions de boisseaux, dont 3,36 millions pour les Minnesota et Dakota du Nord, tandis que Montana, Iowa, Nebraska, Dakota du Sud et l'État de Washington se partagent le reste[14]. Rapidement, le blé Marquis remplace toutes les variétés de printemps cultivées et même certaines variétés d'hiver[14]. Il est planté sur la moitié des champs américains et 80 % des champs canadiens en 1917[14], lorsque ces deux pays font un énorme effort de production pour pallier la baisse de près d'un tiers de la production mondiale de blé causée par la Première Guerre mondiale.
La récolte de blé et la proportion de blé Marquis au Canada en 1917 et 1918[14] :
Année | 1917 | 1918 |
Récolte, en millions de boisseaux | 212 millions de boisseaux | 162 millions de boisseaux |
Proportion de blé Marquis | 80 % de marquis | 80 % de marquis |
En 1918, à la suite de la flambée des cours de 1917 et de la mauvaise météo de 1916, les fermiers américains et canadiens sèment le blé Marquis sur plus de 20 millions d'acres, du sud du Nebraska au nord de la Saskatchewan, soit une distance de plus de 800 milles[14].
Récoltes de quatre États américains cultivateurs de blé de printemps en 1917 et part du blé Marquis[14] :
États | Minnesota | Dakota du Nord | Dakota du Sud | Montana | Total des quatre |
Récolte 1917 | 59,7 millions de boisseaux | 56 millions de boisseaux | 52 millions de boisseaux | 19,7 millions de boisseaux | 169,7 millions de boisseaux |
Proportion de blé Marquis | 46 % de marquis | 43 % de marquis | 43 % de marquis | 45 % de marquis | NC |
Rebond des cours mondiaux entre 1906 et 1909
Le début du XXe siècle va voir aboutir la création d'un nouvel État fédéral, l'Australie, qui voit le jour le , doté d'une constitution ratifiée par le parlement britannique en 1900. Les années 1900 voient un premier doublement de la longueur du réseau ferré australien, qui dépasse les 4 000 miles[15]. Au cours de la seconde moitié des années 1900, les exportations de blé australien vers l'Angleterre se font à des prix moyens en forte hausse, avec une augmentation d'un tiers des volumes exportés entre 1906 et 1909[16]. De tous les blés exportés vers l'Angleterre, le blé australien est le plus onéreux[16], en raison de sa richesse en gluten et du fait qu'il est facile à transformer en farine[16]. Sur l'ensemble de la décennie, le prix du blé australien passe de 2 shilling et 9 penny (il y a alors 12 penny dans un shilling) par « quart impérial » (quart d'un gallon du système impérial d'unités soit 1,136 522 5 litres), à 4 shilling et 2 penny[16], une hausse de près de 50 %. La mauvaise récolte anglaise de 1903 est aussi compensée par des importations américaines (5 millions de boisseaux) et argentines (3 millions de boisseaux)[16].
Cette remontée des cours du blé tranche avec l'évolution alors en cours. Entre 1861 et 1903, le prix du Quart (unité) avait été plus que divisé par deux, de 55 à 26 shilling par quart impérial[16], en passant par 45 shilling en 1881[16], la baisse s'accélérant ensuite sur les deux dernières décennies du siècle. L'Australie représente seulement 2 % de l'offre mondiale de blé en 1900[16] et elle va ensuite devenir un grand producteur. L'apport des nouveaux pays fait que la production mondiale stagne entre 1904 et 1908 à environ 3 milliards de boisseaux[16].
Années 1910
Pendant la Première Guerre mondiale, l'Amérique du Nord, l'Argentine et l'Australie ont étendu les surfaces cultivées en céréales pour répondre aux demandes de l'Europe en guerre[17]. En Amérique du Nord, elles ont augmenté de 60 %[17]. Pour y parvenir les gouvernements ont fermé le marché à terme et pris en main la commercialisation, avec des prix garantis aux cultivateurs. Parmi les nations exportatrices de céréales, quatre vont nettement profiter de la pénurie en Europe causée par la guerre, Australie, États-Unis, Argentine et Canada[3]. Grande gagnante, l'Argentine passe de 13 % à 23 % des exportations de céréales dans le Monde au cours des années 1910[3], l'Australie de 7 % à 12 %[3], le Canada de 14 % à 21 %[3] et les États-Unis, l'autre grand gagnant de cette période, de 16 % à 43 %[3]. En Europe, la Roumanie double les surfaces cultivées le long du Danube.
Le Canada, référence de l'inspection, du stockage et du transport
Fiabilité de la qualité et transport bon marché : les deux recettes qui ont fait gagner le blé américain à la fin du XIXe siècle sont appliquées en plus grand par le Canada au siècle suivant. Le 1er avril 1912, le Canada Grain Act, créé la « Canadian Grain Commission », basée à Thunder Bay (Ontario), chargée de veiller à la qualité des céréales mises sur le marché[18], sur le modèle de la loi de 1902 sur les Grains du Manitoba. L'inspection des grains est démocratisée et modernisée pour encourager l'essor des Prairies canadiennes. Les nouvelles variétés de céréales doivent présenter des caractéristiques distinctives visibles[18], et de qualité égale ou supérieure aux variétés existantes.
La "Canadian Grain Commission" fonde en décembre 1913 à Winnipeg (Manitoba) un laboratoire confié à F. J. Birchard chargé d’évaluer la qualité des différents grades de blé canadien, leur mouture et leurs propriétés boulangères, pour conférer des assises scientifiques au système de classement des céréales[19]. Ses travaux démarrent en juin 1914. Birchard des analyses scientifiques plus rigoureuses, par exemple des appareils électriques pour doser l'eau, ce qui l'oppose parfois aux fonctionnaires, qui craignent de nuire au commerce céréalier. À la fin du XIXe siècle, les inspecteurs estimaient l'eau contenue par les grains... à la vue, l'odorat et le toucher, les mâchant pour se faire une idée. Le Canada compte 81 105 kilomètres de chemin de fer et exporte son expertise du stockage jusqu'à l'Argentine.
Thunder Bay (Ontario) devient un port céréalier et Montréal peut stocker jusqu'à 231,2 millions de boisseaux. La Canada Steamship Lines nait en 1913 et des fonds fédéraux financent l'immense terminal portuaire céréalier bâti en 1913 dans le port de Halifax, libre de glaces toute l'année, relié au centre du pays par le chemin de fer Intercolonial.
Commencée en 1911, le chemin de fer de la Baie d'Hudson veut créer un nouveau port sur la baie d'Hudson. Mais les pénuries de matériel, les conflits de travail, les tempêtes, les incendies et les accidents de bateau ont entraîné des retards importants. De nombreux délais furent causés par les défis d'ingénierie posés par les nombreuses fondrières de mousse (muskeg) et les affleurements de roche du bouclier canadien. La Première Guerre mondiale a entraîné d'autres pénuries de matériel et de main-d'œuvre.
Guerre de 1914-1918 : les États américains et canadiens collectivisent le marché
Inspection généralisée des qualités
Beaucoup de jeunes agriculteurs européens sont enrôlés dans la Première Guerre mondiale. La France et l'Italie dépendent des exportations américaines, pour environ 100 000 à 260 000 000 boisseaux par an. Les prix des céréales montent, les agriculteurs américains prennent des hypothèques pour acheter des terres[20]. La superficie cultivée en blé américain progresse de 13 millions d'acres entre 1910 et 1915[21]. Cette ruée vers le blé fait baisser la qualité.
Une loi américaine de 1914 crée une taxe de deux cents sur tout contrat à terme liés aux matières premières, avec une exemption totale s'il spécifie de manière très précise la qualité et les conditions de livraison. Le Ministère de l'agriculture devient l'arbitre des contentieux, pour les céréales comme pour le coton. Une nouvelle version de la loi, en 1916, le charge de fixer lui-même les spécifications des contrats et d'inspecter et labelliser les différents types de coton. Une autre loi, similaire, est votée en 1916 pour les céréales, fixant des standards minimums pour le stockage. Les États-Unis s'inspirent de la loi canadienne de 1912.
Avant son entrée en guerre, le gouvernement américain fait des démarches auprès des puissances centrales pour organiser le ravitaillement de tous les territoires envahis, aussi bien à l'est de l'Europe qu'à l'ouest, mais l'activité logistique américaine sera finalement confinée à la Belgique.
Les succès électoraux des fermiers et les réformes au Dakota puis en Alberta
Dans le Dakota du Nord, la Ligue non-partisane proche du mouvement des « grangers » créé en 1867 contre les grands intermédiaires, dans l'Illinois et le Wisconsin, se présente aux élections de 1916, menée par deux jeunes amis fermiers inconnus, Fred Wood et Arthur Charles Townley, le second venant du parti socialiste, pour remplacer le système des partis par une forme de démocratie directe. Grâce à elle, un autre fermier peu connu, Lynn Frazier, est élu gouverneur du Dakota du Nord avec 79 % des voix, et John Miller Baer, agronome devenu dessinateur de presse, à la chambre des représentants des États-Unis. Elle obtient des réformes sociales[22] et économiques comme la création à Grand Forks de la "North Dakota Mill and Elevator" par l'État du Dakota du Nord, qui exploite le plus grand moulin à farine des États-Unis, doublé d'un gigantesque silos-élévateurs à grains, et de machines pour fabriquer plus rapidement des pancakes[23],[24].
Au Canada, l'United Farmers of Alberta (UFA) se lance en politique en 1919, contre l'avis de son président Henry Wise Wood, l'Alberta Non-Partisan League, ayant fait élire 2 candidats sur 4 dans des circonscriptions rurales lors de l'Élection générale albertaine de 1917. En 1921, Robert Gardiner deviendra le premier député de l'UFA à la Chambre des communes du Canada. Lors de l'élection générale albertaine de 1921, l'UFA fait élire 38 députés sur 45 présentés, formant un gouvernement majoritaire qui chasse le Parti libéral de l'Alberta, au pouvoir après 17 ans.
Les émeutes de la faim et la fermeture des marchés à terme
Dès 1915, l'Allemagne avertit que ses sous-marins n'éviteront aucun navire, militaire ou marchand : ravitailler les ports anglais devient dangereux[21]. Quelques jours après, le paquebot Lusitania est coulé par une torpille allemande, au large de l'Irlande[21], faisant 1198 victimes, dont 124 américaines. La guerre mobilise aussi les paysans russes, laminant les récoltes et la production mondiale 1916, revenue à 2,57 milliards de boisseaux contre 3,36 milliards en 1915[21], les récoltes américaines ayant subi de leur côté un hiver très froid et des maladies du blé coriaces[21].
Les prix s'emballent, la spéculation fait rage, et la "Grain export company" est fondée par le gouvernement en 1916 pour grouper l'achat en Amérique du Nord et obtenir des prix rationnels[25]. En 1916 aussi, les Anglais, gros importateurs, dépendants à 60 % du blé américain, doivent se tourner vers le blé australien à plus grande échelle car les cargos américains de céréales sont décimés par les sous-marins allemands[21]. Ils créent la "Royal Comission Wheat Supply" (RCWS), à qui les autres pays européens alliés délèguent leurs achats. La RWWS réalise de grosses acquisitions sur le marché à terme américain, en particulier sur l'échéance de mai 1917 du contrat No 2 sur le blé dur d'hiver, dont le prix va passer de 1,03 à 3,25 dollars en moins d'un an[21]. À la mi-février 1917, le New York Evening Post et le New York Times rapportent des émeutes de la faim dans leur ville, tout comme les journaux de Minneapolis.
Un comité "Feed America First" se crée à Boston[21]. Plusieurs États lancent des investigations sur la commercialisation des céréales[21]. L'intellectuel Stephan Leacock traite les céréaliculteurs de "War drone". Un expert estime que la consommation de blé a aussi chuté en Russie, d'un cinquième[21]. Les États-Unis et les gouvernements d'Europe de l'Ouest exigent des industriels qu'ils commercialisent du pain d'orge et d'avoine[21].
En mars 1917 on apprend que 92 % de la récolte américaine a déjà été vendue[21] et les prix s'emballent[21] en avril 1917, à l'Entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale : les opérations sont suspendues sur le NYSE et le NY Produce Exchange mais se poursuivent sur le Chicago Board of Trade. Le contrat sur le blé y touche rapidement son plus haut historique à 3,25 dollars le boisseau, le 11 mai 1917, puis est suspendu. Trois mois plus tôt, le 3 février, il ne valait que 2,44 dollars. Le lendemain, le CBOT force les livraisons au prix de 3,18 dollars[21].
Le corner (finance) est combattu aussi au Winnipeg Grain Exchange, où le contrat à terme d'échéance en mai est suspendu dès le 4 mai 1917[25], une semaine avant Chicago, et placé sous l'administration d'un "Board of grain supervisors", nommé par l'État[25]. Il ne reprendra qu'en 1919.
Le 17 mai 1917, le président américain Herbert Hoover préside la première réunion du "Comittee of Grain Exchage in Aid of National Defense"[21] à laquelle assistent 8 personnes parmi lesquelles l'industriel républicain Julius Barnes, représentant du Minneapolis Grain Exchange et patron de Barnes-Ames et John MacMillan, gros exportateur en céréales. La réunion entérine la prise de contrôle par le gouvernement de la vente et du transport des céréales. Le 1er juin, l'État ferme aussi le marché à terme pour les œufs et le beurre, et le 11 juin pour le maïs.
Au 30 juin 1917, le géant du négoce Cargill publie le meilleur bénéfice de son histoire, dépassant un million de dollars[21], quinze jours après avoir versé un dividende exceptionnel de 45 % de ses fonds propres. Knut Nelson, sénateur du Minnesota et le président de Cargill, John H. MacMillan Sr., s'empoignent, le premier dénonçant la spéculation[21]. Le 12 août 1917, le président Herbert Hoover propose que l'État achète la totalité de la récolte 1917 des États-Unis... mais au prix unique de 2,32 dollar le boisseau, un tiers de moins que le record du marché à terme. Comme au Canada, il crée une nouvelle administration, la "Grain Corporation", dirigée par Julius Barnes, pour acheter les récoltes dans les gares et les ports.
Les conséquences de la guerre
L'Argentine remplace la Russie et devient un grand exportateur de céréales
L'Argentine passe de 13 % à 23 % du commerce mondial de céréales au cours des années 1910. L'arrivée massive d'immigrants européens et de capitaux étrangers entraîne un essor économique qui en fait en 1913 l'un des pays les plus riches du monde, 12e par le PIB par habitant, juste devant la France[26]. Les cargos de blé argentin arrivent à point nommé en 1917, lorsque la révolution russe prive l'Europe des blés de Russie et d'Ukraine[27]. Le groupe Louis-Dreyfus qui a chargé Alfred Lang-Willar, neveu de Léopold, d'ouvrir un comptoir à Buenos-Aires, participe au ravitaillement des puissances alliées pendant le conflit.
Le million de tonnes de blé exportées avait été atteint dès 1893 contre 100 000 tonnes exportées en 1884 et seulement 9 tonnes en 1871. Le négociant américain Bunge, créé par Charles Bunge, futur « géant du grain »[28], implanté en Argentine dès 1884, pour y développer le blé a lancé des infrastructures qui permettent la croissance des grandes exploitations mais aussi de nouvelles, plus petites. À la fin du XIXe siècle, dans la province de Buenos Aires, 20 propriétaires d'exploitations de 20 000 hectares et plus se partageaient 0,64 million d'hectares.
L'essor du blé australien
En 1909, les protectionnistes et libre-échangistes fusionnent pour former le Parti libéral du Commonwealth, sans empêcher l'arrivée au pouvoir du parti travailliste d'Andrew Fisher en 1910, qui veut une ruée vers la ceinture de blé, limitée au nord par le Mid West (Australie), à l'est par le Goldfields-Esperance, au sud par les régions de Great Southern et South West (Australie-Occidentale) à l'ouest, du nord au sud, par l'océan Indien, la région de Perth, la capitale de l'Australie-Occidentale et la région de Peel (Australie). La dernière des ruées vers l'or en Australie (47 % des exportations australiennes en 1913[15]) prend fin, en raison de l'abondance de l'or sud-africain. Le prix du blé australien a lui augmenté de près de 50 %[29] dans les années 1900, grâce aux exportations vers l'Angleterre, qui augmentent encore au cours des années 1910. Entre 1908 et 1913, 46 473 immigrants britanniques sont arrivés en Australie de l'est[15], dont 30 811 financièrement aidés à condition qu'ils s'engagent à travailler dans l'agriculture[15]. L' extension du réseau ferré permet de transporter le blé[15] et le crédit à bon marché d'équiper les fermes.
Le développement des cultures est limité par la distribution inégale des précipitations[30] : une zone dite de "tampon tempéré", propice à la culture du blé et connue sous le nom de « ceinture de blé »[30], avec des précipitations de 20 à 12 pouces par an[30], sépare les zones côtières des zones semi-arides[30]. Une ligne avait été dessiné par l'arpenteur général de l'Australie du Sud, George W. Goyder, en 1865, après deux années de sécheresse[30]. L'Australie-Occidentale devint un important producteur de céréales en 1905, grâce à l'introduction, depuis les années 1890, de superphosphate et d'azote pour améliorer la fertilité[30]. À son tour, la Nouvelle-Galles du Sud devint le premier producteur en 1910[30]. Les travaillistes ont libéralisé en 1911 la politique de la Banque agricole créée en 1894. De 1906 à 1911, la production avait sextuplé pour atteindre 160 000 tonnes mais l'acquisitions de terres était devenu un mouvement aux buts spéculatif plutôt que productifs, avec quatre millions d'hectares acquis, donc son administration a changé la donne pour passer de l'aliénation des terres à la production : l'aliénation est retombée à 61 000 hectares en 1915 contre 570 000 hectares en 1912 et les récoltes de blé ont triplé.
La construction des chemins de fer a été renforcée par une politique volontariste, tandis que les agriculteurs s'installant dans la ceinture de blé de l'Est ont bénéficié d'une expertise technique, tandis qu'un impôt progressif sur le revenu a été introduit. John Scaddan (en) a conservé le gouvernement de l'Australie-Occidentale lors des élections du pour élire les 50 membres de l'Assemblée législative d'Australie-Occidentale, qui ont vu l'émergence du Western Australian Country Party, fondé lors d'une conférence des fermiers et des colons de la Farmers and Settlers Association en 1913 pour défendre les intérêts ruraux, qui a gagné huit sièges.
Une grave sécheresse en 1914 et la Première Guerre mondiale[15] ont interrompu la croissance de la production agricole de blé, qui est retombée de 80 % en une année[15]. Mais l'augmentation de 90 % du prix de blé entre 1914 et 1920 a réussi à éviter à l'industrie céréalière un déclin majeur[15]. Scaddan a pensé que l'Australie-Occidentale pourrait construire un système ferroviaire qui était trop grand pour ses exportations. Les lignes ouvertes pour le trafic céréalier ont été principalement placées dans la ceinture de blé d'Yuna et Ajana, au nord de Geraldton à Gnowangerup. Les chemins de fer du Sud ont pénétré vers l'est de Wagin Katanning et Tambellup. Plus au nord la ligne des collines Wongan Mullewa est achevée plus tard, fournissant un chemin de fer gouvernemental de Perth à Geraldton.
L'expansion du blé australien se poursuivra lors de la décennie suivante, malgré une baisse des prix au cours de sa seconde partie[15], qui n'empêche pas l'extension des surfaces cultivées[15], y compris dans des zones à trop forte salinité[15], ce qui a ensuite entraîné des problèmes d'érosion. Dans les années 1920, les exportations de blé australien vers l'Afrique du Sud atteindront en moyenne 150 000 tonnes par an, entièrement expédiées par le transport maritime à la demande, par un navire de commerce non affecté à une ligne régulière, forme de colportage de port en port[31].
Doublement des surfaces cultivées le long du Danube en Roumanie
Au début du XXe siècle, la Roumanie était déjà le deuxième exportateur de céréales en Europe, après la Russie et ses ports en relation intense avec Marseille. La Roumanie est ensuite mise à contribution par les autres pays européens pendant la Première Guerre mondiale : la production totale des céréales y a quasiment doublé en une décennie pour avoisiner 120 millions de quintaux en 1921 contre 60 millions en 1910[32].
Les céréales sont alors cultivées en Roumanie sur plus de 100 000 km2, dont 25 000 km2 pour la Bessarabie qui a le plus contribué à doubler en dix ans l'étendue cultivée, mais dont les rendements sont médiocres. Les parties les plus riches de la zone agricole occupée par le Banat et le département d'Arad, autre contributrice à l'expansion des années 1910 sont situées en Yougoslavie et en Hongrie[32].
Le maïs, introduit à l'époque ottomane, pèse un tiers du total de la production roumaine de céréales, en 1921 comme en 1910 et la bouillie de maïs mamaliga constitue encore la base de la nourriture du paysan roumain. Mais le maïs souffre quand les pluies de printemps sont insuffisantes et l'été trop humide. Sur les terres des colons allemands et bulgares, le blé l'emporte.
Les rendements sont faibles en Transylvanie malgré la fertilité du sol, tandis que le blé ne donne pas en moyenne plus de 13 hectolitres par hectare en Bessarabie, où seuls les grands propriétaires utilisaient les machines russes. Le sol est mieux cultivé dans le Banat et la plaine d'Arad, où les rendements sont supérieurs (15 à 18 hectolitres par hectare) à ceux de la Valachie et de la Moldavie méridionale[32]. Les engrais chimiques permettent au Banat ses rendements élevés. La variabilité extrême des récoltes affaiblit la Roumanie. Les ensemencements peuvent être très réduits par un automne trop sec et un hiver précoce[32].
Années 1920
Après la guerre de 14-18, lorsque les États européens ont repris leur production normale, les cours mondiaux ont chuté[17]. Ainsi, {citation|à partir d'un pic de 2,85 dollars par boisseau en septembre 1920, le prix du blé a commencé une lente baisse, jusqu'à moins d'un dollar le boisseau à la fin de 1923[33]. Cette fin de la stabilité des prix de 1919-1920 a confirmé l'agriculteur dans ses soupçons envers le marché privé.
Le Canada résiste à cette chute grâce au Pool du blé canadien, qui assure la moitié des exportations de céréales dans le Monde en 1925[3], avant de céder un peu de terrain à l'Australie lors de la seconde moitié des années 1920[3]. C'est surtout au cours de la première moitié des années 1920 que le géant Canadien progresse : il fait plus que doubler sa part de marché[3]. Au Canada, une lutte très âpre oppose alors les partisans de l'intervention inconditionnelle de l'État à ceux qui croient beaucoup plus à l'efficacité d'un système libre et privé[3].
Aux États-Unis, pays à régime libéral, vingt-cinq ans de tâtonnements des expériences d'économie dirigée ont caractérisé l'intervention de l'État dans ce domaine de la commercialisation des céréales[3], avec des succès mitigés jusqu'à la Seconde Guerre mondiale[3] pendant laquelle le dirigisme l'emporte nettement.
Les grands intermédiaires coopératifs ou privés qui sont montés en puissance pendant la Première Guerre mondiale doivent alors gérer la surproduction[17]. Le marché mondial est en effet marqué par la rationalisation du commerce par de vastes coopératives qui ont imposé une classification simple des espèces et simplifié le transport et la distribution[17]. La « Canadian Cooperative » faisait les cinq septièmes de l'exportation du Canada[17], la coopérative Marketing Policy est puissante en Australie[17]. En Argentine, une maison de négoce française et une autre belge font 60 % à 70 % des exportations[17].
Krach du début des années 1920
Parmi les expériences d'économie planifiée de la Première Guerre mondiale, la création du Board of Grain Commissioners en 1912, remplacé en 1917 par le Board of Grain Supervisors, qui possédait un monopole sur l'achat de blé lui permettant de fixer des prix uniformes dans le pays, sur un marché jusque-là dominé par la Canadian Pacific Railway et les grandes firmes de négoce du Winnipeg Grain Exchange. Ces géants négociaient les prix du blé en position de force, contraignant les agriculteurs à accepter des baisses importantes. Mais dès la dissolution de la Commission des superviseurs, le prix du blé chute de près des deux tiers en trois ans, de 2,85 dollars le boisseau en 1920 à moins d'un dollar à la fin 1923, dans le contexte général de baisse des prix du blé du début des années 1920.
Des coopératives d'achats, créées sur le modèle de l'United Grain Growers de 1906, avec des subventions publiques, échouent à enrayer cette chute des prix puis sont emportées par la crise de 1929. Le gouvernement fédéral canadien décide alors de ressusciter le Board of Grain Commissioners de la Première Guerre mondiale : il fonde en 1935, la Commission canadienne du blé. Basée à Winnipeg (Manitoba), elle a pour mission d'égaliser les conditions de concurrence et commercialisation pour tous les producteurs issus des « Prairies » : Alberta, Saskatchewan, Manitoba et une partie de la Colombie-Britannique. Les 75 000 céréaliculteurs recevaient un paiement intérimaire et un paiement final qui dépendait des prix et des ventes totaux. En 1943, la Loi sur les mesures de guerre oblige les céréaliers à adhérer à la Commission, chargée du contrôle des prix de nombreuses autres grandes cultures : maïs, tournesol, etc.
Pool canadien du blé, prix garantis et stockage démocratisé
En 1919, une commission est créée pour commercialiser la récolte de blé de l'année[18], qui semblait plus difficile du fait de la fin de la guerre. Le port de Montréal atteint un fret de trois millions de tonnes en 1919. Ensuite, même si le gouvernement n’avait envisagé cette Commission qu’à titre de mesure de guerre, les agriculteurs demandent au début des années 1920 le rétablissement de cet organisme de commercialisation[18].
À partir de l'automne de 1922, les fermiers canadiens se groupent en organisations fédérant leurs coopératives[34], d'Alberta, du Saskatchewan et du Manitoba, qui forment à l'automne de 1924 la « Canadian Cooperative Wheat Producers Ltd »[35], appelé aussi Pool canadien du blé, afin de tirer parti en commun de leur poids sur le marché. Selon l'économiste et sociologue québécois Esdras Minville, qui aida plus tard à fonder plusieurs coopératives dans la province de Québec, le fonctionnement du pool du blé montre comment la coopération peut être un outil extrêmement sûr et efficace dans le développement économique[36]. La Central Selling Agency, organisme central, est fondée par trois entreprises de stockage de céréales, un pour chacune des trois provinces céréalières de l'ouest, qui fédèrent quasiment toutes les coopératives et mettent en commun leurs contacts, afin de mieux exporter leur blé et recourir à des emprunts bancaires[18]. Le Pool canadien du blé devient un acteur redouté par sa force de frappe sur le marché mondial, et parfois considéré comme un cartel[37], grâce à des capacités énormes de stockage et de transport. Le Pool canadien du blé regroupe 140 000 adhérents[38], commercialise au milieu des années 1920 de 51 % à 53 % des récoltes, puis 70 % en 1929[25], qui près lui-même la moitié du commerce mondial du blé dès 1925. Pool Canadien du Blé vend sur les Bourses aux grains de Winnipeg et Calgary[38] mais surtout sur les marchés étrangers[38], les deux-cinquièmes des exportations passant entre ses mains[38]. La part de l'Angleterre dans les exportations de blé canadiennes passe de 89 % en 1909 à 72 % en 1925 et 59 % en 1931[34]. Les États-Unis sont de leur côté évincés du marché, leur part chutant dès le début des années 1920 : de 1920 à 1929, le Canada fournit 63 % des exportations du blé en provenance de l'Amérique du Nord[34]. Le « Pool » est solidement soutenu politiquement : John Archibald Maharg, président de la Saskatchewan Grain Growers' Association est dès 1921, ministre provincial de l'agriculture. et lors de l'élection générale albertaine de 1921, l'United Farmers of Alberta fait élire 38 députés sur 45 présentés, formant un gouvernement majoritaire qui chasse le Parti libéral de l'Alberta du pouvoir.
Le Pool canadien du blé met aussi en avant une participation des fermiers aux élections pour ses instances de direction[38]. Le Pool canadien du blé signe avec le fermier un contrat sur cinq ans qui permet à ce dernier de préfinancer sa récolte via un paiement initial, le complément étant assuré en fonction de l'État du marché. Du coup, le fermier bénéficie d'un prix garanti sur une partie de son offre[25]. Le Pool Canadien du Blé a rapidement contrôlé la moitié des silos-élévateurs à grains, de l'ouest canadien et permis d'étaler la vente des récoltes sur toute l'année[25], voire d'imposer un bras de fer aux importateurs dans les moments de faiblesse. Certains auteurs estiment qu'ils n'ont pas obtenu de prix plus élevés que ceux du marché à terme mais c'est déjà un succès pour leurs 140 000 membres habitués jusque là à recevoir beaucoup moins que les négociants et spéculateurs : ils deviennent copropriétaires de silos à grande échelle. Le PIB du Canada est alors stimulé par une augmentation rapide des exportations, qui passent de 3,5 milliards de dollars en 1921 à 6,1 milliards en 1929[39]. En 1926, le blé devint la première source du commerce extérieur et assure plus de 71 % des revenus de la population des Prairies[34].
Le Pool canadien du blé va inspirer le développement des coopératives dans d'autres pays, en France dès 1924, puis les systèmes de prix garantis de la seconde partie du XXe siècle. Revers de la médaille, ce sont les contribuables qui se répartissent les pertes : dès 1930, les pools connurent un déficit de 24,3 millions de dollars canadiens et les gouvernements provinciaux couvrirent le déficit[34]. L'assurance d'un prix garanti et l'espoir de versements additionnels amène les producteurs à ne considérer que le marché contrôlé et se lancer dans la surproduction. La grande crise de 1929 voit leurs revenus agricoles diminuer de 94 % entre 1929 et 1933[34] alors que l'accumulation des stocks à partir de 1924 aurait pu laisser entrevoir la gravité du problème[34]. Le prix du blé tomba à seulement 42 cents le boisseau en 1932 mais les superficies emblavées restèrent à la hausse. Les revenus des producteurs passèrent de 441 millions de dollars canadiens en 1928 à 90 millions en 1931, 109 millions en 1933 et 142 millions en 1935, soit trois fois moins qu'en 1928[34].
Création de l'AGPB, ferment du mouvement coopératif céréalier en France
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le contrôle des importations devient le levier principal de la politique céréalière nationale[40]. L'Association des producteurs de blé des régions Nord et parisienne(APBRNP) fédère 13 départements parmi les plus gros producteurs de blé qui pèsent 31 % des récoltes françaises et devient l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) en mai 1924[40]. Ses fondateurs sont fortement engagés dans des actions techniques : René Aubergé, premier président de l’AGPB (1924-1926), Georges Rémond, deuxième président de l'AGPB (de 1927 à 1934), comme Pierre Hallé, premier secrétaire de l'AGPB, sont tous trois d’anciens élèves de l'Institut national agronomique[40], facilitant ainsi les relations de travail avec les responsables des Services agricoles dans les départements[40]. L'AGPB est animée par des agriculteurs issus de régions agricoles plutôt favorisées, et se pose en porte-parole de grandes exploitations, où la main d’œuvre agricole est une part importante des coûts de production[40]. La multiplication des fraudes amène l'AGPB à proposer au ministère de l'Agriculture d'assurer, sous sa tutelle, l'organisation du contrôle de ces fraudes[40].
Après une récolte record en 1929, les stocks de blé s'accumulent, causant la chute des cours. L'AGPB s'engage avec quelques coopératives céréalières proches de sa mouvance dans une action d'exportation directe de blé, renforçant sa crédibilité auprès des pouvoirs publics[40]. De 1928 à 1935, le nombre de coopératives céréalières passe de 74 à 650[40]. Les responsables locaux des coopératives sont souvent membres de l'AGPB et le mouvement coopératif céréalier participe statutairement à 20 % du budget de AGPB[40].
Projet d'union douanière européenne dans les années 1920
Les pays européens se placent de nouveau à l'abri d'union douanière dans les années 1920[41] et deviennent autosuffisants[41]. Louis Loucheur, ministre français du Commerce et de l'Industrie siège au « comité économique Pan-Europe » et veut une « identité économique européenne », gage d'un renforcement du vieux continent face aux États-Unis. En 1927, il anime les travaux de la Conférence économique de Genève puis participe en 1930 à la conférence de l'Union douanière de Paris[42].
Dès avril 1924[43], un comité international est mis sur pied par Edgar Stern-Rubarth[44], qui deviendra directeur de l'Agence Continentale à partir de mai 1925. Son appel en ce sens, relayé par Charles Gide, Norman Angell et l'économiste hongrois Elemér Hantos, ancien secrétaire d'État dans son pays, ce qui se traduit rapidement par la création de sections locales dans 19 pays[43]. La section française réunit des personnalités liées à l'Union Paneuropéenne, comme Aristide Briand, Louis Loucheur ou Édouard Herriot[43]. Présidée par Charles Gide et Elemér Hantos, la direction de ce mouvement, qui se dénomme l'Union douanière, publie des revues en Allemagne, en France et aux Pays-Bas[43].
Le projet de cette « l'Union douanière », régionale, entre la France, l’Allemagne et les pays voisins, doublée d'une Union douanière en Europe centrale[45], fait baisser les prix des quatre "nouveaux pays" exportateurs de céréales, Australie, Argentine, Canada et États-Unis, qui sont les plus visés[41].
Pénurie de riz en Asie après la Première Guerre mondiale et lobby birman
Après la Première Guerre mondiale, des émeutes causées par le prix élevé du riz ont lieu en Malaisie en juin 1919[46] en raison d'un cours triplé en peu de temps[46], sur fond de stocks constitués par les spéculateurs pour profiter de subventions représentant 42 % du prix d'achat[46], et les autorités doivent prendre en main le marché dans toutes ses dimensions, exportation et distribution[46], tandis que le gouvernement des Indes anglaises réussit à stabiliser les cours en limitant les importations, jugées trop importantes, de riz birman[46].
Les exportations birmanes ont commencé aux environs de 1830. De 0,7 million de quintaux à cette époque, elles sont passées à 19 millions de quintaux en 1900, puis 20 millions de quintaux après la Première Guerre mondiale, dirigées pour plus des deux tiers vers les Indes anglaises et les pays de l'Extrême-Orient, qui réclament surtout des riz bon marché, le dernier tiers étant expédié vers l'Europe (Allemagne, Hollande, Royaume-Uni). En novembre 1920, le retour à la quasi-normale des prix du riz[46] permet d'alléger les contrôles sur le riz birman un an plus tard, c'est même le retour à un marché entièrement libre, en décembre 1921[46], sous la pression des lobbys constitués dans la capitale birmane[46].
Tout le commerce du riz birman est dans les mains du « Bullenger Pool », une association de grandes sociétés rizicoles, constituée en 1921[47] à Londres, qui est très actif sur le marché allemand, où il a même installé une industrie de la rizerie à Hambourg[46]. Le « Bullenger Pool » regroupe les quatre principaux exportateurs birmans, qui contrôlent un quart de l'offre de riz birman.
Des règles plus sévères sur le marché à terme américain en 1923
Alors que le marché à terme américain de Chicago avait été fermé en 1917, tout comme son homologue canadien de Winnipeg, de nouvelles mesures de contrôle sont prises six ans après. Le Congrès américain étend les mesures protectionnistes en 1922 par le Fordney-Mc Cumber Act, ensuite défendu sous la houlette du ministre de l'Agriculture américain de 1924 à 1928, William Jardine, qui rétablit sur le blé, le maïs, la viande, la laine, le sucre, des droits douaniers analogues à ceux de l'ancien tarif Payne. En 1923, le prix du blé s'enflamme, après avoir chuté pendant trois ans, et William Jardine, exige une enquête[48]. Il apparaît que les spéculateurs du Chicago Board of Trade ont fait flamber les prix via une entente[48]. Pour sauver leur indépendance, les 800 membres du Chicago Board of Trade devront prendre de sévères mesures[48] : les mouvements des traders seront désormais publics et contrôlés via une nouvelle chambre de compensation[48].
Années 1930
Les États interviennent pour réguler l'énorme marché mondial du blé qui a émergé à l'issue des années 1920 et contre le Krach de 1929. Un Indian Council of Agricultural Research est fondé dès 1929. Il est suivi par : l'Agricultural Adjustment Act, socle du New Deal du président américain Franklin Delano Roosevelt en 1933[49] ;
- le Conseil agricole australien de 1933 ;
- la Commission canadienne du blé en 1935 ;
- l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIC) français de 1936.
Face à la surproduction chronique de céréales et aux faibles prix, l'Accord international sur le blé de 1933 organise la première réduction concertée de l'offre mondiale. Dès 1927, c'était l'objectif du Canada, qui a depuis 1925 la moitié du commerce mondial du blé et organisé le Pool canadien du blé et le président américain Roosevelt appuie son orientation volontariste en 1933, alors que les pays européens sont plus divisés : la France est à l'abri d'une série de lois douanières[17], générant des prix plus élevés qu'en Belgique[17] alors l'Angleterre ne cultive plus en 1935 que 756 000 hectares de blé, huit fois moins que les 5,3 millions d'hectares français[17].
Nouvelles routes des grands navires céréaliers
Le 29 mars 1929, le Canada achève le chemin de fer de la Baie d'Hudson, victoire pour les fermiers des Prairies qui souhaitaient depuis longtemps avoir accès à la baie d'Hudson. Le port servira surtout à la Commission canadienne du blé (90 % du trafic). Grâce au blé du grand nord canadien, au milieu des années 1930, l'Angleterre est le plus gros pays importateur de blé au Monde, avec 6 millions de tonnes[2], dont la moitié vient du Canada[2]. Le marché mondial génère alors un trafic énorme, toute l'année. Fin août et septembre, un puissant fleuve de blé arrive de Montréal et New York vers Liverpool, Londres, Hambourg, Anvers, et Rotterdam[2]. Les cargos se hâtent de quitter aussi le port de Churchill, sur les rives de la Baie d'Hudson, dans le Manitoba, avant que les glaces ne les bloquent[2].
Un second flux de cargos céréalier, navires vraquier spécialisé dans le transport de céréales, qui prendront bientôt la taille moyenne, dite Panamax, va de Bahía Blanca, Rosario, Buenos Aires vers l'Europe occidentale qu'il ravitaille en décembre et janvier. Un troisième part de Melbourne fin janvier, puis une flottille de voiliers quitte en février ou mars le golfe Spencer pour apporter en trois mois à Londres, par le Cap Horn, le blé ensaché. Les navires céréaliers traversent aussi l'océan Indien, de Karachi vers l'Angleterre. De grandes routes du blé traversent aussi la mer Noire, des ports du Danube (Braïa et Galatz[2]) vers Rotterdam et Anvers[2] et surtout de celui Nikolaïevsk, où l'URSS a fait construire le plus grand des Silos-élévateurs à grains, d'Europe[2], mais également la Méditerranée, de l'Afrique du Nord vers Marseille, Gênes et Naples[2].
L'ancêtre de la FAO et les botanistes alertent sur la diversité génétique
En 1927, la question de la conservation des semences de variétés de céréales « de pays » fait l'objet de réflexions soutenues lors du congrès international d'agriculture, organisé à Rome par l'Institut agronomique international, précurseur de la FAO. Les agronomes y expliquent que les sélectionneurs seront victimes d'une diversité génétique trop réduite pour renouveler les semences : des recommandent de conserver les variétés anciennes, par les paysans eux-mêmes, ou dans des écoles. Le travail de Nikolaï Vavilov, issu de la brillante génération de généticiens (Philipchenko, Serebrovsky, Timoféef-Ressowsky, Dobzhansky…) qui dominèrent la biologie soviétique dans les années 1920[50], commence à porter timidement ses fruits.
Ces réflexions s'accélèrent lors de la crise des années 1930. Mais seule l'Autriche prend des mesures et seulement pour quelques années. Aux États-Unis, les botanistes Harry Harlan et Mary Martini lancent en 1936 un appel à la conservation des semences[50], qui aura un écho important chez les agronomes, mais chez les diplomates, l’heure est plutôt à l’exaltation des promesses de la génétique[50]. La disparition d’une partie des ressources génétiques par remplacement de variétés traditionnelles restera même négligée par la jeune Organisation des Nations unies[50]. Pourtant, en 1940, la collection de l'Institut Vavilov à Léningrad a déjà réuni un total de 250 000 accessions, dont 30 000 pour le blé[50]. L'Institut Vavilov facilite ainsi une "pensée géographique"[50] des gènes agricoles, de leur répartition et de leur diversité[50], sur la base du concept de « centres d’origine », zones de domestication d’une plante, plus riche en diversité[50]. Lors du siège de Léningrad par les nazis[51], le personnel de la banque de gènes de l'Institut Vavilov prèfère souffrir de la faim que manger les graines dont il assure la garde[52] [32] et neuf d'entre eux en périssent.
L'appel d'Harry Harlan et Mary Martini[50] sera repris beaucoup plus tard au sein de l'"International Biological Program" de 1964 à 1974[53]. Le Code international pour la nomenclature des plantes cultivées considère cependant qu'une variété de céréales « de pays » n'est ni assez uniforme ni suffisamment stable pour avoir un statut de cultivar.
Le blé talonne le riz à l'échelle mondiale
Après la très forte expansion des années 1920, la production mondiale de blé approche de 125 millions de tonnes[54], plus très loin 138 millions de tonnes de riz, nourriture, parfois exclusive, de plus du quart de l'humanité[17]. L'expansion du blé est surtout territoriale : sa superficie cultivée atteint 133 millions d'hectares en 1935, deux fois et demie les 55 millions d'hectares de riz[17]. Le blé a chassé la végétation naturelle des graminées de la prairie américaine, de la pampa argentine, et de la steppe russe[17]. L'homme a pu adapter à des conditions de climat très variées en sélectionnant les espèces, autour de deux axes :
- Le blé tendre de printemps, des pays nordiques[17] et climats continentaux rudes, est désormais semé au printemps en Ukraine et au nord des États-Unis. Grâce à lui, la Sibérie occidentale et le Canada, qui dispose d'une large palette de blé sont devenus de gros producteurs. C'est le blé du pain[17].
- Le blé dur d'hiver, semé en automne pour germer et former en jeunes plants qui restent en phase végétative pendant l'hiver, s'étend lui dans les climats océaniques mais aussi les climats secs. C'est le blé des pâtes alimentaires. De grands travaux d'irrigation ont étendu sa culture jusqu'au Désert du Thar, en Égypte[17]. Aux États-Unis, 99 % des terres irriguées dans l'Arizona sont cultivées en céréales[17].
L'Agence agricole et les lois du président Roosevelt après la crise de 1929
La Grande Dépression subit la déflation agricole des années 1930, causée par la crise de 1929. Le 12 mai 1933 l'Agricultural Adjustment Act, est voté en plein New Deal du président américain Franklin Delano Roosevelt[49], sous le conseillé par Henry Wallace. Il crée l'Agricultural Adjustment Administration, agence chargée du contrôle du versement des subventions et de redonner de la valeur aux récoltes des |15 millions d'agriculteurs américains, proches de la ruine[49],[55].
La crise est aggravée par le Dust Bowl (« Bol de poussière »), combinaison des tempêtes de poussière et sécheresse, qui dévaste les récoltes et provoque l'érosion des grandes plaines durant une dizaine d'années, jetant des milliers de fermiers sur les routes, en direction de l'ouest. Dans Les Raisins de la colère, le romancier John Steinbeck décrit de façon poignante cette période de l'histoire américaine. La crise écologique provoquée par le Dust Bowl conduisit le gouvernement américain à créer le Soil Conservation Service (en), appelé aujourd'hui Natural Resources Conservation Service (en), organisme chargé de la sauvegarde des ressources naturelles.
La loi de 1933, qui s'inspire de lois canadiennes de la décennie précédente, exige des crédits à faible taux et des indemnités compensatrices[49] pour les agriculteurs acceptant de ne pas cultiver une partie de leurs terres, afin de réduire l'offre pour déclencher une hausse des prix des productions agricoles. C'est la période où ont été créés les premiers programmes en faveur des fermiers, en particulier des céréaliers[4].
Les modalités d'intervention du gouvernement évolueront, mais trois catégories de produits vont continuer à relever chacune d'un traitement distinct :
- les grandes cultures bénéficient d'aides directes octroyées sous certaines conditions (céréales, coton) ;
- les produits soutenus au moyen de prix garantis (sucre, lait, oléagineux) et, le cas échéant, de protections aux frontières relativement élevées (sucre, lait) ;
- les productions ne bénéficiant pas d'aides directes ni de prix garantis, mais pour lesquelles des formes particulières d'intervention publique sont éventuellement prévues (viandes, fruits et légumes, etc.).
Accord international sur le blé de 1933
La négociation de l'Accord international sur le blé de 1933 a été précédée de six années de négociations. Dès la conférence économique internationale à Genève en 1927, les producteurs de céréales manifestent pour la première fois leur volonté de coopérer à la régulation de l'offre et des prix mondiaux. Une première conférence céréalière eut lieu à Londres en mai 1931. Les participants y approuvent le principe d'une réduction des emblavures dans les pays producteurs. En 1933, dans plusieurs pays producteurs des lois protectionnistes et interventionnistes voient le jour. La France vote ainsi le 26 janvier une loi de « défense du marché du blé » qui prévoit un mécanisme de stock régulateur pour faire rebondir les cours en cas de baisse[56] et le 14 avril, une autre loi autorise le ministère de l'agriculture à lutter contre les excédents en créant des primes pour inciter les céréaliers français à viser de nouveaux marchés comme l'alimentation animale.
La Société des nations a organisé cette année-là un très important sommet économique et monétaire à Londres en vue de régler les problèmes d'endettement, de protections commerciales douanières et de stabilité des monnaies, qui lui semblaient interdépendants[57]. Les représentants des pays producteurs y relancent l'idée d'un accord international sur le blé. Il est conclu le 25 août 1933, entre 9 pays exportateurs et 13 pays importateurs[57], soit quasiment tous les participants aux échanges internationaux de blé. Ils ont amendé et affiné un texte prévoyant le contingentement de la production et des exportations en vue de stabiliser le prix mondial[57] et d'éviter qu'une course aux exportations, subventionnées ne provoque une surproduction. Le Canada a joué un rôle prépondérant dans ce premier Accord international, car les quatre principaux exportateurs (États-Unis, Canada, Australie et Argentine)[57] acceptent tous de réduire leurs exportations de 15 %, sacrifice coûteux. Le nouveau président américain Roosevelt souhaite en particulier provoquer une hausse du prix du blé[57]. En contrepartie, les pays importateurs s'engagent à éviter une augmentation de leur propre production.
Le texte final institue des quotas à l'exportation en fonction du volume estimé des importations, pour 1933-1934, soit 15,2 millions de tonnes. Il a par exemple prévu pour les États-Unis, un plafond de 48 millions de boisseaux. Il précise que si le blé atteint un certain prix, calculé par rapport à l'or, et s'y maintient pendant plus de seize semaines, les pays importateurs doivent abaisser leurs droits de douane, afin que leurs propres producteurs ne soient pas encouragés à ensemencer davantage de blé. Même si ce premier accord n'a duré que peu de temps, il sert de modèle à ceux adoptés après la guerre, sous l'égide de l'ONU[57], qui ont préfiguré les premières négociations sur le GATT[57].
Malgré l'enthousiasme qu'il suscite, l'Accord international sur le blé de 1933 – qui portera progressivement sur toutes les céréales – va rencontrer des difficultés croissantes. Au lieu d'augmenter, le prix du blé baisse, même s'il s'établit sur les marchés américains à un niveau bien supérieur à celui du marché international, les exportations américaines diminuant.
Ce n'est pas le cas de tous les pays : l'Argentine, faute de disposer des capacités de stockage suffisantes, ne parvient pas à respecter son contingent d‟exportation et le dépasse même d‟un million de tonnes dès l'exercice agricole 1933-1934. La « Décennie infâme » des années 1930 est marquée par la corruption des gouvernements militaires argentins, issus d'un putsch en 1930, qui pensent compenser la baisse mondiale des prix agricoles par la préférence pour l'élevage intensif des grands propriétaires.
Contrairement à leurs engagements, les pays importateurs n'abaissent pas leurs droits de douane : les dispositions prévoyant une réduction de la production de 15 % des pays exportateurs restent donc lettre morte. De nombreux accords conclus pendant et après la dépression des années 1930 se préoccupent moins de réduire la variabilité des prix autour de leur tendance générale que de ne pas les laisser tomber en dessous d'un certain niveau[58]. L'influence que la variabilité des rendements et de la production agricole exerce sur celle des prix et des revenus n'a en général pas été modifiée par ce genre d'accord[58], même si la moyenne générale des prix semble soutenue par l'attention accordée par les signataires au prix plancher qu'ils semblent déterminés à défendre[58]. Malgré les échecs cumulatifs qui suivent, le comité consultatif sur le blé et le secrétariat mis en place par l'Accord international sur le blé de 1933 sont chargés de faire un rapport sur la situation mondiale du blé et de préparer un nouvel accord.
Après 1936 en France, l'ONIB/ONIC et la régulation des excédents
Le 15 août 1936, le Front populaire créé l'Office national interprofessionnel du blé (ONIB), confié de 1936 à 1940 à Henri Patizel, président de la coopérative agricole de stockage et de meunerie de l’arrondissement de Vitry-le-François. Dans une France encore à 50 % rurale, il faut garantir des revenus stables aux producteurs, par une politique dirigiste de prix[40]. Placé sous contrôle ministériel, l'ONIC a le monopole de l'exportation et de l'importation du blé comme de la farine, afin de prévenir les colères paysannes. Fermiers, coopératives, minotiers, intermédiaires et consommateurs doivent s'y concerter, pour trouver un « juste prix ». Faute d'accord, le gouvernement décide, les deux premières années. Un sénateur de droite, Charles Desjardins, dénonce « le plus beau monument d'organisation marxiste que l'on connaisse ». La mise en place de l'ONIB, suscite aussi des frictions entre responsables céréaliers et gouvernement sur leur pouvoir effectif dans le fonctionnement de l’ONIB[40]. Mais les effets positifs de la stabilisation des prix et la quasi-résolution du problème du financement des campagnes céréalières[40] se font rapidement sentir auprès des producteurs[40].
L'ONIB ne détient pas seulement le monopole de l'importation et de l'exportation du blé[40], mais aussi de son achat via des « organismes stockeurs » : coopératives ou négociants agréés, ce qui accélère l’émergence de nouvelles coopératives céréalières[40]. En 1939, l’ONIB recense 1 238 coopératives de céréales, d'une capacité de stockage de vingt millions de quintaux[13]. L’Union syndicale des groupements agricoles et l’Union nationale des coopératives de vente et de transformation du blé sont dissoutes et fusionnées de force sous Pétain[13], qui rebaptise l'ONIB en ONIC (Office national interprofessionnel des céréales), futur Office national interprofessionnel des grandes cultures. La loi du 2 décembre 1940, dite « Charte paysanne », créé la Corporation nationale paysanne, menée par Jacques Le Roy Ladurie et Louis Salleron[13].
La Seconde Guerre mondiale puis la libération de la France rendent incontournable l'ONIC, qui fixera le prix du blé jusqu'en 1953. Ensuite, il accompagne la mise en place de la politique agricole commune, finalisée en 1962 par des mécanismes d'intervention sur le marché, qui coûtent cher mais offrent une visibilité aux grandes exploitations céréalières de Beauce et de Brie, modernes, compétitives et largement exportatrices, à une époque où la France veut des devises, car le système monétaire mondial explose dès 1971.
Grandes famines de la collectivisation agricole en URSS
Entre la fin de 1932 et l’été de 1933, la faim fit en URSS près de sept fois plus de victimes que la Grande Terreur de 1937-1938, en deux fois moins de temps, car elle s'ajouta à une série de famines qui avaient débuté en 1931 et aux mauvaises conditions météorologiques de 1932[59]. La collectivisation agricole forcée de 1929 en URSS et sa conséquence, la grande famine en Ukraine, la plus grave de l’histoire soviétique, se traduisent par une offensive lancée par Staline contre de prétendus koulaks accusés de stocker leur production pour faire monter les prix, des négociants accusés de se livrer à la spéculation, et de prétendus saboteurs accusés d'œuvrer pour des réseaux contre-révolutionnaires ou pour les puissances impérialistes[60]. Staline veut imposer un développement rapide de l'industrie, financé par l'exportation de céréales et donc une hausse rapide des rendements agricoles, censée être obtenue par la collectivisation : le kolkhoze devient l'unité de base de production, via l'expropriation des paysans et notamment des plus prospères d'entre eux, tout particulièrement dans les régions les plus fertiles comme celles d'Ukraine[59], qui font l'objet de prélèvements si lourds que les paysans craignent pour leur survie et sont incités à cacher des réserves. Peu à peu, un pogrom est dirigé par l’État contre l’élite paysanne[59]. Les routes qui menaient aux villes ukrainiennes, misérables mais mieux approvisionnées que les campagnes[59], furent entourées de barrages de police anti-paysans[59]. En quelques mois, des centaines de milliers de paysans sont arrêtés, et plus de deux millions d'entre eux déportés[61],[62]. Le taux de mortalité annuel pour mille habitants dans les campagnes, égal à 100 en 1926, sauta à 188,1 en 1933 dans l’ensemble du pays[59].
Les principales agglomérations de la Russie subissent elles aussi d'importantes pénuries, tandis que l'Ukraine doit faire face à une première grave disette pendant l'hiver 1928-1929. Parallèlement, la Grande Dépression, qui frappe les économies capitalistes s'aggrave et la république de Weimar, principale e partenaire commerciale, met en œuvre des politiques protectionnistes qui se traduisent par une dégradation des termes de l'échange : les exportations russes, censées augmenter, diminuent en fait de 22 %[63]. La collectivisation, fondée sur l’importation de matériel industriel, aboutit à un échec et Staline l'interrompt, mais trop tard. Entre mai et juillet 1932, il prend une série de mesures de concessions envers les paysans[64], mais il faudra attendre 1933 pour que les approvisionnements s'intentisifient. Les administrations de 250 kolkhozes sont dissoutes, et 146 Raions sur les 484 d'Ukraine connaissent des purges. Molotov, Kaganovič et Postyšev furent envoyés respectivement en Ukraine, dans le Caucase du Nord et dans le bassin de la Volga pour tenter de redresser la situation[59].
En Ukraine, l'État collecte 30 % de la production céréalière dès 1930, puis 42 % en 1931, année d'une mauvaise récolte, une succession d'événements qui conduisent l'Ukraine à un début de famine de mai à juillet 1932, pendant la période de « soudure » entre deux récoltes. Moscou ne consent à envoyer que 107 000 tonnes d'aides alimentaires au printemps 1932, après que les premiers cas de famine ont été déclarés[65], dans un contexte de pénurie généralisée en Union soviétique, causée par les décisions des dirigeants, qui ont largement surestimé la récolte de 1931-1932.
Le plan de collecte prévoyait une récolte de 99 millions de tonnes, après coup évaluée à 705 millions de tonnes par le commissariat à l'agriculture, des travaux contemporains suggérant même que la récolte réelle a probablement été comprise entre 57 et 65 millions de tonnes. En Ukraine, l'État parviendra finalement à réquisitionner 7,3 millions de tonnes de céréales pour un plan initial de 8 millions de tonnes[66]. La récolte de 1932, quoique très faible, fut cependant plus élevée que celle de 1945 où il n’y eut pas de morts massives imputables à la faim. Le est promulguée la « loi des épis » qui permet de condamner à dix ans de camp ou à la peine de mort « tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste ». De juin 1932 à décembre 1933, 125 000 personnes sont condamnées, dont 5 400 à la peine capitale, certaines pour avoir volé quelques épis de blé ou de seigle dans les champs.
En Ukraine, les victimes de la famine sont des millions, alors que l'URSS exporte près de 3,3 millions de tonnes de céréales entre 1932 et 1933 : 4,8 millions en 1931, puis 1,6 million en 1932 et 1,7 million en 1933[67], même si « seulement » 300 000 tonnes ont été exportées au cours des six premiers mois de 1933, l'essentiel des exportations de 1933 ayant eu lieu après la famine, à la suite de la nouvelle récolte[68]. Ensuite, de janvier à juin 1933, environ 320 000 tonnes de céréales sont envoyées en Ukraine[69]. Les collectes furent cependant insuffisantes dans les régions traditionnellement productrices de céréales [59].
Croissance des surfaces cultivées en riz à la fin des années 1930
Avant la Seconde Guerre mondiale, le commerce international du riz se caractérise par une faible proportion des quantités exportées par rapport aux quantités produites, moins de 5 % du total[47], ce qui le rend assez marginal avec seulement 17 % environ des quantités totales des céréales exportées[47]. Trois pays : la Birmanie, le Siam et l'Indochine française fournissent à eux seuls 95 % environ des exportations de riz dans le monde[47], si l'on met de côté Formose et la Corée, qui produisent exclusivement pour le Japon. Pour autant, la fin des années 1930 voit un accroissement important des superficies cultivées en riz par rapport à la moyenne quinquennale de 1926-1927 à 1930-1931[47], ce qui fait qu'en 1938, le riz occupe la deuxième place de la production mondiale des céréales, immédiatement après le blé, avec 1 400 millions de quintaux[47] contre 1 500 millions de quintaux pour le blé[47], même si la situation des diverses provinces chinoises, au sein de l'un des plus gros producteurs de riz du monde, est encore mal connue en matières de superficie, rendement à l'hectare, et production[47]. Au cours des années 1930, l'Asie a vendu des quantités croissantes de céréales, blé des Indes ou riz du Siam, qui représentaient 3,3 % des exportations du tiers monde en 1930 et 12 % du total en 1937[70].
Le continent asiatique détient alors environ 95 % des superficies mondiales consacrées au riz[47]. Les Indes anglaises, gros consommateurs, sont de gros importateurs[47], même si elles produisent beaucoup, alors que la Birmanie, au contraire, exporte chaque année d'importantes quantités de riz. Les deux zones représentent alors le tiers de la production mondiale[47], avec des rendements qui varient dans ces deux pays de 14 à 15 quintaux à l'hectare[47] et un nombre de variétés cultivées est extrêmement élevé. De 27 à 28 millions d'hectares avant la Première Guerre mondiale[47], leurs surfaces cultivées sont passées à 33 à 34 millions d'hectares en 1938[47], soit une progression de plus d'un quart en un quart de siècle, une croissance freinées dans les années 1920 par l'importance des cultures de coton, de canne à sucre et de Jute (au Bengale), beaucoup plus rémunératrices.
En 1938 aussi, la Chine bénéficie de rendements nettement plus élevés, 25 quintaux de riz environ à l'hectare[47], grâce à l'investissement dans la préparation des terres, les travaux culturaux, et l'épandage des engrais[47], alors qu'elle consacre un peu plus de 18 millions d'hectares au riz, donnant une production de 480 millions de quintaux[47]. Grâce à des recherches rizicoles toujours très poussées, le Japon a les rendements les plus élevés en Asie, de près de 39 quintaux à l'hectares[47], qui fournissent 123 millions de quintaux sur 3,2 millions d'hectares[47], mais reste un pays importateur de riz, surtout en provenance de Corée et Formose[47]. En Indochine française, le rendement est extrêmement bas : 11 quintaux à l'hectare environ[47], qui produisent 'un peu plus de 63 millions de quintaux sur une superficie de 5,6 millions d'hectares ensemencés[47]. Les recherches confiées à l'Office indochinois du riz, récemment créé, se heurtent alors à de graves problèmes parmi lesquels l'existence dans ces zones de plus de 2 000 variétés différentes de riz[47]. La Cochinchine intervient à peu près exclusivement sur le marché international, grâce à sa très forte production, près de la moitié de toute celle de l'Indochine française[47].
L'autre grand exportateur, avec la Birmanie, est le Siam, dont l'économie repose sur la culture du riz, qui représente 70 % des exportations siamoises totales[47]. En 1937-1938, sur près de 3 millions d'hectares[47], le Siam a récolté 47 millions de quintaux[47], grâce à une amélioration des méthodes culturales et à l'introduction de la culture mécanique qui, notamment dans le sud du pays, a donné de très bons résultats, sous l'impulsion du gouvernement, et grâce à toute une organisation de crédit[47].
Années 1940
Après la Seconde Guerre mondiale, bien que le Canada ait perdu son rôle de «leader» incontesté, il n'en a pas moins conservé le premier rang du commerce mondial du blé, dont il assure encore 42 % en 1945 après 44 % en 1940[3], tandis que l'Argentine le talonnait dès 1940, avec 21 % du total, grâce aux contrats importants avec l'Espagne franquiste[3]. Mais l'augmentation impressionnante des exportations américaines dès 1945 remet en cause cette domination[3].
Accord secret entre Perón et Franco, pour pallier le déficit céréalier espagnol
En pleine Décennie infâme, marquée par des coups d’État militaires et avant la fin de la guerre civile espagnole, conflit qui dure du au , l’Argentine reconnaît le gouvernement de Francisco Franco le 25 février 1939. Trois jours plus tard, elle envoie 200 000 tonnes de blé en Espagne. Cette coopération va ensuite continuer. Avant même d’accéder à la présidence, le chef de l'État argentin Juan Perón permet la signature d’un texte permettant à l’Argentine de concéder à l’Espagne un crédit de 30 millions de pesos pour l’achat de céréales[71] : c'est l’accord du 30 avril 1946. Selon l’ambassadeur espagnol à Buenos Aires, il doit « permettre de montrer au monde entier l’amitié qui unit l’Espagne et l’Argentine ». Cependant, à cause des circonstances internationales, le texte de cet accord ne sera jamais publié[71]. Le régime espagnol est en effet l'allié des nazis, qui viennent de perdre la Seconde Guerre mondiale. Et Juan Perón est le premier président de la nation argentine à être élu au suffrage universel.
En septembre 1946, Franco envoie à Buenos Aires une délégation présidée par le secrétaire du Ministère des Affaires étrangères, Tomás Suñer[71], afin de négocier un traité commercial avec l’Argentine, d'une durée de cinq ans, ratifié le 30 octobre 1946[71]. Sa signature donne lieu à une fastueuse cérémonie[71]. L'Espagne obtient un crédit rotatif de 350 millions de pesos pour trois ans et renouvelable pour deux années supplémentaires. Un prêt de 400 millions de pesos lui est également accordé à des conditions avantageuses, pour solder la dette contractée entre les années 1942 et 1946[71]. Ce traité garantit à l’Espagne un minimum de 400 000 tonnes de blé en 1947 et 300 000 en 1948[71]. Pour les années 1949 et 1950, l’Espagne aura la possibilité d’importer jusqu'à 90 % de ses besoins en blé[71]. Des dispositions semblables sont prises pour le maïs avec 120 000 tonnes en 1947, puis environ 100 000 en 1948 et 90 % des besoins espagnols pour les années 1949 et 1950. En août 1949, l’Argentine interrompt à nouveau ses exportations de céréales vers l’Espagne, pourtant touchée par la sécheresse. L’écrivain Gerald Brenan est d’ailleurs frappé par la gravité de la situation lors de sa visite en Espagne en 1949[71]. Par chance, les relations de l'Espagne avec les États-Unis commencent à s’améliorer et elle parvient ainsi à importer plus de 50 000 tonnes de céréales en provenance de la région des Grands Lacs américains[71].
L'Inde recourt à l'irrigation après la pénurie de riz birman en 1943
De 1943 à 1951, les surfaces irriguées pour cultiver des céréales augmentèrent d'un tiers en Inde[72] pour combattre les risques de récidive de la famine du Bengale de 1943 et ses 3 millions de morts[73]. Tardive, la prise de conscience se traduit par des efforts non négligeables, à partir de 1943[73], pour atteindre l'autosuffisance céréalière, via la campagne Grow more food[73] (« Cultivez plus d'aliments »), encourageant à coloniser et cultiver les terres forestières, même pentues, dans un pays longtemps contraint d'exporter des céréales vers le reste de l'Empire britannique, et qui importait encore du riz de Birmanie à la fin de l'époque coloniale[73]. Il
Mais selon l'économiste Amartya Sen, il n'y avait pas de pénurie globale de riz au Bengale en 1943, les stocks étant même légèrement supérieurs qu'en 1941[74]. C'est l'absence d'indices flagrants d'une mauvaise récolte qui a causé la réponse léthargique des autorités au désastre. Les rumeurs de pénurie ont causé une thésaurisation favorisée par la situation de guerre qui faisait du riz un trop bon investissement, dont les prix avaient déjà doublé l'année précédente. Des millions de personnes sont devenues trop pauvres pour pouvoir se procurer les denrées alimentaires vitales[75].
Le Royaume-Uni retire sa flotte d
’Extrème-Orient après avoir perdu en 1942 la bataille de Singapour contre l'empire du Japon, qui conquiert la Birmanie où les Britanniques avaient encouragé massivement la production de riz dans le delta de l'Irrawaddy et dans l'Arakan, propulsant la Birmanie leader mondial de riz[76] : 15 % du riz indien provient alors de Birmanie, proportion même supérieure au Bengale[77]. Le Royaume-Uni aggrave ensuite l'inflation du riz, par ses approvisionnements militaires.
Dès 1942, afin de limiter la hausse des prix alimentaires à Bombay ou Calcutta, instables politiquement, la capitale coloniale New Delhi bâtit un programme d'achats dans les régions à surplus céréaliers et de redistribution dans les zones déficitaires, en particulier vers Calcutta[73]. Cette organisation des secours intervient beaucoup trop tard, et l'approvisionnement de Calcutta excessivement favorisé aux dépens de celui des campagnes[73]. Les structures de l'État britannique choisissent finalement une politique libérale en espérant que les lois du marché puissent suffire à rétablir l'équilibre[73].
Le nouveau gouvernement indien décide en mars 1949 d'autres mesures comme l'amélioration de la productivité en relançant la campagne Grow more food[78], par la mise en cultures de nouvelles terres, avec comme objectif de réduire en deux un déficit représentant près de 7 % de la consommation annuelle de la nouvelle nation[78].
Crise vietnamienne du riz en 1945
La famine de 1945 au Viêt Nam cause un million de victimes, d'octobre 1944 à mai 1945, pendant l'invasion japonaise de l'Indochine. Dès la Seconde Guerre mondiale, les changements militaires et économiques ont plongé la partie nord du pays dans la famine. S'y ajoutent des inondations détruisant les récoltes du Tonkin puis une période de sécheresse couplée à des parasites affectant la récolte de 1944-1945, qui ne rapporte que de 800 000 à 850 000 tonnes, pour des besoins courants de 1 100 000 tonnes, puis une inondation pendant les moissons, qui déclenche la crise mais sans alarmer l'administration française, qui la juge banale en pays de mousson[79]. Puis les occupants japonais au Tonkin forcent les paysans à cultiver le jute au lieu du riz, alors que les bombardements des Alliés, rendent son transport du sud vers le nord extrêmement difficile. Le coup de force japonais de 1945 en Indochine déclenche des réquisitions. Dès le 10 mars, les Japonais saisissent toutes les jonques et convois de riz, s'emparant des stocks de Hanoï, Vinh et Bắc Giang[79]. Entre août et décembre 1945, sous le gouvernement de la république démocratique du Viêt Nam dHô Chi Minh, plusieurs digues se rompent, faute d'entretie, inondant les rizières et aggravant encore la famine au nord du territoire vietnamien[79].
Préparation d'un nouvel accord international sur le blé
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les professionnels de la culture des céréales songent à éviter la situation de 1919-1920, qui avait vu un effondrement du marché après le conflit. Entre 1935 et 1938, les excédents céréaliers avaient déjà fondu, mais l'abondance de la récolte mondiale 1938 remit à l'ordre du jour la question des prix et la nécessité de stabiliser le marché, afin de garantir la sécurité des approvisionnements des pays importateurs, souci déjà au cœur de l'Accord international sur le blé de 1933.
À la suite d'une réunion à Londres en 1938, un comité préparatoire se constitue en 1939. Ses travaux furent interrompus par la Seconde Guerre mondiale, mais reprirent en avril 1942. Les représentants des quatre pays exportateurs et du Royaume-Uni adoptèrent un mémorandum d'accord prévoyant la création d'un « conseil international du blé », mis sur pied dès août 1942 à Washington avec 28 membres, le futur Conseil international des céréales. Le texte prévoit aussi un « fonds de secours pour le blé » destiné à être utilisé à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour agir en cas de crise. Les négociateurs des deux parties, exportateurs et importateurs, élaborent aussi un projet de convention, véritable plan de travail pour une future conférence sur le blé, sur un modèle très ambitieux car instituant des stocks de réserve, le contrôle de la production, l'établissement de contingents d'exportation et la réglementation des prix.
Pénurie de pain et de devises avant le Plan Marschall
Après la Seconde Guerre mondiale, la France s'était retrouvée importatrice nette de céréales[80]. Le pain avait d'abord été rationné à 270 grammes par jour, et l'inflation avait été de 80 % en 1946, année qui connu un été très sec.
Puis au cours de l’hiver 1946-1947, de Nantes à Marseille, le froid est record[81], avec des températures descendant par exemple sous les 11 degrés à Saint-Nazaire [81], gelant l’eau des ports et immobilisant les navires pendant trois jours[81]. Ce froid, qui fait parler aussi d'hiver sibérien, ravage les récoltes en Europe[82] mais gène aussi la circulation des trains et des camions[81], tandis que des congères s’accumulent le long des quais de l’Isère à Grenoble en raison d’un blizzard prolongé[81].
Fin avril 1947, le président du Conseil Paul Ramadier explique le déficit en céréales par les gelées de l'hiver et la non-livraison de blés étrangers[83]. Il interdit de fabriquer de la biscotte ou de la pâtisserie en raison de ce déficit de farine[83], ainsi que l’ouverture des boulangeries au moins un jour par semaine[83]. La France traverse alors une véritable "crise frumentaire"[84].
Dans l’Isère, le préfet Albert Reynier est obligé de lancer un « plan de ravitaillement exceptionnel » [83], incluant une « bataille de la viande »[83], puis il met en scène à la mi-mai un plan de collecte du blé[83].
La situation débouche sur la « crise des paiements extérieurs »[84] de l’été 1947, quand la France est contrainte « d’arrêter ses importations de la zone dollar »[84] et de demander une « aide d’urgence auprès des Etats-Unis »[84], sous la forme d’une aide intérimaire avant une autre aide, celle du Plan Marshall, qui vient à peine d’être suggérée par les États-Unis, en juin, sous la forme d’un plan à long terme.
Le trafic des cartes et des tickets de rationnement se développe[85] et plusieurs corporations utilisent leurs usages et règles spécifiques pour échapper au service du ravitaillement et alimenter le marché noir[85], nourrissant la spéculation, notamment pour le beurre, le lait ou le vin[85]. Le marché du blé est le plus surveillé[86] car le gel a fait chuter la production française de 37 %[86] et la ration quotidienne va tomber à 250 puis 200 grammes par jour contre 500 grammes en 1939[86].
La collecte est défaillante, avec plus de la moitié des 33 millions de quintaux qui échappent au ravitaillement, dont 10 millions pour renforcer l’ensemencement[86]. Le prix des céréales secondaires étant moins contrôlé[86], il est double de celui du blé, causant des aberrations[86].
Yves Farge, ministre du ravitaillement, publie à la fin de 1947 un livre dénonçant « la pusillanimité de la magistrature, la vénalité d’une presse et la solidarité de parti pouvant faire de tout militant hônnete et pur le complice inconscient d’une opération véreuse »[87] Le président du conseil Paul Ramadier lance une « croisade du pain » qui en reste à l’incantation[86]. L’approvisionnement alimentaire, notamment pour la viande mais aussi pour les pains, dans les centres urbains « fluctue au long de l’année au gré de l’élasticité des contrôles publics ». Dans des villes comme Agen, Millau, Dijon et d’autres, les locaux où ils sont effectués sont la cible d’émeutiers qui les jugent trop peu efficaces[88]. Les scandales principaux du ravitaillement concernèrent lait, fruits et primeurs ou vin[89] et avaient commencé dès le début 1946[89].
L’inflation atteindra 60 % sur l’année 1947[90], alors que les gouvernements ont plusieurs fois promis de faire baisser les prix[90] et que les syndicats ont promis de l’aider[90], la CGT mettant par exemple en place 70 « comités de surveillance des prix » [90], mais appelant plus tard dans l’année Ramadier « Ramadiète » [90]. Se disant « indépendant, seul et pauvre »[89], Yves Farge reprend fin 1947 dans son livre, pour évoquer les différents "scandales du vin"[89], sa déposition du 21 mars 1946 devant la commission parlementaire du vin, présidée par UN député des Pyrénées-Orientales[89]. Dès le 9 janvier 1947, des commissions d’assainissement du marché voient le jour dans l’Aveyron [90].
La « réduction persistante des ensemencements, déjà sensible avant la guerre », les a ramené à 5 millions d'hectares en 1938[91] puis seulement 4 millions à l'automne 1945 et 3,8 millions d'hectares ensemencés à l'automne 1946[91], une baisse de près d'un tiers. Mais en plus, environ 1,5 million d'hectares ont en fait gelés par l'hiver sibérien[91] : on est donc proche de 2,3 millions d'hectares[91], moins de la moitié de ce qui fut ensemencée en blé en 1938. Il faudra essayer de remettre des semences nouvelles, tandis que la « pénurie des moyens de production aggrave le problème »[91]. Sur un total de semences estimé à 8 ou 9 millions de quintaux pour l'année suivante[91], le gel fait que la moitié sera retirée du circuit, créant une pénurie « immédiate »[91].
Mais en avril 1947, Pierre Fromont, professeur d'économie agricole qui tient cette rubrique dans Le Monde depuis 1944 et dans La France agricole depuis 1945, y révèle que la situation est dramatique : après la « très mauvaise récolte de 1943 » (43 millions de quintaux), le rebond de 1946 (65 à 70 millions de quintaux, soit 80 % de la moyenne d'avant-guerre) semble compromis car les spécialistes évaluent à seulement 40 millions de quintaux la récolte d'août prochain en raison d'un problème supplémentaire, le « mauvais temps persistant jusqu'en mars » et de « la médiocrité des réserves en blé de printemps »[91].
De plus, Le Monde révèle que la pénurie est quasiment mondiale, USA, exceptés[91]. L'Afrique du Nord a connu en 1946 une « récolte très insuffisante »[91], la Russie avait en 1946 exporté 5 millions de quintaux en France, mais « connaît à son tour de sérieuses difficultés »[91], tandis que la Roumanie « ne peut vivre qu'avec le secours de la Croix-Rouge »[91] et qu'en Extrême-Orient, les « disponibilités en riz sont au plus bas »[91].
Même si la France avait de quoi le payer, elle ne pourra probablement importer plus que les 6 à 7 millions de quintaux de céréales de la saison achevée[91], et même obtenant le « niveau optimiste de 10 millions »[91], ce ne serait qu'une partie du « déficit probable évalué à 25 millions »[91].
« En économie dirigée rien n'empêche, en principe, les pouvoirs publics de fixer des prix visant l'équilibre entre l'offre et la demande », rappelle Le Monde[91], tout en constatant que le gouvernement ne s'est pas adapté au froid de l'hiver qui s'achève car il a exagérément voulu les maintenir « au-dessous de celui qu'eût déterminé » leur libre confrontation[91], pratiquant ainsi une « politique de découragement systématique de la culture du blé »[91], s'ajoutant au retard déjà pris sous l'Occupation : en 1945 l'indice de gros était à 265 pour les céréales, pour une base 100 en 1938[91], très loin des 456 pour les viandes et 432 pour les œufs et laits[91], qui bénéficient des « générosités du marché noir » alors que le blé est "collecté" officiellement et payé au prix de la taxe par les caisses de crédit agricole[91].
Trop mal rémunérées, les céréales partent à la consommation animale[91] : « pourquoi livrer du blé à 10 francs le kilo, quand l'avoine et l'orge converties en œufs et porc rapportent le double ? », demande Le Monde[91].
Le gouvernement perd aussi sa crédibilité politique car le patronat négocie sans lui et sans lui demander, des accords de hausse des salaires de 11 %[92] avec les syndicats CGT et CFTC, le 16 juillet et le 1er août, tandis que le salaire minimum est porté à 8 000 francs[92] et que fonction publique doit suivre le 17 juillet[90].
Le 3 juillet 1948, les hauts fonctionnaires proposent d’importer 975 000 tonnes de blé pour faire monter la ration à 350 grammes des céréales secondaires. Le Quai d'Orsay est alors à l'affût de la moindre information venant d'Amérique sur une aide à l'Europe[82].
Yvon Coudé du Foresto, sous-secrétaire d'État à l'Agriculture dans le gouvernement Robert Schuman (1), spécialiste reconnu des problèmes alimentaires, ex-président d'une entreprise familiale de minoterie et d'alimentation du bétail dans les Deux-Sèvres, maintint une demande de 80 millions de dollars pour les achats de blé, alors que le président Vincent Auriol estime la récolte céréalière suffisante. La France manque de devises, car elle ne peut exporter comme elle le souhaite.
Finalement, la récolte 1948 fut bonne : la France exporta 90 000 tonnes au Conseil international du blé en mars 1949[80]. La ration de pain passa à 250 grammes en août 1948, à 300 en septembre, puis à 350 fin 1948 et la carte de pain fut supprimée en février 1949[80]. En juin 1949, le ministre français des Affaires étrangères, Georges Bonnet, signala de nouvelles pression américaines pour l’achat de surplus.
Accord international sur le blé de 1949
En 1948, la réélection du président américain Harry S. Truman débouche sur l'un des Accords internationaux de produits signés après la Seconde Guerre mondiale, qui constitue un point important de son programme électoral[93]. Le Conseil international des céréales, réuni à Washington, a préparé un texte consensuel qui reprend les deux idées principales du second projet de la conférence de 1947[94] :
- principe du « contrat multilatéral de vente et d‟achat » ;
- fourchette de prix cible.
L'accord, ratifié par trente-huit pays à Washington en 1949, reflète les pénuries endémiques de l’après-guerre et les prix élevés du blé sur les marchés mondiaux[94]. Comme l'Accord international sur le blé de 1933, il a pour objectif « d'assurer des approvisionnements en blé aux pays importateurs et des marchés de blé aux pays exportateurs à des prix équitables et stables ». Ce fut le premier à fonctionner durablement, pendant trois ans, car de 1949 à 1952, le prix sur le marché libre reste supérieur au prix maximum fixé par l'accord, de 19 à 51 cents par boisseau, selon les moments, situation qui va changer dès 1952. Les importateurs avaient intérêt à encadrer ce marché mondial très instabl, même si les échanges internationaux régis par des dispositions ne représentaient qu'une part de leurs approvisionnements, très variable d'un pays à l'autre.
L’Accord de 1949, prend la forme d’une fourchette contraignante de prix, inférieure à ceux du marché, renforcée par des engagements de ventes et d’achats[94], mais n’impose aucune limite sur les exportations ou la production des signataires[94], à la différence de l’Accord de 1934, piloté par l'ex-Comité consultatif du blé[94]. Comme ce dernier, il réduit le risque d'un effondrement des prix pour les producteurs nationaux[93] des pays importateurs. Il a cependant deux points faibles : deux pays très actifs dans le commerce des céréales ne l'ont pas signé : l’Argentine[95], en désaccord sur le prix maximum, et de l’URSS de Joseph Staline, dans une phase de mécanisation de son agriculture pour mieux alimenter son marché international[93].
Années 1950
La très forte croissance économique mondiale des années 1950 dope la demande de céréales mais l'offre progresse encore plus vite, grâce à des réformes structurelles en Europe et en Russie, mais aussi à des prix de vente très fermes jusqu'en 1953. Les perdants sont les grands exportateurs argentins et canadiens, qui ne pèseront plus que respectivement 3 % et 6 % de la production mondiale à la fin de la décennie après avoir été accaparés par leurs grands projets industriels et hydrauliques. Avec la réapparition d’excédents céréaliers au milieu des années 1950[94], les principaux pays exportateurs décidèrent de ne pas se formaliser de leurs stocks croissants, maintenus à l'écart du marché mondial afin de maintenir les prix dans les fourchettes stipulées par l’Accord international de 1949, qui sera reformulé en 1953[94]. La version de 1949 est bien jugée, grâce à la fermeté des prix qui la suit mais celle de 1953 reflète une offre émiettée et surcapacitaire. Les exportateurs s’efforcent alors de trouver de nouveaux débouchés à des conditions spéciales vers des pays alors incapables de financer de larges importations commerciales de céréales[94], faute de disponibilités monétaires suffisantes, comme l'Inde qui se lance dans un cycle d'importations en 1956.
Sous Péron, le blé argentin taxé et en perte de vitesse à l'exportation
Entre la fin des années 1930 et le milieu des années 1950, l'Argentine, péroniste depuis 1946? subit une récession agricole : la production moyenne de céréales et d'oléagineux baisse de 16 à 13 millions de tonnes tandis que les surfaces pampéennes cultivées passent de 16 à 11 millions d'hectares. Les exportations américaines en Europe, rivales de celle de l'Argentine, ont en effet été dopées par le plan Marshall tandis que la Grande-Bretagne délaisse le blé argentin, coupable d'avoir soutenu l'Espagne de Franco, et relance sa propre production dès 1949.
Le premier gouvernement péroniste (1946-1955) instaure de plus des prélèvements sur les agro-exportations afin de financer son soutien à la production industrielle. L'État s'approprie la rente différentielle, entre prix d'achats et ventes réalisées à l'échelle internationale, tout en "protégeant" plus ou moins les prix agricoles internes des effets de la hausse des prix sur le marché mondial. Face à ses difficultés, l'Argentine se tournera à la fin de la décennie vers la nouvelle CEE qui lui achète plus des deux tiers de la viande et le quart du blé qu'elle exporte.
Les agriculteurs français foncent vers les réformes structurelles
En 1955, la France comptait encore environ 2,3 millions d'exploitations agricoles[96], dont une partie à très faibles revenus. Environ 80 % des exploitations agricoles comptaient moins de 20 hectares de superficie agricole utilisée[96] et 0,8 % seulement plus de 100 hectares. D'où le désir de réformes structurelles pour une agriculture plus productive, avec des mesures permettant aux exploitations petites ou moyennes mais potentiellement viables de se moderniser. Les cultures de céréales seront les grandes gagnantes de ces réformes, avec une hausse des surfaces cultivées de 8 % en un demi-siècle, celles des autres grandes cultures de 1950 (betteraves, pommes de terre) étant au contraire divisées par trois. Les bois et forêts sont passés de 20 à 27 % du territoire de 1950 à 1990[96], tandis que la surface du territoire non agricole a presque doublé depuis 1950[96]. Sous la pression du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), une politique dite « des structures » va se mettre en place[96]. La loi d'orientation de 1960, puis la loi complémentaire de 1962, portée par Edgard Pisani, ministre de l'Agriculture ont répondu à ces demandes de la fin des années 1950[96]. La grande culture du blé, modernisée, en tire profit : le rendement moyen du blé tendre augmentera de 1,26 quintal par hectare et par an entre 1956 et 1999, passant de 26,7 quintaux à l'hectare en 1960, à 52 en 1980 puis 77,5 en 1998[5].
Bulle de 1949-1953, causée par le déficit de riz
La diminution de la demande européenne d'importations aurait normalement, limité, dès 1949 ou 1950, les marchés des pays exportateurs pour les forcer à des réductions sensibles de leurs cultures[97]. Mais dans l'intervalle, de nouveaux marchés sont apparus en Asie, où l'accroissement de la production de riz est insuffisante face à l'accélération du rythme d'accroissement démographique. La pénurie de riz eut pour effet de maintenir à un haut niveau la demande de blé[97]. Plus de la moitié du commerce international du blé étant, à un moment donné, soumis aux prix de l'accord international de 1949, le producteur américain reçoit 2,06 dollars le boisseau, le français 2,60, et l'italien 2,87, alors que le prix de la meilleure qualité de blé canadien est tombée à 1,70 sur le marché[97].
La guerre de Corée et un affaissement de la production en Argentine contribuèrent encore à maintenir les cours du blé. Les exportateurs traditionnels ont pu accroître leur capacité de production sans subir la baisse des importations de l'Europe ne vienne les forcer à réorganiser leur politique agricole[97]. Quatre des principaux exportateurs subventionnent alors massivement la vente du blé : États-Unis, Argentine, France et Turquie. Au contraire l'Australie et le Canada ne subventionnent pas : le prix initial payé au producteur est inférieur au prix du marché international[97].
La production mondiale 1952-53 et 1953-54 fait un bond important, grâce à d'excellentes récoltes aux États-Unis en Turquie et au Canada, avec de plus un changement radical en Argentine, où les exportations sont élargies, tandis que dans le sud-est asiatique, des plans de développement agricole, réduisent sensiblement les importations[97]. Résultat, le prix du blé canadien Northern N1, vendu sur le marché libre, a chuté de 25 % quatre ans, à partir de 1951-52[97]. La même qualité de blé vendu via l'Accord international a baissé de moins de 10 %, situation qui rappelle celle de 1926 à 1929, avant la crise mondiale[97]. Malgré cette crise, dans certains pays (Turquie, Allemagne de l'Ouest), les prix à la production restent plus élevés en 1955 qu'en 1954[97].
L'Angleterre attaque l'Accord International et se tourne vers la Russie
Après la Seconde Guerre mondiale, l'Angleterre combat la pénurie par des contrats annuels avec le Canada, dans le cadre d'une coopération à long terme[34], visant l'horizon 1950. Mais peu après, Londres lance un programme pour diminuer sa dépendance extérieure et réussit une augmentation de sa production de blé entre 1949 et 1951 : elle grimpe de 64 à 89 millions de boisseaux. Par conséquent, ses importations reviennent de 187 à 153 millions de boisseaux. Londres, dans un premier temps.
En août 1953, le refus anglais d'adhésion à l'Accord international est motivé par la politique extérieure de crédits des États-Unis et à leur politique intérieure de soutien des prix[34]. En 1954, les importateurs anglais ont acheté 35 % de moins qu'en 1953[34], réclamant aux pays exportateurs de baisser le prix maximum de 2,05 à 2 dollars[34]. L'Angleterre veut par cette stratégie faire disparaître l'Accord international sur le Blé de 1949, qu'elle accuse d'être un des facteurs responsable des prix élevés de cette céréale[34]. En août 1953, Londres demande même des soumissions au gouvernement russe pour 23 millions de boisseaux de blé[34].
Les trois nouveaux accords internationaux sur le blé
Trois nouveaux accords internationaux sur le blé sont signés en 1953, 1956, et 1959[94]. Celui de 1953, donne compétence au Conseil international des céréales pour examiner et trancher les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de l'accord[95]. Aucun recours n'est prévu devant une juridiction internationale[95], ce qui a amené le Royaume-Uni[95], plus important des pays importateurs[95], à réclamer le recours possible à une instance arbitrale extérieure[95], en se plaignant du fait que 1 000 voix étaient attribuées aux quatre pays exportateurs[95], soit autant que les 42 pays importateurs[95].
Les États-Unis, largement exportateurs, ont par contre fortement insisté sur le maintien du système en vigueur en 1949[95]. Un compromis sera trouvé, prévoyant l'arbitrage d'une commission consultative d'experts agissant en leur capacité[95].
L'URSS devient premier producteur mondial
À la mort de Staline en 1953, l'agriculture soviétique reste mal en point : malgré des cours mondiaux élevés, la récolte de céréales est inférieure de 4 millions de tonnes à celle – certes exceptionnelle – de 1913, mais avec une population supérieure de près de 40 millions d'individus[98]. Son successeur Khrouchtchev obtient de meilleurs résultats, grâce à une mécanisation qui s'est développée au cours des quinze dernières années[98]. Le nombre de tracteurs a plus que doublé de 1940 à 1953, passant de 684 000 à 1 239 000 ; le nombre de moissonneuses-batteuses a augmenté dans le même temps de 182 000 à 318 000 et le nombre de camions a presque doublé à 424 000. Ces chiffres indiquent, il est vrai, la quantité de machines livrées et en fonctionnement théorique et masquent le nombre de machines immobilisées ou laissées à l'abandon, faute de pièces de rechange, de réparations ou, même, de conducteurs[98].
À l'issue des années 1950, l'URSS est le premier producteur mondial de blé, loin devant l'Europe et les États-Unis, après quinze années au cours desquelles ses récoltes céréalières ont considérablement progressé. Après avoir reculé au cours des 37 premières années d'existence de l'URSS, la production agricole de l'URSS a décollé à partir de la seconde moitié des années 1940, en particulier pour les céréales, alors que seuls le coton et les betteraves avaient progressé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Année | Céréales | Coton (brut) | Betterave sucrière |
---|---|---|---|
1913 | 92,3 | 0,42 | 11,3 |
1940 | 95,6 | 2,24 | 18,0 |
1945 | 47,3 | 1,16 | 5,5 |
1950 | 81,2 | 3,5 | 20,8 |
1960 | 125,5 | 4,29 | 57,7 |
1965 | 121,1 | 5,66 | 72,3 |
1970 | 186,8 | 6,89 | 78,3 |
1986 | 210,0 | 8,3 | 79,3 |
Les cinq premiers producteurs de blé en 1960, en pourcentage de l'offre mondiale[100] :
URSS | Europe | États-Unis | Chine | Canada | Argentine | Autres |
25 % | 16 % | 16 % | 9 % | 6 % | 3 % | 19 % |
En 1954, le marché commun des céréales entre la France et la Tunisie
Les céréales étaient présentes en Tunisie, avant l'indépendance : blé dur, orge commune et blé tendre, avec la culture de type pluvia d'une des variétés hybrides de l'École d'Agriculture de Philippeville, exportée en partie vers la Métropole française. Robert Schuman évoque en 1950 l’indépendance de la Tunisie en plusieurs étapes, mais les émeutes et leur répression des années 1953 et 1954, mettent fin au Protectorat français de Tunisie. L’agriculture passe de 29 % à 22 % de l'économie avec la nationalisation des 850 000 hectares exploités par des sociétés françaises et des colons[101].
Par la création d'une communauté franco-tunisienne des produits céréaliers, en avance d'une décennie sur l'Organisation commune de marché des céréales en Europe, la Tunisie réalise une harmonisation de deux législations calquées ou presque l'une sur autre[102]. Cinq mois plus tard, un marché de l'huile d'olive a aussi été créé, le 13 novembre 1954, après de longues négociations, avec une garantie d'achat à prix fixe.
La Tunisie a un intérêt à ce marché commun en raison du déficit de la récolte métropolitaine de blé dur, dont la consommation croît en France : au cours des deux premières années, elle a exporté en moyenne annuelle près d'un million de quintaux de blé dur[102], même si elle a dû importer du blé tendre et de l'orge. Sur la période 1948 à 1956, elle a exporté en moyenne plus de 1,13 million de quintaux de blé dur et 0,69 million de quintaux d'orge vers l'Europe[102]. Le Bulletin Technique des Agriculteurs du Lauragais mentionne les inquiétudes locales sur les quantités importantes de blé dur tunisien importées en Métropole.
Les textes prévoient que le prix de certaines céréales produites en Tunisie est garanti au même taux que celui des céréales métropolitaines[102]. Les céréaliers tunisiens profitent ainsi du prix garanti applicable en France. La France doit absorber un million de quintaux de blé dur par an à un prix moyen supérieur de quelque 2 000 francs par quintal au prix international de blé tendre[102] et d'environ 1 200 francs par quintal au prix international de blé dur[102], soit un transfert d'un milliard et demi de francs par an[102] financé par les contribuables français, représentant 0,01 % du produit national brut[102]. Côté tunisien, c'est l'équivalent de près de 20 % de la valeur des exportations de céréales[102].
Après l'abandon de ce système en Tunisie, puis la nationalisation, le 12 mai 1964, des terres de la colonisation, les récoltes vont progresser moins vite que la population tunisienne, même si l’agriculture a enregistré des taux de croissance importants, dans les années 1970 avec près de 8 % par an permettant au pays d’atteindre un niveau de sécurité alimentaire, grâce aux crédits de la Banque nationale agricole.
L'Inde privilégie l'importation des céréales
En, 1956, l'accord commercial céralier signé par l'Inde avec les États-Unis facilite les importations de blé en permettant le paiement en roupies par l'Inde[72]. Du coup, les années 1950 furent la seule décennie de l'Inde indépendante au cours desquelles le consommateur fut privilégié au détriment des producteurs[72] : la concurrence de ces importations céréalières occidentales fit stagner les superficies emblavées par les paysans[72].
Années 1960
Les années 1960 ont été marquées par une augmentation considérable de la demande de l'URSS et de l'Inde, qui entraine une tension sur les prix du blé en particulier au milieu de la décennie et de nouvelles forces centrifuges sur le marché[103], mais les stocks constitués ont permis d'y faire face, puis ont été reconstitués assez rapidement en 1968-1969. Il a fallu assouplir l'accord international, sous les auspices de la principale force motrice, qui reste les États-Unis, structurellement excédentaires, mais capables d'adapter leur production, qui croit en moyenne de 0,8 % par an pour le blé, 1,4 % pour le soja et 1,6 % pour le maïs[4].
Changement de paradigme, selon les grands négociants
Pour les grandes firmes de négoce, les années 1960 expriment un changement de paradigme dans la culture des céréales[103]. L'Union soviétique cherche des approvisionnements[103] et bientôt ce sera le tour de l'Inde. Avec sa rivale Continental Grain, la firme de négoce Tradax, basée en Suisse, s'en empare[103]. En février 1964, des représentants de ses bureaux genevois et londoniens négocient à Moscou la vente de 700 000 tonnes de céréales, début d’une longue relation[103]. À Genève, Cargill met sur pied en 1966 un département pour traiter avec l’Union soviétique[103]. En 1972, de mauvaises récoltes font bondir la demande soviétique, qui atteint 29 millions de tonnes de céréales, selon Tradax. Cargill enregistre un nouveau bénéfice record de 107 millions de dollars pour l’exercice 1972-1973. Contre 40 millions l’année précédente[103].
Ces ventes colossales ont dopé le prix des céréales[103], à plusieurs périodes. Les sociétés de négoce comme le groupe Louis-Dreyfus, Bunge Limited, ADM et surtout Cargill et Continental Grain sont accusées aux États-Unis de s’être entendus sur les prix, d’avoir volé les fermiers et les consommateurs américains. Une sous-commission sénatoriale américaine va alors s’intéresser aux comportements des multinationales américaines à l’étranger[103]. Cargill est interrogé sur ses ventes à l’Union soviétique mais aussi sur ses liens avec Tradax[103].
Par ailleurs, l’Europe recherche son autosuffisance, et y réussit mieux, dans les années 1950 parvenant à développer son marché intérieur[4]. La politique agricole commune engrange des succès rapides dans les grandes productions, où le taux de couverture des besoins s’améliore, pour dépasser 100 % en sucre et en produits laitiers et approcher 90 % en céréales, à la fin des années 1960[4]. Le néerlandais Sicco Mansholt, commissaire européen chargé des questions agricoles, agite le spectre d'excédents dès 1968[4], mais ses avertissements ne seront pas entendus, car la conjoncture internationale va soudain doper la demande mondiale de céréales dans les années 1970[4].
Politique agricole commune négociée en 1957, appliquée en 1962
La politique agricole commune de l'Union européenne, entrée en vigueur le , après avoir été négociée lors du traité de Rome du repose sur deux piliers, le développement rural, mais aussi un soutien du marché, des prix et des revenus agricoles, en particulier dans la culture des céréales. S'inspirant de l'expérience canadienne des années 1920, les négociateurs français de 1957 veulent faciliter l'ouverture des frontières et ralentir l'exode rural par un niveau de vie décent garanti aux petits cultivateurs de céréales[104], bref « éviter un choc à leur paysannerie »[105]. En réalité, ils vont en créer un sur les campagnes : la France va passer de 5,2 millions d'agriculteurs à quinze fois moins un demi-siècle plus tard. Car le système de soutien des prix à la production ne concerne pas toutes les denrées, mais celles de la « grande culture », blé et betterave"[105]. Pour elles, la garantie de prix s'applique non seulement au marché européen mais également aux exportations[105]. Par le mécanisme des « restitutions », le budget communautaire compense l'écart entre le prix du marché mondial et le prix garanti par la PAC, ce qui déchaîne les virulentes protestations américaines mais dope le commerce extérieur de quelques pays comme la France[105]. En 1957, l'Europe était encore une zone agro-importatrice et au même moment se protège par des taxes sur les importations[106]. En deux décennies, elle passe au contraire à 20 % des exportations mondiales de blé, soit 20 millions de tonnes[107], ce qui cause une progression des dépenses rapidement incontrôlable, chaque quintal de blé exporté coûtant très cher[107]. Environ 40 milliards d'euros sont ainsi dépensés en Europe chaque année au XXIe siècle, alors que les dépenses d'aménagement rural, censées être le premier pilier de la PAC en 1957, sont dix fois moins importantes[104].
En 1963, l'URSS s'approvisionne au Canada
En URSS, les récoltes désastreuses des années 1963, 1965, 1969, 1972 et 1975 sont dues aux conditions climatiques et à l’exode rural des jeunes gens vers les villes. Pour éviter la famine, l’URSS est contrainte de faire des achats massifs de blé au Canada et aux États-Unis, ce qui accroit sa dette extérieure.
À la fin de l'année 1962, L'URSS installe à Cuba des missiles nucléaires pointés vers les États-Unis : c'est la crise des missiles de Cuba, qui entraîne un durcissement dans les relations internationales, en particulier avec les États-Unis. En 1963, l'URSS se met à acheter régulièrement du blé au Canada, pour sécuriser ses approvisionnements, dans un contexte de croissance démographique, même si les quantités restent assez peu élevées. Selon la Banque du Canada, les ventes de blé à l'URSS ont représenté 192 millions de dollars en 1963, puis 305 millions de dollars en 1964, et près de 200 millions de dollars en 1965 comme en 1966.
Déficit se creusant en Inde en 1965-1966 après deux mauvaises moussons
En Inde, la révolution agricole commence au milieu des années 1960[72], alors que deux mauvaises moussons surviennent consécutivement, en 1965 et 1966, entraînant une crise économique, aggravée par la peur d'une pénurie alimentaire dans les villes[72]. Les importations de riz et de céréales, pour faire face à la pénurie criante[72], atteignent environ dix millions de tonnes soit 16 % de la récolte moyenne annuelle en Inde[72]. Ces piètres moussons successives forcèrent l'État indien à augmenter brutalement ses achats[94]. Face à un effondrement inattendu des stocks des pays exportateurs[94], les risques de pénurie vinrent brutalement réveiller les préoccupations internationales en matière de sécurité alimentaire mondiale[94].
L'Inde décide, elle, de se tourner vers la révolution agricole. En 1967-1968, les superficies céréalières cultivées en « variétés à haut rendement » visées par cette la révolution agricole frôlaient déjà un total de 5 millions d'hectares[72], mais il faudra attendre encore une dizaine d'années pour que l'Inde parviennent à l'autosuffisance alimentaire[72].
Accord international assoupli en 1967
Le système des quantités fixes garanties par l'accord international ayant l'inconvénient de ne pas permettre de moduler assez les importations, sa version de 1959 a créé un système plus souple adapté aux paysage des années 1960 : les pays importateurs s'engagent à consacrer chaque année un pourcentage minimum de leurs achats commerciaux dans la fourchette de prix de l'Accord. En contrepartie, les exportateurs garantissent des quantités de blé disponibles aux prix de cette fourchette. Ces mesures et le retour du Royaume-Uni permirent aux transactions d'atteindre en moyenne de 15,5 millions de tonnes pendant trois ans. Elles sont reconduites en 1962, mais avec une échelle des prix élargie. L'URSS a alors décidé d'y adhérer et les prix sont restés dans les limites fixées, malgré une très forte augmentation de la demande en 1963-1964;
Un resserrement des marchés céréaliers, en risque de pénurie, a marqué l'Accord international sur les céréales de 1967, dont les négociations eurent pour toile de fond le Kennedy Round, sixième session de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) qui se tint entre 1964 et 1967 à Genève[94]. Les pourvoyeurs d’aide alimentaire veulent plus de bénéficiaires[94], sur fond de première Convention de l'ONU sur l’aide alimentaire (CAA)[94]. Le blé canadien n'étant plus jugé suffisamment représentatif, car son centre d'expédition n'est pas utilisable l'hiver, et concurrencé par la prédominance des États-Unis sur le marché international du blé, l'accord international de 1967 prévoit l'introduction de différentiels de qualité pour quatorze blés d'autres origines. Il prévoit aussi que les achats effectués par les membres importateurs auprès de pays non membres rentrent désormais en compte pour l'exécution de leur obligation d'achat. Peu après l’entrée en vigueur, des excédents de blé reviennent[94], causant la chute des prix au-dessous des minima de l'accord[94]. Les recours prévus s’avérant inefficaces[94], les principaux pays exportateurs, États-Unis et Canada se mettent d’accord sur la réduction des superficies ensemencées en céréales[94].
Développement de la recherche sur les nouvelles variétés de riz, de blé et de maïs
Les efforts sur la recherche agronomique s'accroissent dans les années 1960 et portent de plus en plus sur la génétique des riz, blé et maïs, ou autres cultures alimentaires. La fondation Rockefeller promeut l'idée de révolution verte, via de nouveaux centres de recherche à travers le monde, parmi lesquels l'Institut international de recherche sur le riz, fondé en 1960 aux Philippines, pour favoriser l'emploi de variétés de riz à haut rendement en Asie. L'Indonésie, le Pakistan, le Sri Lanka et d'autres pays d'Amérique latine et d'Afrique du Nord ont suivi cette voie.
Au Mexique, l'Office of Special Studies devient le centre international d'amélioration du maïs et du blé, en 1963, où travaille l'agronome américain Norman Borlaug, futur prix Nobel de la paix 1970. En Inde, l'Institut international de recherche sur le riz est mené par Monkombu Swaminathan. Une association internationale, le Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR), créée en 1971, est chargé de coordonner les efforts des groupes de recherche locaux en matière agricole, plus tard au nombre d'une quinzaine dans le monde[108].
Leurs recherches se sont dans un premier temps concentrées sur la fabrication par hybridation de variétés à haut rendement concernant les trois principales céréales cultivées dans le monde : riz, blé, maïs, au détriment des millets, du sorgoo ou des « pseudo-céréales » comme le quinoa.
Mais pour être efficaces, ces nouvelles variétés ont besoin de mécanisation agricole, d'engrais azotés, et de produits phytosanitaires - pesticides, fongicides et insecticides), fabriqués à base de pétrole. Il faut aussi du fioul pour les tracteurs. Les gouvernements des pays où ces cultures sont implantées se sont impliqués par :
- les subventions aux semences, pesticides et fertilisants ;
- l'irrigation ;
- une protection des prix des matières agricoles[109].
Années 1970
Les années 1970 sont marquées par une croissance à nouveau très forte du commerce mondial des céréales, face à des pénuries importantes dans le monde en développement, qui entrainent une flambée des cours en 1974 et des embardées spéculatives de grande ampleur.
La flambée des cours de 1974 et l'intervention de l'ONU
Au milieu des années soixante-dix, des importations massives par l’URSS, tout à fait inattendues, causent une chute des stocks mondiaux de céréales à un niveau exceptionnellement bas[94] et la flambée des cours[94]. Les pays en développement devinrent préoccupés par la sécurité de leurs approvisionnements[94], et les économistes parlent de « crise alimentaire mondiale ». Une Conférence mondiale de l’alimentation est spécialement convoquée par les Nations unies en 1974[94], qui adopta une résolution prévoyant la fourniture annuelle d’au moins 10 millions de tonnes de céréales en guise d’aide alimentaire[94]. Les Nations unies demandent aussi aux gouvernements d’envisager la création de réserves de céréales, réparties en différents points stratégiques[94]. Une nouvelle conférence, en 1978-79, se concentra sur cette question des stocks de blé[94] et tenta de négocier une nouvelle Convention sur le commerce du blé (CCB)[94] mais échoua sur les deux questions, en particulier en raison de différends sur les niveaux de prix susceptibles de déclencher une intervention sur les stocks de blé[94]. La CCB de 1971 fut donc prorogée telle quelle jusqu’en 1986[94].
La production de céréales américaines double entre 1970 et 1980
Les années 1970, plutôt marquées par un ralentissement de la croissance mondiale après l'augmentation brutale du prix du pétrole, sont des années fastes pour les échanges agricoles, grâce à l'explosion de la demande solvable[4] : les pays du sud s’endettent, pour profiter de la forte inflation, les pays pétroliers recyclent leurs dollars et l’URSS se met à importer massivement[4]. À partir de 1975, les États-Unis ont en particulier commencé à vendre du blé en grande quantité à la Russie, sous forme d'accords quinquennaux. Les échanges internationaux de céréales passent de 100 millions de tonnes en 1970 à 200 millions en 1980[4].
Les États-Unis en profitent pour consolider un excédent agricole, qui permet d'atténuer les effets de la dégradation de leur balance des échanges industriels[4]. Au début des années 1980, ils assurent 50 % des exportations mondiales de blé, 60 % des exportations mondiales de maïs et 80 % des exportations mondiales de soja graine[4]. Résultat de 1970 à 1981, la production américaine de blé passe de 37 à 76 millions de tonnes, celle de maïs de 105 à 208 millions de tonnes, celle de soja de 31 à 57 millions de tonnes[4]. Ce doublement quasi-général des récoltes a été obtenu au prix d'une forte réduction des surfaces en jachère et d'une sélection génétique renforcée, pour mettre en culture les zones semi arides, situées à la frontière des zones traditionnelles de production de blé[4].
Les exportations européennes de blé triplent sur la décennie
La forte hausse des cours mondiaux des céréales au milieu des années 1970 les rapprochent des prix européens, qui restent élevés. Du coup, les subventions (restitutions) à verser aux exportateurs européens pour couvrir l'écart de prix entre marché européen et mondial, restent supportables pour le budget de l'Union européenne, qui décide de transformer sa politique d’autosuffisance en politique d'exportation notamment en production céréalière[4]. Les exportations européennes de blé restent loin derrière celles des États-Unis, mais triplent, passant à 15 millions de tonnes au début des années 1980[4].
Le renforcement du négoce international en Suisse
Des dizaines de traders internationaux en céréales s’établirent en Suisse dans les années 1970, dans le sillage de ce qu'a lancé Cargill en 1966 pour les relations avec l'URSS[103], mouvement qui se poursuivra, bien au-delà, lors des années suivantes. Conti déménagera sa filiale Finagrain de Paris vers Genève dans les années 1970[103]. Louis-Dreyfus et Bunge opéreront depuis Zurich dans les années 1980, par l’intermédiaire de Zurfin et Socef, avant de s’implanter à Genève – Louis-Dreyfus y a son siège européen depuis 2006. ADM, le quatrième géant mondial du négoce agricole, choisira pour s'implanter la ville de Rolle en 2007[103].
Reconnaissance des « semences paysannes » pour la biodiversité agricole
Vers la fin des années 1970, la prise de conscience de l'érosion génétique suscite une reconnaissance des semences de variétés de céréales « de pays », pour la biodiversité agricole. En 1975, Harlan en fait une description précise. Suivent les propositions de Brown en 1978, de Frankel et Soulé en 1981, de Hawkes en 1983, l'année où, sous l'impulsion du biologiste Jean Pernès, nait le Bureau des ressources génétiques. En 1987 Jacquemart distingue la variété régionale de la variété locale. Dans la foulée, l'Académie d'Agriculture de France réalise des synthèses montrant qu'il est nécessaire d'être prudent quant à l'évaluation de l'évolution de la diversité génétique des plantes cultivées[110]
Au niveau international d'importants traités seront conclus lors des deux décennies suivantes. À la suite de la signature en 1992, de la Convention sur la diversité biologique, l'Europe adopte la directive 98/95/CE qui introduit pour la première fois dans ses réglementationd le terme de variété de conservation. Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture de 2001, vient s'opposer tant aux conventions UPOV défendant les droits des obtenteurs qu'au système de brevet sur le vivant, en affirmant le droit des agriculteurs.
Les riz hybrides et le séquençage du génome
Dès la fin des années 1970 arrivent les premières variétés de riz hybrides. Leur succès amène à travailler sur le séquençage du génome su riz et une première carte fait son apparition en 1988. Entre 1984 et 2004, les surfaces cultivées en riz à l'échelle mondiale vont progresser de 6 % et rendements de 19 %, ce qui se traduit par une production mondiale augmentée de près d'un tiers.
Années 1980
Au cours des années 1980 et des années 1980, le cadre international des échanges de céréales s’est écarté des accords internationaux de type réglementaire, entre pays[94], sous l’effet d’une privatisation accrue, mais aussi de la déréglementation du commerce mondial et de la décentralisation de la production de céréales et des activités commerciales, via l'apparition de nouvelles firmes de négoce et le rôle accrû des coopératives en Europe de l'Ouest[94].
Les relations avec l'URSS se détériorent
Le 4 janvier 1980, le président américain Jimmy Carter a décidé de bloquer les livraisons, pour protester contre l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS. Les pays exportateurs européens l'ont soutenu, mais c'est surtout l'Argentine qui volera au secours de la Russie, menacée d'embargo par les États-Unis[27]. La dictature militaire du général argentin Jorge Rafael Videla, alors proche de Moscou vendit 7,5 millions de tonnes de blé à la Russie, à 25 % au-dessus du prix mondial, contribuant à la perte de crédibilité de Jimmy Carter et à l'élection quelques mois plus tard de Ronald Reagan[111].
Les États-Unis compensèrent la perte de ce marché par un programme d'aide aux agriculteurs qui a coûté 2,5 à 3 milliards de dollars[112].
L’Asie du Sud-Est devient autosuffisante grâce à l'innovation rizicole
L’Asie du Sud-Est est la région du monde où la révolution verte a permis à la production céréalière de s'accroitre le plus rapidement dans les années 1970 et 1980[113], l'Indonésie et les Philippines, considérés comme structurellement déficitaires, devenant presque autosuffisants en quelques décennies.
L'augmentation des rendements, grâce aux variétés rizicoles mises au point par l'IRRI et leur adoption par les paysans locaux, a joué un rôle beaucoup plus important que l'accroissement des surfaces exploitées[114]. Ces nouvelles variétés ont nécessité une modification complète des systèmes de production agricole : drainage, fertilisation minérale, traitement chimique, via des projets de développement spécifiques, pilotés par les États de cette région, avec l'appui d'organisations internationales (Banque mondiale, Banque asiatique pour le développement…) et une protection des prix du riz contre les fluctuations du marché international.
Années 1990
La seconde partie des années 1990 voit une chute des cours du blé aussi forte qu'avait été la progression de 1994-1995, au sortir de la longue crise économique européenne de 1991-1993. Cet effondrement du marché, par la croissance de l'offre d'Inde et de Chine, augmente les dépenses publiques aux filières céréalières, créant des déficits financiers qui accélèrent les réformes de la PAC mises en place dès 1992. L'inondation du marché par l'Inde et la Chine, imprévue, s'ajoute à l'exceptionnelle moisson française de 1998-1999 pour faire chuter les cours de moitié en deux ans et demi[115].
En Inde, après la « révolution verte », la libéralisation agricole
La révolution verte en Inde aboutit à l'autosuffisance alimentaire et à la constitution des stocks régulateurs permettant d'atténuer les variations de prix du riz, dans les années 2000 : le pays a progressivement constitué des stocks pouvant atteindre 25 millions de tonnes de riz, même si 220 millions d'Indiens restent sous-alimentés. La conséquence est l'arrêt des importations de nourriture.
L’investissement massif de l’État indien dans la révolution verte a cependant été remis en question depuis les mesures de libéralisation de l’économie indienne amorcée en 1991. Sa conséquence est une baisse des prix agricoles et des subventions étatiques, qui ont ruiné bon nombre de paysans en Inde.
Première vague de réformes de la PAC en France
En France, l'Office national interprofessionnel des grandes cultures accompagne les réformes successives de la Politique agricole commune : le paiement à la surface en 1992 et le gel des terres en 2003. À partir 1992, les prix garantis se rapprochent du niveau des cours mondiaux, la politique agricole commune n'ayant plus besoin de financer l'écart, ce qui freine le mouvement des réformes. Une première vague de propositions l'oriente vers des mesures agro-environnementales, par un soutien au développement rural. Un cadre financier prépare ensuite l'arrivée de dix nouveaux pays membres et doit rendre la PAC compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
L'exceptionnelle moisson française accélère les réformes de la PAC
La seconde partie des années 1990 voit une chute des cours du blé causé par l'inondation progressive du marché par l'Inde et la Chine, imprévu par les économistes. Le facteur le plus surveillé était alors la désorganisation croissante des filières agricoles de l'ex-URSS, qui a volé en éclats. Du coup, les céréaliers européens continuent à produire massivement : ce sont eux qui contribuent le plus à la croissance du commerce mondial[115]. Fin 1998, le prix du blé sur le marché libre est proche de 130 dollars la tonne, divisé par deux en une trentaine de mois[115]. À Bruxelles, la gestion du "comité céréales de la direction générale de l'agriculture", chargé de décider des restitutions à l'exportation, se montre d'abord plutôt laxiste sur le mécanisme de régulation de marché qui vise à compenser la différence de prix pratiqués sur le marché communautaire et sur le marché mondial. Financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), ces aides creusent les déficits. Au printemps 1998, les décideurs européens sont plus prudents. Ils espèrent que le prix mondial va remonter[115], car la récolte russe s'annonce aussi calamiteuse que prévu, c'est-à-dire la pire depuis 40 ans, quasiment au niveau de la catastrophe de 1994-1995.
Les décideurs européens n'utilisent donc pas le reliquat d'engagements auprès de l'OMC, de 38,5 millions de tonnes, hérité des trois campagnes précédentes[115]. Du coup, les stocks européens gonflent à 36,7 millions de tonnes. La récolte française est exceptionnelle (+7,2 % à 68 millions de tonnes, plus des deux tiers de celle de toute l'Europe[115]) au point qu'il faut utiliser des cours de ferme bâchées à la va-vite pour la conserver[115]. Dans le port de Rouen, le quintal de blé frôle les 70 francs[115]. Les dépenses résultant de l'écart en prix de marché et prix garanti accélèrent les réformes de la PAC.
La production de blé dans le monde :
Production de blé en millions de tonnes | Chine | Europe | États-Unis | Inde | ex-URSS |
1994-1995 | 101 | 85,5 | 63,2 | 59 | 60,8 |
1998-1999 | 110 | 103,7 | 69,4 | 66 | 57,1 |
Ecart | plus 9 | plus 18,2 | plus 6,2 | plus 7 | moins 3,7 |
En 2003, les « accords de Luxembourg », menés par le commissaire Franz Fischler, décident un compromis de transition pour réformer la PAC: les primes perçues ne sont plus liées au volume produit mais à une référence historique, la moyenne des primes perçues sur trois années de référence.
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Histoire de la culture des céréales » (voir la liste des auteurs).
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- Le Winnipeg Grain Exchange et la Commercialisation des céréales canadiennes par J. L. Junod, licencié ès sciences commerciales et économiques.
- « Les aides directes à l'agriculture aux États-Unis : le débat du Farm Bill », par Jean-Christophe Debar, dans la revue Économie rurale de 1996 [3]
- « Histoire de la culture des céréales et en particulier de celle du blé tendre », par Alain Bonjean, de Limagrain China, Dossier de l’environnement de l’INRA « https://www7.inra.fr/dpenv/pdf/bonjed21.pdf »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
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- « La France, l’aide américaine et la construction européenne 1944-1954. Volume I - Chapitre III. La crise de 1947 et l’entrée de la France dans le bloc occidental » par l’Institut de la gestion publique et du développement économique en 1997 [23]
- « L’ABC du Marché noir», article de Renaud Lecadre, dans « 1947 : la France désenchantée », supplément à CFJ-Info, sous la direction de l’historien Jean-Pierre Azéma aux Editions du CFJ-CPJ en décembre 1988
- «Du Blé », article sans signature dans « 1947 : la France désenchantée », supplément à CFJ-Info, sous la direction de l’historien Jean-Pierre Azéma aux Editions du CFJ-CPJ en décembre 1988
- "Le pain de la corruption", par Yves Farge, ancien ministre du ravitaillement, aux Editions du Chène, en 1947
- « Mort au dirigisme », article de Renaud Lecadre, dans « 1947 : la France désenchantée », supplément à CFJ-Info, sous la direction de l’historien Jean-Pierre Azéma aux Editions du CFJ-CPJ en décembre 1988
- "Le pain de la corruption", critique par Rémy Roure le 3 octobre 1947 dans Le Monde [24]
- «La bataille perdue des prix », article de Nathalie Lacube, dans « 1947 : la France désenchantée », supplément à CFJ-Info, sous la direction de l’historien Jean-Pierre Azéma aux Editions du CFJ-CPJ en décembre 1988
- "La pénurie de blé" par Pierre Fromont, professeur d'économie agricole, dans Le Monde le 7 avril 1947 [25]
- « Salaire, les accords nécessaires », article d’Emmanuel Letreulle, dans « 1947 : la France désenchantée », supplément à CFJ-Info, sous la direction de l’historien Jean-Pierre Azéma aux Editions du CFJ-CPJ en décembre 1988
- Nouria Ghazi,, « LE COMMERCE INTERNATIONAL DU BLE", thèse de doctorat de sciences économiques, Université de Tlemcen », .
- « Coopération en matière d’échanges de céréales et de sécurité alimentaire », juin 2009.
- " Le mode de règlement des différends adopté par l'Accord international sur le blé" par Georges Fischer dans l' Annuaire Français de Droit International de 1955 [26]
- « L'agriculture française depuis cinquante ans : des petites exploitations familiales aux droits à paiement unique », par Maurice Desriers, des services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, dans L’agriculture, nouveaux défis - édition 2007 - [27]
- « Les marchés internationaux du blé », par Jacques Parizeau, dans L'Actualité économique d'octobre–décembre 1955 [28]
- Jean-Jacques Marie, La Russie 1856-1956, Paris, Hachette Livre, coll. « Les fondamentaux », (lire en ligne).
- (ru) А. П. Корелин 1. Экономическая конъюнктура в стране. 1913_2
- "Évolution du marché mondial du blé au cours des cinquante dernières années", Université de Gembloux, février 2012 [29]
- André Wilmots, De Bourguiba à Ben Ali. L’étonnant parcours économique de la Tunisie (1960-2000), éd. L’Harmattan, Paris, 2003, p. 28.
- « L'expérience du marché commun franco-tunisien des céréales », par Claude Zarka, dans la Revue économique. Volume 8, no 3, 1957 [30]
- « Cargill, l’université genevoise du trading », par Sébastien Dubas et Sylvain Besson dans Le Temps du 23 janvier 2017 [31]
- Le capitalisme sans capital, par Paul Fabra, 2011.
- « Le territoire français - Permanences et mutations » par Jacques Scheibling - 2011 - page 61
- Atlas de l'agriculture. Comment nourrir le monde en 2050 ?, par Jean-Paul Charvet, 2013.
- « Les artifices du vivant », par Chantal Ducos, et Pierre-Benoît Joly - 1993
- Une carte localisant les différents centres de recherche du CGIAR
- Sur l'ensemble de ces points, voir Marc Dufumier, Agricultures et paysanneries des Tiers Monde, éditions Karthala, Paris, 2004, en particulier p. 521 et suivantes.
- Mesure et évolution de la diversité génétique des plantes cultivées et des animaux domestiques. Séance de L'Académie d'Agriculture de France 2013
- Le Festin de la terre : l'histoire secrète des matières premières, par Éric Fottorino, Economica 1998, page 116
- Le Festin de la terre : l'histoire secrète des matières premières, par Éric Fottorino, Economica 1998, page 117
- voir Pingali, Hossain, Gerpacio, Asian rice bowls. The returning crisis, New York : IRRI-CAB International, 1997.
- Souvent ces régions sont à ce sujet, comme certaines îles indonésiennes, contraintes par la taille des terres exploitables et la forte densité de la population. Voir Barker Randolph, Herdt Robert W., Rose Beth. The rice economy of Asia. Ressources for the future, Washington DC : Johns Hopkins University Press, 1985.
- "Rapport Cyclope" 1999, pages 172 à 178, aux éditions Economica